Il n’a pas du apprécier, le Club Med, qu’on l’accuse nommément de vouloir bétonner le champ de navets africain de Philippe Noiret, pour étendre son empire de loisir.
L’intrigue est simplissime. La très parisienne Catherine Deneuve est séparée de son époux Philippe Noiret, qui lui a fui dans le continent noir. Plus ils se voient, moins il s’entendent. Elle le rejoint pour son travail. Elle est accompagné d’un faire-valoir, Jean-François Balmer.
Elle est en mission pour un projet d’implantation du club des « Bronzés ». Elle avance, Noiret résiste.
Il se complaît dans cette communauté de « bons sauvages ». Lui-même a un statut de petit roi néo-colonial, version paternaliste. Il se montre bienveillant. Et comme tout colon qui se respecte, il mène dans son lit la plus belle du village, la magnifique Vivian Reed, née en 1947 (afro-américaine en réalité, mais qui a des airs de Kényane finalement). Dans le film elle est chanteuse et danseuse comme il se doit, on est aux limites de ce qu’on pouvait demander à une pseudo-native. En 1983 on en était pas encore dans le woke pur et dur.
Le pays en question n’est pas situé dans la Françafrique, vu que c’est souvent le Kenya. Pour donner le change on a quand même exhumé de vieilles Peugeot délabrées, mais la conduite à droite ne trompe pas. C’est la version anglophone de ces contrées.
Pour corser le scénario plan-plan, Philippe de Broca a rajouté un thème porteur d’indignation convenue, avec ces mauvais garnements qui tuent des éléphants pour se faire du fric avec leur ivoire. Jean Benguigui nous fait un Rastapopoulos bien conforme, à la tête du trafic. Faussement gentil et vraiment méchant, quand on doit se confronter à lui. Il est à la limite négrier.
Les tribulations de notre couple égrènent les thèmes à la Tintin au Congo, et plus précisément dans le royaume de Babaoro’m (confer épisode des Pygmées). Poursuites, forêts équatoriales… Et comme cité par Hergé pour qu’on ne fasse pas d’anachronisme, ce sont les années 1930, à l’époque Rex de Léon Degrelle – Je ne connaissais de ce pays que ce que les gens racontaient à l’époque : “les nègres sont de grands enfants… Heureusement pour eux que nous sommes là”
La fin est pourrie de conformisme, puisque bien entendu Deneuve et Noiret, en instance de divorce, vont se rapprocher à nouveau.
C’était encore un peu du temps de la Françafrique heureuse. En ce sens que les Français paraissaient les bienvenus. En tout cas les compromissions avec les dirigeants, permettaient de donner le change. Mais il y avait aussi de réelles amitiés.
Que d’eau a coulé depuis. Les territoires sous influence hexagonale se sont réduits comme peau de chagrin. Le Gabon et le Togo, tous deux francophones, viennent de rejoindre le Commonwealth. Le Mali et quelques autres ont viré la présence française avec des coups de pied dans le derrière. Quelle déconfiture !
La défaite de 40 avait ouvert les yeux des autochtones. La France n’était plus toute puissante. D’où le succès des mouvements de libération.
Nos dernières années ont mis en évidence nos insuffisances, sur la scène mondiale. Grèves à répétition dans ce pays de nantis. Mauvais accueil des étudiants étrangers, avec par exemple ces tracasseries aux consulats. Armée visiblement délabrée (guerre en Ukraine), système de santé « le meilleur du monde » à la dérive, enseignement en plein marasme avec tricheries sur son état actuel, du fait du relèvement artificiel des notations, parc nucléaire en déliquescence, dette abyssale, recul des aides à l’Afrique etc. C’est en fait un second 1940 et cela se voit. Nos amis africains ne sont pas bêtes. La France ne fait plus rêver.
NB: je remonte la note à 6/10, par respect pour la prestation de Noiret.
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https://fr.wikipedia.org/wiki/L%27Africain_(film)
https://fr.wikipedia.org/wiki/Les_Bronz%C3%A9s
https://fr.wikipedia.org/wiki/Pygm%C3%A9e