Herbert von Karajan, c’est écrit en gros et Memorial Concert il faut presque une loupe pour le voir.
De manière générale, je n’aime pas ces « tribute », qui s’apparentent si souvent à une pénible arnaque.
En effet, le pire est à redouter s’il s’agit du pillage du travail initial sous le prétexte d’un hommage. C’est tout bénéfice pour les nouveaux venus en mal de notoriété, car le nom vendeur est lui bien en avant. Et d’ailleurs que vaut l’hommage d’un plus petit que soi ?
Mais ici, j’ai acheté le Blu-ray en connaissance de cause.
J’avais été frappé par le concert initial de 1984. Au dessus duquel notre Karajan trônait. Il était certes âgé et perclus de rhumatisme, mais bien devant nous, en chair, en os et en articulations meurtries.
Ce concert mythique nous permettait de redécouvrir sa forte poigne en tant que dirigeant de l’Orchestre philharmonique de Berlin. Celui-ci jouant d’un seul homme devant… un seul homme, pour notre bonheur à tous.
On pouvait aussi détecter son emprise délicate, sur la très jeune violoniste Anne-Sophie Mutter. Sa liberté à elle était celle d’un oiseau dans une belle cage dorée. Mais judicieusement le Maestro lui permettait de belles échappées, juste quand c’était nécessaire. Il y avait une opposition dramatique entre ces deux pôles, chacun étant pourvu d’un immense talent. https://librecritique.fr/avis-concerto-pour-violon-beethoven-karajan-mutter-1984-8-10/
Venons-en à présent au même concerto pour violon de Beethoven, dans cette version 2008, mais sans Karajan cette fois.
Ici c’est l’octogénaire Seiji Ozawa qui conduit la musique. D’emblée on est frappé par le manque d’expressivité de ce grand chef d’orchestre. Son visage est impassible d’un bout à l’autre de l’exécution. Il a le droit, mais cela n’aide pas.
L’Ozawa de maintenant est visiblement un homme bon et doux. C’est là tout le problème. Pour cette œuvre, il faudrait un fauve rusé et querelleur. Faute d’être dirigé par une aussi grande autorité que Karajan, on a l’impression que l’orchestre est un peu en roue libre.
L’ordre militaire qu’imposait Herbert fait défaut (le bougre a été classé dans la catégorie 2, pour sa relative proximité avec le régime nazi). C’est bien entendu en partie une illusion d’optique. Mais quand même, on en vient à regretter la cravache de Karajan et son costume noir (Hugo Boss?).
L’Anne-Sophie Mutter de 2008 a gagné en maturité, mais a perdu cette insolente candeur et sa belle spontanéité. Elle est toujours au sommet, mais bien seule. Ici elle n’a aucun combat à mener. Elle n’est plus canalisée. Cela se sent. A vaincre sans péril on triomphe sans gloire, c’est bien vrai ça.
Une bonne part du dramatique beethovénien s’est éventé. Il a laissé la place à un hommage académique convenu, pour le centenaire de la naissance de Karajan.




https://fr.wikipedia.org/wiki/Herbert_von_Karajan
https://fr.wikipedia.org/wiki/Anne-Sophie_Mutter
https://fr.wikipedia.org/wiki/Seiji_Ozawa
