Au Panthéon des mauvais films de guerre, cette Grande Foutaise de 1978 a une place de choix. Pourtant les longs métrages qui peuvent y revendiquer une place sont nombreux. Et rares sont les navets qui y entrent.Cela nécessite pas mal de talent quand on se lance dans l’absolue nullité.
- Pour faire la guerre, il faut du courage.
- Pour faire un tel film, il faut de l’incompétence, de l’inconscience et une incroyable témérité.
- Pour en faire la promotion, il faut une extrême suffisance pour oser cette formule : The most awesome battle ever seen!
- Pour avoir regardé cet opus jusqu’au bout, il faut que le spectateur méritant reçoive la Légion d’honneur, la Medal of Honor, la Victoria Cross, la Eisernes Kreuz…
Le projet, basé sur la convergence de petites histoires disparates, est totalement écartelé. Ce procédé n’est pas nouveau. Mais là, les chevaux de Ravaillac s’en sont donnés à cœur joie. Les morceaux de scénario traînent partout et c’est pathétique.
Une pseudo unité consiste à réunir tout d’abord des protagonistes de tous les horizons, dans un repas protocolaire berlinois consacrant les Jeux Olympiques de 1936.
Ceux qui sont destinés à se faire la guerre, les gentils comme les méchants, se congratulent et se promettent de poursuivre leur fidèle amitié, dans ce climat de liesse sportive.
- J’ai quand même le sentiment que pactiser avec le boche nazi en 1936, montre un sérieux manque de lucidité. Est-ce que les concepteurs s’en rendent compte ?
Puis, chacun rentre paisiblement dans ses foyers et vaque à ses affaires.
La pression chronologique fait alors son œuvre. Les militaires Allemands commencent à s’agiter les premiers, les alliés européens suivront et les Américains rejoindront plus tard la boucherie organisée. Ce qui n’empêche pas ces derniers de pratiquer l’héroïsme le plus cocardier.
En attendant la nouvelle réunion, qui sera ultra-conflictuelle sur le terrain, on brode des histoires B, pour chaque convive de jadis et au-delà.
- Un Américain a deux grands fils, dont l’un suit brillamment la carrière militaire et l’autre végète paresseusement. C’est Pierre Corneille trimbalant son dilemme au cimetière d’Arlington ; privilégier les USA en danger ou ses fils qui pourraient y passer ?
- Et bien entendu le fils prodigue Ray Lovelock, qui est le moins prédestiné aux M16, écoutera quand même l’appel aux armes. Par son courage au front, il fera le bonheur de son père, le haut gradé Henry Fonda, qui a besoin de ce réconfort, vu qu’il vient de perdre l’autre rejeton. Le pépé vibre autant pour la Patrie, le Monde Libre, que pour ses fils menacés.
- Et on devrait verser une larmichette dans ce mélo cousu de fil blanc !
- « Pour qui sonne le glas ? » Pour chacun d’entre nous, évidemment. Puisque « aucun homme n’est une île » selon John Donne.
- Un autre Nord-Américain n’est autre que le vieux John Huston. Ce pseudo-Canadien fantasque aurait mieux fait de rester derrière la caméra, vu qu’il se prendra un obus. Le voilà dans une caricature d’électron libre âgé, que rien ne démonte et qui sait en remontrer aux bleus, même dans le désert. Là encore, on frise l’opérette. « Ah ! que j’aime les militaires… » (La Grande-duchesse de Gérolstein – Jacques Offenbach)
- Giuliano Gemma deviendra le capitaine très engagé Martin Scott et il prendra pas mal de risque au nom du devoir.
- Certains disent qu’il y aurait même Orson Welles. Pas vu, pas pris. En fait c’est la voix off dans la version « The Greatest Battle ».
- Un officier allemand obéissant, joué par Stacy Keach, a une femme à moitié juive Samantha Eggar, ce qui promet bien des tourments. Cela se terminera dans l’héroïco-pathétisme d’usage. Un abominable SS lui proposera de la laisser tranquille, si elle est « gentille » avec lui. La scène finale, mal « déclamée » est peu crédible, même si elle peut être vraie en substance, d’une certaine manière.
- D’autres femmes seront de la partie Evelyn Stewart et Edwige Fenech, avec des degrés de compromission divers.
- Helmut Berger est lui est un nazi de l’extrême. Il nous fait un remake de son rôle de damné, façon Visconti. Il est aussi chargé de véhiculer une sorte de Grosse Bertha sur un train. Cet engin mal reconstitué a l’air totalement artificiel, comme tout le reste d’ailleurs.
De nouvelles aventures se chargent donc de réunir ce qui est épars ; « In God We Trust » d’un côté et et « Gott mit uns » de l’autre.
La solution finale (hum) sera sur les champs de bataille de l’Afrique du Nord sur la Ligne Mareth ; des lieux où nous attendent les batailles les plus improbables ; celles faites de bric et de broc, dont des escarmouches de chars d’assaut, trop visiblement en carton pâte. A l’incurie générale, se mêle à présent le grotesque le plus complet. Je vous avais dit d’emblée qu’on atteignait là des sommets.
Umberto Lenzi s’avère doublement responsable de ce fiasco ; en tant que réalisateur et en tant que co-scénariste. Il a vraiment mené ces grandes vedettes en un combat douteux. Ce gars, à la carrière prolifique, a d’ailleurs fait tout et n’importe quoi, dont ce Maciste contre Zorro.
https://fr.wikipedia.org/wiki/La_Grande_Bataille_(film,_1978)
https://en.wikipedia.org/wiki/The_Greatest_Battle
https://it.wikipedia.org/wiki/Il_grande_attacco