Le Capitan (1960) Jean Marais Tamino, Bourvil Papageno 7/10

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La noblesse est une propriété mystique de la liqueur séminale.” Paul Valéry

Notre bon peuple républicain aime à ce qu’au cinéma, la noblesse de caractère soit associée à la noblesse de l’ancien régime, celle qui a de l’ancienneté et/ou des faits d’armes.

C’est pour le moins étonnant et démontre qu’on a du mal à se séparer des mauvaises habitudes.

Petit bémol ici, puisque notre Capitan dit haut et fort que sa petite noblesse n’a rien à envier à la grande. Cela n’écorne pas le système des privilèges. Au moment des faits, c’est juste une question d’état d’esprit, de préséance et de possessions. On trouve ici comme ailleurs toujours un plus petit (grand) que soi.

Il y a d’autres cas encore plus notoires, comme ce personnage qui a inspiré Dumas, ce « Haut et puissant seigneur, Messire Charles de Castelmore, comte d’Artagnan ». Celui ci a existé, mais notre François de Capestang, non.

Tous ces braves héros au sang bleu assurent la prospérité des films de cape et d’épée. Un genre qui a connu ses heures de gloire dans les années 50 et 60. Mais le mal est plus profond puisqu’il repose sur les romans bien connus du siècle qui précédait.

Le canevas est classique et tient du super-héros seul contre tous. Je ne m’étends pas sur les super-méchants. Ils sont tous sur le même moule. Ce sont des intrigants, des calculateurs, des sans scrupules. Qu’importe si ces « vertus » font aussi de bons dirigeants.

Un personnage secondaire est chargé de valoriser le preux chevalier. Les eaux de Versailles fusent dans la tête du personnage principal. Mais c’est l’eau du robinet qui goutte dans la petite cervelle du serviteur fidèle.

Bourvil nous fait cet éternel Sancho Pansa qui sert son maître sans bien comprendre ses grands desseins. Ce gars fondamentalement basique est animé par ces pulsions élémentaires. Il n’est pas capable de s’enthousiasmer pour autre chose que la bonne chair à table et au lit. Il a du mal à comprendre qu’on s’expose pour autre chose. Il est foncièrement combinard et peu courageux. Il prend ce qu’il trouve ou ce qu’il peut détourner. Il se donne l’air d’être plus que ce qu’il est.

  • Le prince Tamino est promis à une grande initiation alors que Papageno l’homme de basse extraction peut se brosser. D’ailleurs cela ne lui apporterait rien, quand bien même il en franchirait les étapes.

La belle, convoitée par les grands du bien comme par ceux du mal, est forcément inaccessible. Le public aime qu’il en soit ainsi. Elle appartient avant tout au spectateur rêveur, car il a avec elle un colloque singulier, par la voie magique du cinéma. Et donc il faut le gâter. La séduisante Elsa Martinelli sera en time-sharing des millions de fois. Un bon investissement.

Le fait que Jean Marais s’obstine, de film en film, à se faire passer pour un séducteur de la gente féminine, ne doit pas surprendre. Notre Fantômas peut se déguiser comme il veut. C’est un acteur avant tout. Et donc il peut faire même les rôles les plus invraisemblables. Rock Hudson par exemple. Il cacha bien ses penchants et fut un des premiers personnages célèbres à mourir du Sida.

L’ascension sans doublage par notre grand Jean du château de Val à Lanobre est sincèrement époustouflante.

Et ce qu’il dit à ce sujet est singulièrement vrai et mérite d’être médité : « J’aime les prouesses. Pour le plaisir, la sensation physique. J’estime qu’un homme est fait pour se surpasser. Comment dire ? Je hais la monotonie J’aurais eu horreur, après les rôles aussi merveilleux que ceux que j’ai eus dans les films de Cocteau, de m’enfermer dans la fausse jeunesse d’un jeune premier prolongé. Brouiller ses propres pistes, s’éveiller à l’imprévu, à l’insolite de soi-même, c’est le secret de la jeunesse. Cocteau m’a enseigné cela. »

C’est un film sans surprise. Mais je ne peux m’empêcher de lui mettre un 7/10 car il a pu faire rêver des enfants et des adolescents avec bien moins de violence et plus de bons sentiments que dans n’importe quel blockbuster actuel sur des sujets analogues.

« Baladin, baladin…. » comme le chante pathétiquement notre cher clown Bourvil. Cet homme qui parle à son cheval et réciproquement, est parfois aussi signifiant que Charlot. Deux êtres perdus dans un monde incompréhensible, qui dansent si maladroitement devant leurs semblables, et qui continuent pourtant à chercher du sens, avec leur faibles moyens. C’est toute l’aventure humaine cela !

https://fr.wikipedia.org/wiki/Film_de_cape_et_d%27%C3%A9p%C3%A9e

https://fr.wikipedia.org/wiki/Le_Capitan_(film,_1960)

André Hunebelle

https://fr.wikipedia.org/wiki/La_Fl%C3%BBte_enchant%C3%A9e

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