En ce qui concerne l’industrie cinématographique américaine et son formatage très précis, on peut reprendre exactement ce qu’écrivent Bardèche et Brasillach dans leur Histoire du cinéma (sur la période juste avant la deuxième guerre mondiale)
Remarque: Brasillach a été exécuté après la guerre pour « intelligence avec l’ennemi ». Bien que ces phrases puissent s’appliquer à tout un spectre hollywoodien y compris avant le deuxième conflit mondial, cela correspond encore plus clairement à l’offensive américaine d’après guerre.
– – –
Pour les Américains…. C’est qu’un film doit rapporter de l’argent, si chaque film est-il soumis aux règles qui ont fait leurs preuves pour d’autres branches commerciales. La statistique des succès a le dernier mot. On estime qu’en dépensant 100 dollars pour le film, on doit retrouver 100 dollars de recettes. Quand le film est projeté devant le public, on mesure son succès à la supériorité ou à l’infériorité des résultats obtenus par rapport à cette estimation idéale. Un film affecté du coefficient 250 a rapporté 250 dollars de recettes pour 100 dollars de capitaux. Et, chaque semaine, un journal spécialisé fait paraître une cote des films de l’année, dans laquelle on peut lire le coefficient de chacune des œuvres réalisées établi d’après cette règle. Jusqu’ici, ce n’est que du commerce.
Mais voici où nous touchons à l’art. Ces constatations ne sont pas perdues. Le classement ainsi obtenu est un thermomètre du goût du public. Il sert immédiatement à déterminer dans quel sens on doit travailler. On y lit, sans aucun effort, qu’un placement en western est meilleur qu’en comédies, que les gangsters rapportent deux ou trois fois plus que les films de music-hall. On y lit surtout la grandeur et la décadence des modes. Sur cette espèce de bourse du cinéma, on suit la hausse du film de gangster, sa transformation en film policier puis le déclin de l’un ou de l’autre; il se déclenche une baisse sur les westerns et un boom sur les films montrant des journalistes. Et tout aussitôt ces mouvements provoquent l’abandon d’une série de films et au contraire la prolifération d’une autre série. C’est cette cote des films qui explique que les œuvres individuelles aient d’abord été assez rares, dans toute cette période d’adaptation du parlant qui se poursuit en Amérique jusqu’à la guerre et qu’on constate surtout l’apparition de « séries ». On vit successivement le succès puis le déclin du film désuet, du film « rayonnant », du film de gangsters, du film de police, du western, du film social, du film de music-hall, du film de danseurs. Chaque série nouvelle est parfaitement repérée à Hollywood; elle est cataloguée dès son apparition; et l’on sait d’avance qu’elle pourra fournir quatre-vingts films en moyenne.
L’histoire du cinéma en Amérique, finalement, ce n’est pas autre chose que la naissance et la disparition de chacun de ces groupes de films; ces séries ne nous apparaissent pas dans toute leur netteté en Europe parce que nous ne voyons qu’une partie de la production américaine, mais leur sillage est cependant assez sensible pour fournir un classement commode.
…
- Les statistiques sont toujours une belle chose. Une enquête faite en 1939 aux États-Unis, et portant sur dix-sept mille titres de films, a révélé que ces titres étaient essentiellement faits de vingt mots, agrémentés d’épithètes secondaires. Le premier mot est bien entendu, Amour. Le second Aventure. Puis Mystère et Femme. Les autres ont Nuit, Enigme, Epouse, Jeu, Désir, Faillite, Monde, Dame, Enfant, Millions, Cœur, Chanson, Crime, Vie, Dollars et Tsar. Tel est le romanesque du xxe siècle.
… Le système des producteurs présente d’immenses inconvénients. Il remet une autorité absolue entre les mains de gens qui sont la plupart du temps de bons organisateurs et d’excellents commerçants, mais qui n’ont souvent ni goût, ni culture, ni préoccupation artistique. Mais cela n’est rien. Les directeurs de théâtre, les éditeurs de librairie en sont souvent là. Ce qui est pire encore, ce sont les grands producteurs, les bons producteurs, ceux qui sont illustres à Hollywood, auxquels on remet le destin des œuvres les plus coûteuses. Car toute la réputation de ceux-ci est fondée sur le fait qu’ils pressentent l’opinion du public; ils savent d’instinct ce qui plaira et devinent immédiatement ce qui est déjà usé; chacune de leurs productions est un gros succès financier parce qu’ils ont su éliminer d’avance tout ce qui paraîtrait vieilli ou déjà vu et n’ont laissé passer que du neuf et de l’imprévu. Or, ce sont ces devins qui sont infiniment dangereux. D’abord parce que leur autorité morale est immense : certains d’entre eux, comme Irving Thalberg qui finit par se trouver à la tête de la Metro-Goldwyn, ont été plus admirés, plus vénérés à Hollywood que lés vedettes elles-mêmes. Mais surtout, leur tôle est suspect, parce qu’ils entretiennent l’illusion que le film peut produire et produit, en effet, des chefs-d’œuvre. Ce sont eux qui inventent à chaque saison ces formules nouvelles dont l’effet de surprise est chaque fois suffisant pour donner un espoir nouveau. Ce sont eux qui dirigent ces œuvres élégantes et bien faites, où le choix du sujet, celui des acteurs, la longueur, le rire, l’émotion sont admirablement organisés pour plaire. Ce sont eux qui remportent chaque année quatre ou cinq victoires psychologiques remarquables. Ils sont des devins, des prestidigitateurs du succès. Et ils tombent juste. Et trois ans plus tard, on reconnaît la vérité. Beaucoup de ces œuvres si séduisantes, précisément parce qu’elles étaient séduisantes, et n’étaient que cela, ont vieilli.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Robert_Brasillach
https://fr.wikipedia.org/wiki/Maurice_Bard%C3%A8che
