La Vierge des tueurs (La virgen de los sicarios) (2000) 7.5/10 Schroeder

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Il y a quelque chose de léger dans le traitement des choses graves, chez l’ami Barbet Schroeder. Une attitude un peu dérangeante.

  • Ce qui peut donner l’impression d’une incomplétude dans le traitement des sujets.

Alors que c’est tout le contraire.

Vous pourrez vous faire une idée de l’intrigue sur le lien résumé suivant : Résumé Film. La Vierge des tueurs – Aperçu (2000) Schroeder – 7.5/1

Le résumé du scénario est sur : Résumé Film. La Vierge des tueurs – Aperçu (2000) Schroeder – 7.5/10

En fait il attaque une autre dimension, celle de la distanciation philosophique. Cette légèreté apparente est sans doute le reflets des limbes dans lesquelles il se trouve. C’est à dire qu’elle restitue cette nécessaire indétermination, une fois qu’on s’est débarrassé de la morale du tout venant. Mais c’est conscient.

On le voit dans Amnesia avec ce sujet clivant du devoir de mémoire. Que la barbarie des temps passés soit encore dénoncée jusqu’à plus soif ou que l’on cherche à la dissimuler sous le tapis, n’a pas tant d’importance que cela. Il faut aussi tenir compte des enjeux qui concernent les relations des êtres au présent. C’est plutôt humain cette façon d’aborder ces sujets casse gueule.

  • La question est posée, mais il n’est pas nécessaire d’y répondre de manière tranchée. Les morts de jadis doivent-ils vraiment devenir nos fantômes d’aujourd’hui ? Et si finalement tout cela ne rimait à rien ?

Pour More c’est plus compliqué. Mais quand même, cette descente aux enfers n’est pas si clairement critiquée que cela. La drogue et ses abîmes nous sont montrés avec une certaine tolérance. Le vertige et les douleurs exquises auraient leur charme ? Et le décès du principal protagoniste fait partie du décor. Elle est nécessairement dans l’histoire. Toute cette itinérance, n’est là que pour nous dire que tous les chemins mènent à la même conclusion. Faut-il alors tous emprunter la même voie ?

Et si la mort n’était pas si importante que cela ?

Ce message on peut clairement l’entendre aussi dans La Vierge des tueurs. Cet écrivain qui retourne à Medellin des décennies après, est confronté à l’incroyable banalité des exécutions. On tue pour un regard de travers, parce qu’on fait de la musique trop fort ou parce qu’on résiste. C’est même singulièrement commun dans cette ville pourrie. Les enfants de 5 ans savent cela.

Il semble s’accommoder de cette froide folie meurtrière. C’est loin d’être frénétique cette affaire. On est bien au delà des clichés d’assassinats vengeurs. C’est juste comme cela. Quelque chose comme l’absolu nihilisme au bout de la route. Il n’y a rien derrière la dernière palissade (Salaire de la peur).

Sans doute qu’il cherche lui-même à en finir, pensant avoir fait le tour de la question. Finalement toutes ces exécutions démontrent que ce n’est pas si grave de mourir.

Il fera donc une dernière tournée de l’extrême et dans ses amours homosexuelles que dans la frange la plus effrayante de la société. En se coltinant le pire, comme ce qu’il estime le meilleur, il cherche la mithridatisation, la domestication des sens. Il se prépare à ne pas souffrir du grand passage.

Il est certes retourné par ce gamin des rues qui respire je ne sais quel dangereux solvant. Il y voit l’image du mal. Il le sent dans sa chair, dans son âme. Il faut qu’il s’habitue. Le chien écrasé dont l’agonie traîne est du même tonneau. Il est là à deux doigts de se supprimer.

Dans cette vendetta infernale, ses très jeunes amants savent qu’ils vont y passer à leur tour. Mais là aussi ce n’est pas si important. C’est la seule loi qu’ils connaissent, tuer ou être tué. Et lui ne s’inquiète pas tant que cela que ses proies rejoignent la morgue. L’un remplace l’autre et puis c’est tout.

