Intolérable cruauté (Intolerable Cruelty) (2003) 7.5/10 frères Coen

Temps de lecture : 4 minutes

Les frères Coen ! Les frères Coen ! Je ne vous dis que cela.

Bon, je vais quand même développer.

Intolérable cruauté est un titre dont la connotation très menaçante risque de faire fuir. Ce qui serait bien dommage, car c’est juste du second degré.

Sur la forme : que ce film est bien tourné, et que l’image est belle ! Que les métaphores sont percutantes !

Sur le fond : c’est une hilarante et grandiose comédie sur les entourloupes du mariage. Mais aussi une descente en règle des films du genre. Les autres, ceux qui se prennent au sérieux.

Cela se passe en Amérique où le sujet de la judiciarisation du divorce est criant, mais dont le principe est en train de se décliner chez nous.

  • Pour mémoire, le mariage a d’abord été un simple achat d’épouse, une pratique calquée sur les usages dans n’importe quel cheptel.
  • Puis il y a eu le mariage de raison qui a permis les unions patrimoniales et/ou claniques, les plus équilibrées possibles, financièrement parlant. Avec bien sûr, d’inévitables mariages forcés.
  • Plus récemment, on a connu le mariage d’amour, qui a permis quelques gros déséquilibres, comme le rapprochement d’un prince et d’une bergère. Ce « contrat » a alors pour mérite la protection ad æternam du plus faible.
  • Et là, depuis des décennies on retourne à une configuration plus intéressée. Il semblerait que le mariage se soit transformé en un traquenard financier sournois. Il s’agit de plumer les hommes naïfs au bénéfice des femmes rusées. Ce qui fait au passage la fortune de cabinets d’avocats spécialisés.
  • Même les femmes les plus désintéressées laissent parfois échapper un « et je ne t’ai même rien demandé ». Comme s’il était très naturel à présent de tirer profit d’une séparation. Le mariage étant considéré comme un préjudice en soi par l’épouse (ou plus rarement l’époux) ou une location avec des impayés. Belle mentalité !

Dans le film, la machinerie sentimentalo-mercantile est clairement expliquée. Le divorce profite au moins riche, souvent une femme oisive. Mais il existe une parade pour l’homme fortuné avec le régime de séparation de biens. Et tout le jeu consiste pour les chasseuses de mari à tenter d’éviter ce garde fou, en usant de la plus féroce séduction.

A partir de ces ingrédients très simples, les frères Coen nous concoctent une incroyable série de péripéties. Les enchaînements sont à la fois astucieux, comiques et largement improbables.

Pour arriver à leurs fins, les deux frérots, doivent utiliser des acteurs talentueux et beaux.

D’abord ils nous montrent les mérites de Clooney comme un des plus grands avocats de divorce. L’exemple qu’ils donnent est à la fois convaincant et risible.

Puis ils s’attaquent au gros morceau. L’intrigante madrée est la très séduisante Catherine Zeta-Jones. Elle veut croquer une fortune, comme ses bonnes copines l’ont fait avant elle. Mais Clooney le juriste, parvient à pourrir son premier divorce. C’est raté pour elle.

Elle entreprend alors une manigance complexe, avec un deuxième mariage bidon, pour faire tomber par ricochet Clooney dans son filet. Et là il y a toute la panoplie des rebondissements sur le qui est riche qui ne l’est pas, qui a le contrat de divorce imparable et qui ne l’a pas. Du grand art, mais qui est clairement une hyperbole irréaliste et déjantée.

Ils jouent là sur ces invraisemblances en les accentuant et en élevant ainsi le scénario sur un plan parodique, pour notre plus grand plaisir. Insidieux jeu de massacre pour toutes les daubes qui ont précédé.

En se permettant de naviguer sur plusieurs plans, ils nous montrent à nouveau une belle virtuosité. Ce sont des maîtres incontestables en la matière.

L’astuce suprême est de nous rendre amoureux, nous les spectateurs mâles, de la magnifique Zeta. La plus belle femme que je ne l’ai jamais rencontré, nous dit le grand George. On le croit. Cet avocat expérimenté, en devient aussi benêt que ses clients les plus mal avisés.

Et donc, nous mêmes, largement sous le charme, sommes en permanence sur une titillante ligne de crête. Des fois, souvent, nous penchons vers cet amour aveugle et qui abdique tout, d’autant plus qu’à nous cela ne nous coûte pas grand-chose. A d’autres moments, nous nous mettons en mode réserve prudente. Il faut pas pousser quand même !

Ce va et vient incessant entre ces deux pôles et cette implication, sont tous deux très judicieusement calculés.

On se marre, avec cette autopsie du mariage. Mais on rit jaune quand même. Écorché, désossé, a priori, tout est dévasté. Il n’y a donc pas d’amour contractuel heureux ?

La conclusion est judicieuse, la meilleure union est la dernière, celle qui permet après un long parcours, à l’amour de s’exprimer dans toute sa force, tout en nous laissant notre plein lucidité. Mais pour y parvenir, il faut sans doute beaucoup de maturité, et pas mal d’essais et d’erreurs.

C’est en tout cas possible, je l’ai toujours pensé.

Étrange aussi la conviction des baisers de nos deux héros et ce climat coquin.

  • Le mari de Zeta (Michael Douglas) et la femme de George (Amal Alamuddin) ont du serrer les dents.
  • A décharge : Zeta aurait dit à George “Tu embrasses très bien. Mais tu n’arrives pas à la cheville de mon mari, Michael. Dommage. Et sans rancune…

Ce film n’est peut être pas si innocent que cela. Il faut donc se pencher sur le passé matrimonial des réalisateurs et des acteurs. Mais là vous serez déçus si vous vous attendiez à des histoires mouvementées.

  • George deux mariages et un divorce. Et une promesse en 1993, non tenue, « qu’il ne se marierait plus jamais ».
  • Zeta un seul mariage avec Michael Douglas.
  • Joel Coen un seul mariage avec Frances McDormand.
  • Ethan Coen un seul mariage également.

Je ne me déplacerais peut-être pas dans une salle de cinéma pour voir ce film. Mais à la télé, un jour de pluie, serré contre une belle âme, ça le fait.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Intol%C3%A9rable_Cruaut%C3%A9

Envoi
User Review
0 (0 votes)

Laisser un commentaire