La Maison des otages. Excellent thriller. William Wyler, Humphrey Bogart. 8/10

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En 1955, le puissant réalisateur et producteur mulhousien William Wyler réalise un thriller américain formidable.

Bien sûr il est aidé par le scénario, le livre et la pièce de théâtre de Joseph Hayes. Mais il y a bien un apport de Wyler lui-même, puisque lui, contrairement à tant d’autres, n’a ni sabordé, ni même réduit les écrits.

  • Que cela serve de leçon à tous ces « créateurs » qui se sont si souvent plantés.

L’intrigue de prise d’otages par des forçats en fuite, peut paraître très classique, mais amenée ainsi, elle tient parfaitement la route. Les grandes axes sont bien charpentés et cela se sent. Mais on est confondu du soin apporté aux détails.

Et même si on se doute que les gentils otages s’en sortiront quand même, le suspense est haletant de bout en bout.

Cela frise la perfection. Voilà une œuvre qui se tient et incite au respect comme un jeu d’échec de grands maîtres. Les humbles amateurs que nous sommes ne peuvent qu’applaudir. La précision est extraordinaire dans tous les domaines, images, découpes…

Un grand bravo aussi pour cet admirable jeu d’acteurs qui rend si consistant ces personnages. Ils s’évaluent, se toisent et se prennent le bec. Les grandes épreuves sont révélatrices des caractères réels de chacun. Ce sont des moments de vérité avec des enjeux forts.

Humphrey Bogart est considérable. En tant que chef de ce trio d’évadés, il doit mener mener de front plusieurs batailles. C’est une question de survie.

  • D’abord avec ses complices, et ce n’est pas de la tarte.
  • Ensuite avec la sainte famille qui doit amener à obéir à leurs règles.
  • Mais aussi par rapport au dehors de tous les jours et aux visiteurs imprévus.
  • Et bien entendu le plus dur se situe au niveau de la police régionale et fédérale, qui organise la traque et s’empare du moindre indice.

Chacun y va de son intérêt et il est difficile de concilier raisonnablement tout ce petit monde.

A priori, la pression sur cette famille est telle, qu’il n’est pas question d’échapper individuellement à l’emprise des brigands. C’est la grande règle que Bogart leur martèle inlassablement. Un s’échappe et les autres payent. Il est tellement maître du jeu, qu’il se permet d’en laisser certains vaquer à leur occupation.

Mais l’envie des captifs de ne faire confiance qu’à la police reste grande. Charge à cette forte institution de résoudre cette équation complexe.

Seulement la police peut préférer l’intérêt le plus large, celui de la population en général, plutôt que le sort de quelques otages. Elle pourrait limiter les dégâts en quelque sorte, en radicalisant l’action.

De l’intérieur, Fredric March, en bon père de famille, ne voit pas les choses ainsi. A priori ce gars d’un certain âge, sans malice, finit par se sentir prêt à pactiser un peu avec le diable, à condition qu’il en tire quelques atouts. Il veut louvoyer pour tenter de sauver tout le monde. Cela crépite dans sa tête et Bogart en est parfaitement conscient. Mais ce vieux brigand roublard n’a plus grand-chose à perdre. Il croit pouvoir maîtriser la situation. En tout cas il connaît toutes les cartes.

Le plus gros de l’histoire va se passer entre ces deux là.

Il faut bien dire que les femmes émotives que sont Martha Scott la mère, et Mary Murphy la fille, perturbent un peu la donne. Les rapports avec ces ex taulards sans femmes depuis des années, risque d’être animé. Encore une inconnue.

Et il y a un soupirant joué par Gig Young, qui percoit de l’extérieur que cela ne tourne pas rond. Mais comme il est loin d’avoir la solution du Cluedo, il complique lui aussi le plan que les uns et les autres s’acharnent à construire.

Plus incertain encore est le comportement du petit garçon Ralphie. On le prive d’école pour qu’il ne compromette pas le plan. Il est assez ingérable. C’est très bien vu.

L’ennemi vient aussi de l’intérieur même du groupe des méchants. D’abord il y a la brute Robert Middleton qui n’a qu’un pois chiche dans la tête. Il commet le premier meurtre depuis la prise d’otage. Ce lourdaud sanguinaire n’en fait qu’à sa tête. Du coup, le frère de Bogart à la scène, Dewey Martin est totalement ébranlé. Il va lâcher l’affaire. Mais il est bien trop jeune pour ne pas commettre d’erreurs. Humphrey l’avait prévenu !

Une fin tortueuse, mais qui se défend parfaitement, fait que le gentil papa se révèle un stratège hors pair.

Mais figurez-vous que le véritable moteur de l’histoire est ce vélo de gosse, couché sur la pelouse. Et que le petit refuse de ranger. Wyler nous le met sous le nez dès le début et on ne s’en rend pas tout de suite compte. Alors il nous le remet bien au centre de l’écran à la fin. Entendez que, le vélo, s’il n’avait pas été là aurait changé l’affaire de tout au tout. A l’instar du fameux battement d’ailes du papillon (Effet papillon – Théorie du chaos)

Avec ce récit implacable, on peut penser à Hitchcock, mais ce présumé maître du suspense est bien souvent, bien moins rigoureux.

https://fr.wikipedia.org/wiki/La_Maison_des_otages_(film,_1955)

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