Le premier n’a que 16 ans il a un visage d’ange. Mais c’est l’ange exterminateur. On sent que la caméra caresse l’adolescent. Barbet est troublé. Fernando, le vieux mentor cherche un temps à éduquer son partenaire. Le gap est immense et puis à quoi bon chercher à le combler ? Peine perdue.

Il est un brin complaisant. Il participe à cette déliquescence en jetant à son tour le matériel hi-fi du haut de son immeuble. C’est fait sans véritable haine, et bien qu’il ait conscience que cela soit extrêmement vain, il y trouve une petite parcelle jubilatoire. Mais c’est plus un langage de communication avec ses protégés qu’une réelle pulsion qui puisse le satisfaire.

Certains ne seront pas satisfaits de cet entre-deux, de cette absence de claire morale, de ce chemin inabouti. Mais c’est justement le principe de ces films avec ce retour à des âges révolus de l’humanité. Et si ce monde là revenait en force et s’étendait à toute la planète ? Cela deviendrait la norme et qui s’en soucierait alors ?

Certains y verront un satire sociale, une attaque en règle d’un système où la cocaïne dicte sa loi. Une société devenue profondément inégalitaire où on chie littéralement (fiente d’oiseau) sur les principes de Bolivar.

L’argent corrompt la jeunesse ? L’argent du vieux lui permet d’acheter des services amoureux… mais auprès d’assassins. Et puis la légende du film veut nous faire croire, que rapidement ils s’aiment pour de vrai. Sans doute est-ce avant tout « sexuel » et satisfaisant pour tous les deux ?

Dieu, le Christ, la Vierge et todos los santos sont singulièrement présents. Déjà dans le titre mais aussi Partout. C’est juste le constat de la permanence de la religiosité en Amérique du sud. Même le plus grand pecator peut compter dessus. Il vaut mieux tenter l’avoir de son côté car ici bas il agirait, même en échange d’un malheureux cierge. Et puis au-delà il peut rendre des services aussi.

L’auteur ne lance pas une apostrophe émancipatrice au principe divin, comme dans Don Juan ou chez Buñuel.

Les acteurs habitent le film. Germán Jaramillo en écrivain, Anderson Ballesteros en Alexis et Juan David Restrepo en Wilmar. Il est cependant un peu téléphoné que Wilmar l’amant numéro 2 soit comme par hasard le tueur d’Alexis, l’amant numéro 1. Le monde est petit, et l’expression usée vaut maintenant pour cette ville de 4.000.000 d’habitants.

Barbet continue à revisiter les sites de son passé et les franges basses de la société. Il délaisse ici Ibiza pour la Colombie de son enfance.

Le film a été partiellement tourné en douce, caméra au poing. Il semble forcer le trait quant à la corruption et l’impuissance des politiques. Il insulte carrément le président de l’époque par acteurs interposés. Il donne une image ultra sombre du pays.

Tout cela a forcément déplu à pas mal de Colombiens.

Mais ce n’est pas tant que cela le sujet. Sauf sans doute pour l’auteur du livre, qui est à la base de cette histoire et qui lui veut dénoncer l’incurie généralisée (*)

Un film va bien au-delà, et est donc plus difficile qu’il n’en a l’air. Il passe de la généralité à l’individu voire l’individualisme. Cette œuvre anticonformiste et relativiste n’a pas connu le succès grand public. Ce qui ne doit pas nous étonner. Il y a fort à parier que Barbet s’en fiche. Lui il trace sa propre route. Et son cinéma thérapeutique, très fortement dosé, l’aide lui avant tout.

https://www.fugues.com/2002/08/02/barbet-schroeder-et-la-vierge-des-tueurs/ Une interview intéressant du réalisateur.

  • (*) Fernando Vallejo, l’auteur du roman La Vierge des tueurs, adapté au cinéma par Barbet Schroeder annoncé à la radio colombienne Caracol qu’il renonçait à sa nationalité pour dénoncer la violence qui règne dans son pays.
  • L’écrivain, qui a déposé une demande de naturalisation au Mexique, s’en prend également au président colombien Alvaro Uribe, dont il fustige le gouvernement “complice” et “sans scrupule”. – (AFP.)

https://fr.wikipedia.org/wiki/La_Vierge_des_tueurs

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