La Religieuse. Film – Avis. Isabelle Huppert, Louise Bourgoin – Résumé (2013) 5/10

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Se faire besogner en long et en large, cela peut devenir besogneux.

Cela me gène un peu de critiquer ce film, parce que c’est méritant en soi, de nos jours, de reprendre des classiques.

Cela dit, le spectacle est besogneux. Il manque singulièrement d’épine dorsale. Et sans doute que les acteurs se prennent un peu trop au sérieux. Où se trouvent, le panache, l’invention et la force ? Tout ce qui doit servir une grande œuvre.

Bien que les vents soient contraires, Isabelle Huppert ne s’en sort pas si mal. Elle peut compter sur son talent. Même si ce rôle de mère supérieure lesbienne, un peu larguée, n’est pas vraiment fait pour elle. Et que cela termine en farce…

Mais on ne commente pas Isabelle Huppert. Elle nous a fait tant de bonnes interprétations par le passé qu’on l’absout. Amen.

Louise Bourgoin incarne elle, une autre mère supérieure. Elle est trop belle, trop apprêtée, trop moderne, trop à côté du coup, pour faire ce rôle de tortionnaire sadique.

Louise Bourgoin est une énigme. Elle semble avoir pratiquement tout pour elle, la beauté, l’intelligence (?), la vitalité… Elle en a sous le capot ? Pourtant, elle n’imprime pas. Elle n’aurait pas encore rencontré son réalisateur ? Ou bien Miss météo était-il son plus haut niveau de compétence ? Dans le doute, je la mets au purgatoire.

La « petite », Pauline Etienne, joue la religieuse malgré elle. C’est une ado, rebelle en herbe. Elle se constitue au fur et à mesure, qu’on la force et qu’on cherche à l’écraser.

Il y a un peu de l’héroïne de « épouses et concubines » dans ce destin. L’une est obligée de tout abdiquer à Jésus, l’autre doit se donner corps et âme à son maître fait de chair et d’os.

Il n’y a pas d’échappatoire, hors de l’opposition muette et de petits soubresauts têtus.

Et dans les deux cas, France ou Chine, leur entrée en résistance, leurs coups de buttoir aux conventions, font qu’elles remettent en cause tout un système. Les jalousies feront le reste. Il n’y a pas de salut possible. Elles doivent soit se conformer, au mépris de leurs convictions profondes, soit être broyées.

Dans les deux films, on est aux confins d’un monde sur le point de s’effondrer, et qui se raidit de ce fait.

Il y a quelques rôles secondaires assez bien tenus et d’autres moins.

Au début, dans le salon de musique, on fait du Barry Lindon. C’est marrant comme des œuvres finissent par être des références, quitte à déserter la réalité historique. Les reconstitutions ont leurs modes.

Le découpage est laborieux lui aussi. On voit bien dans l’inversion, la fin qui est au début, puis dans le canevas qui se met en place, là où ils veulent en venir. Mais c’est fait sans finesse, sans génie.

La réalisation hésite entre le littéral et l’envie d’en sortir.

Ce livre important a été mis en scène des nombreuses fois déjà. Il est assez irrespectueux de s’y frotter sans biscuits. Au minimum on prend de la hauteur. On doit tenter de se percher sur les épaules de ses prédécesseurs. Ici le résultat est décevant. Il tend plutôt vers le téléfilm pâlot.

C’est passablement « européen », l’esprit qui règne dans ce film. Dans un sens péjoratif du terme. On peut résumer cette européanité à une sorte de morosité et de tristesse convenues, agrémentée de poses et souvent soutenue par une musique sinistre. Ou pire comme ici, le parti pris encore plus réfrigérant, d’une quasi absence de musique.

  • Il faut vraiment être stratosphérique pour se permettre ces silences là, pas au ras du plancher comme ici.

Ces artifices formels cachent mal la pauvreté finale de cette réalisation. Ce ne sont que des remplissages au détriment du sens et des idées.

L’autorité supposée du malheur ne nous impressionne plus. Ce procédé ne nous illusionne plus. Tant il est devenu routinier, engourdi, toussotant et boiteux. Bref, cette façon de faire a pris un sérieux coup de vieux.

Ça aurait pu être pire. On frémit en pensant à ce qu’aurait pu donner une réalisation main-stream américaine. On redoute le chewing-gum, les éclats de rire, les mp3 et les selfies des novices.

Mais ça aurait pu être mieux. L’esprit rafraîchissant de Netflix pourrait revisiter tout cela. Quand on laisse faire ces jeunes talents qui en veulent, cela peut donner des résultats surprenants. Les exemples sont nombreux.

Par ailleurs, il suffit de faire défiler quelques noms illustres au hasard, pour que tout s’illumine. Imaginez là derrière, un Fellini, un Kubrick, un Rohmer, un Polanski… Woody Allen (*) … et on s’en prend plein les mirettes.
On voit bien que ce « pain béni » n’est pas à laisser entre toutes les mains. C’est bien la personnalité qui manque au film.

Faire La Religieuse à l’époque de Diderot, c’est courageux et littéralement révolutionnaire. Faire aujourd’hui, ce qu’ils ont transformé en petit miroir aux vanités d’artistes, c’est tout le contraire. Les mauvaises langues diront que c’est de la paresse et une facilité sans doute susceptible d’attirer des fonds européens.

(*) Surtout pas un Woody Allen, à moins qu’on ne le déguise lui en religieuse ! On n’a plus le droit de faire des blagues ?

https://fr.wikipedia.org/wiki/La_Religieuse_(film,_2013)

Pauline Étienne
Isabelle Huppert
Louise Bourgoin

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