L’amour par accident (Accidental Love – Nailed!) (2015) 7.5/10

Temps de lecture : 4 minutes

Avec ce titre, je craignais une énième bluette insipide. Mais ce n’est pas du tout cela.

On a à faire à une comédie légère et grinçante. Avec les bons ingrédients, disposés juste comme il faut. En tout cas, c’est ce que je suis pratiquement le seul à penser.

Une indiscutable loufoquerie permet une transposition, très déphasée, de critiques anti-système et sociétales acerbes. Sans pour autant nous faire la leçon. Ce sont juste des prétextes pour nous faire marrer sur des bases bien connues et assez solides.

On pourrait presque parler d’un conte moral humoristique, à la manière de certaines œuvres de nos Lumières. Avec pas mal d’humour en plus. Vous voyez, je pousse le bouchon pas mal loin.

L’histoire vue de très haut est assez simple. Une jeune femme sans couverture sociale se retrouve avec un clou profondément enfoncé dans le crâne suite à un accident et elle cherche par tous les moyens le financement de l’opération salvatrice. Et au départ, elle croit dans les vertus protectrices du système.

Les accompagnants et le postulant aux fiançailles montrent une compassion convenue et sont prêts à l’aider. Mais ils se défilent quand ils apprennent que cela coûtera la bagatelle de 150.000 dollars. Et le soupirant n’est pas emballé à l’idée de se trimballer une future handicapée. Chacun trouve une bonne excuse. Un trait classique de l’hypocrisie à visage humain. Et bien entendu ce cas de figure nous dérange tous. Heureusement que ce n’est que du cinéma.

Selon l’enfoncement du clou la belle Jessica Biel montre des troubles du comportement variés. Peu enfoncé, ça va à peu près. Un peu plus loin, ce sont des troubles alimentaires et de l’humeur. Plus profond, c’est la désinhibition avec en particulier une libération des pulsions sexuelles.

Ce dernier point va se révéler très utile, puisque notre héroïne n’a jamais eu d’orgasme. Bien que son partenaire (James Marsden) la rassure en lui énonçant que statistiquement c’est normal, elle garde un certain espoir. Encore une belle satyre satire, de l’hygiénisme sexuel aseptisé cette fois.

Une chance possible va arriver sous la forme d’un jeune sénateur. Faiblard, il n’est qu’un homme de paille dans son parti (Jake Gyllenhaal). La télévision, aidée du staff de communicants du groupe, le présente comme un homme généreux qui va aider tout un chacun. Il promet en effet d’aider tout le monde, quel que soit le problème.

Et Jessica, qui prend cela au premier degré, va sauter sur l’occasion. Accessoirement, chemin faisant, et comme son clou va s’enfoncer vers le point G, elle va aussi lui sauter dessus. Et là c’est l’orgasme tant espéré qui se pointe chez l’un comme chez l’autre. Ils tombent raides dingues l’un de l’autre.

Du coup elle va tenter de le convaincre de supporter sa campagne, qui dépasse son propre cas et qui vise une couverture santé gratuite pour tous en cas d’accident. On voit les coups de griffes des auteurs contre le système Healthcare américain inégalitaire et défaillant (*)

Mais le parti, manipulé par une ex-astronaute autoritaire (Catherine Keener), porte le projet d’une station spatiale sur la Lune. Les arguments sont a priori loufoques, mais ils sont donnés avec tellement d’autorité que les uns et les autres rallient cette cause. Là on est en plein dans le fil des manipulations possibles de la démocratie. Et c’est tellement énorme que cela en devient intéressant.

L’histoire montre de nombreux rebondissements avec des allers retours dans les convictions, au gré des calculs politiques. Et en parallèle, il y a les changements de caps amoureux qui s’imposent lors de ces retournements de veste. C’est une jouissive mise en abîme des supposés grands serments éternels, qu’ils soient tenus dans d’Alcôve ou dans les coulisses du pouvoir. Un débat « convictions idéalistes contre efficacité » au plumard comme à la chambre (des députés) qui est loin d’être tranché.

Des petites sottes à la Greta Thunberg, capées comme des micro-majorettes, apportent leur aide à la cause spatiale en promouvant des cookies célestes. On voit qui est visé dans ce type de moquerie de l’embrigadement.

Un de ces cookies asphyxiera le chef du parti, alors qu’il était sur le point d’apporter un codicille santé pour tous, au projet lunaire. La sous-chef le laissera s’étouffer et prendra ainsi sa place. Là c’est la routine de la dénonciation des politiques sans pitié, mais aussi des roueries cachées dans les textes de loi.

Franchement dans ce jeu bien mené entre réalité politique et délire, j’ai rigolé.

Jake Gyllenhaal et Jessica Biel sont deux acteurs curieux et du coup ils semblent bien assortis et parfaits pour cette folie cinématographique. Catherine Keener est très professionnelle, c’est à dire convaincante. Et ce rôle déjanté « hors sol » et pourtant profondément terre à terre, lui convient bien.

Le tournage a été tourmenté, avec deux départs de poids. Le film avait la poisse. Déjà que la gestation a duré plus de 7 ans. Il y a même eu une faillite. Et ce « machin » incomplet a fait partie d’une braderie, lors d’un rachat par lot.

Ce film, dont l’esprit comique est manifestement hors des canons traditionnels, et qui n’en est pas pour autant révolutionnaire, a été pilonné par la critique US et déserté par le public. Il a obtenu les pires notes possibles. En France on se garde bien d’en parler. Il est clair que nos gardiens du bon goût ciné se pincent le nez.

Cette opposition farouche lui donnerait presque des lettres de noblesse !

Je dois être le seul au monde à le défendre. Vous me direz ce que vous voudrez, je me cramponne à ce 7.5/10.

(*) Compte tenu d’une importante désynchronisation (7 ans) le film sort alors que le Patient Protection and Affordable Care Act (Obamacare) a été voté. La pique tombe donc à plat.

https://fr.wikipedia.org/wiki/L%27Amour_par_accident

Jessica Biel
Jake Gyllenhaal
Catherine Keener
James Marsden
Tracy Morgan
James Brolin

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