Le Corniaud (1965) 7.5/10

Temps de lecture : 4 minutes

Un road-movie drolatique en quelque sorte.

Le propre du bon comique c’est quein fine il n’y a pas d’atteinte sérieuse à la personne. Ce n’est pas méchant, comme on dit. Ici on rit de presque tout mais avec une certaine tendresse. Comme si l’humanité était toute entière amendable. Même le redoutable escroc Saroyan bénéficiera d’une scène ultime de connivence rédemptrice.

Un film que l’on revoit dix fois, mais sans doute pas avec le même enthousiasme qu’au début. On y retourne paresseusement, comme on écouterait un vieux 33 tours qu’on aime bien, mais qui n’est pas forcément son préféré. C’est comme cette tablette de chocolat qu’on ne veut pas vraiment avaler, mais qu’on termine quand même. Une sorte de passion inavouable ou un péché mignon, de coupable récidiviste.

Mais une fois qu’on retombe dedans, on fait fi de nos préventions. On ne demande qu’à éprouver à nouveau quelques unes des belles émotions.

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Des scènes cultes accrochent encore notre attention. Je ne vais pas les énumérer toutes. Chacun à certainement ses préférences.

Mais on peut s’accorder les uns et les autres sur quelques moments forts :

– la première scène avec la 2ch éclatée par la Rolls – du grand art – et cette géniale improvisation du : « Elle va marcher beaucoup moins bien forcément » ou bien la réplique écrite suivante : Bourvil « C’est pas grave ! Vous en avez de bonnes ! Qu’est-ce que je vais devenir moi ? » – De Funès « Eh bien… piéton !” – Humour absurde sur fond de mépris de classe.

– la prestation de Louis de Funès à son bureau en train d’enfumer Bourvil. Suivi du « repas de con ».

– la moquerie des gars du port de Naples quand Bourvil beigne son nouveau carrosse, juste là où il ne faut pas. Et la confusion de ce dernier qui pensait pouvoir jouer les grands seigneurs. C’est humain tout cela.

– cet Italien garagiste, à qui on donnerait le diable sans confession, « pas du tout voleur contrairement à la réputation qu’on leur fait », et qui va subtiliser deux pare-chocs de Cadillac pour remplacer ceux en or qu’il garde pour lui. Là encore on sent toutes les appréhensions des quidams, et dans ces garages louches, et de surcroit dans cette Italie d’alors.

– la gaucherie de Bourvil avec les deux jolies femmes qu’il pourra approcher.

  • Alida Chelli la manucure qui sent bon l’Italie et qui est donc forcément inaccessible hors liens du mariage. « Les Français sont indiscrets ! » lui dit-elle – A quoi Bourvil répond, tout en scrutant ses belles courbes qui apparaissent à travers la robe en contre-jour : « Moins que votre soleil romain ! »
  • Et Beba Loncar l’auto-stoppeuse, qui nous fait une naturiste germanique détendue (alors qu’en vrai elle est née Serbe) et qui est donc supposée accessible à tout moment. Vive l’Europe de l’auto-stop !

– la jalousie caricaturale de l’Italien, ridicule dans sa petite auto, mais dont le rôle sera relevé par une scène de double feinte à la Marivaux.

– La chorégraphie de De Funès sur la Tarentelle de Rossini, vaut à elle seule le détour. On peut se la repasser 100 fois. Cette synchronisation parfaite et inattendue, entre un trivial changement de roue et la grande musique, est inoubliable. Une belle confusion des genres, démocratique et élitiste.

– De Funès encore lui, avec ses mimiques, alors qu’il se sent menacé dans sa vertu par un homme dénudé et baraqué, au camping sous la douche, et qu’excédé il finit par lancer « Non, mais c’est fini, oui ! » – Avec ce jeu équivoque d’un grand et d’un petit, Oury se serait inspiré d’un vrai couple d’homos totalement disproportionné. Ce qui confirme que pour être un grand réalisateur, il faut au minimum de grandes expériences personnelles.

– Le Youkounkoun est resté dans toutes les mémoires. Ce nom suffit à ranimer la flamme. Et somme toute, Bourvil n’est pas si kounkoun que cela. Mais le coup du nigaud qui a plus d’un tour dans son sac est assez classique.

– Le même Bourvil nous démontra cela avec son numéro de pseudo-bandit affranchi. On y croirait presque.

On connaît tout cela par coeur. Et pourtant, à chaque fois on est susceptible de découvrir quelque chose d’autre.

  • Ainsi, le seul corniaud officiel du film n’est pas celui qu’on croit. Souvenez-vous, c’est le faux garagiste au masque de soudeur à qui Bourvil dit : « Quel corniaud, il ne comprend même pas sa langue ». Et donc c’est Louis de Funès le corniaud !

Plus fragiles sont les moqueries sur Le Bègue (Venantino Venantini) ou le comique de répétition sur le sucre dans le réservoir, mais aussi avec les multiples « Alors là… Y m’épate, y m’épate, y m’épate…. » – Les diverses poursuites dans Carcassonne sont aussi assez lassantes. Et à plusieurs reprises, on peut regretter que l’on tombe manifestement dans une sorte de reportage touristique sur l’Italie.

Il n’en demeure pas moins vrai que nous avons là un bon grand spectacle, avec une prise de vue de qualité, ce qui ne gâche rien. En France la comédie était jusque là, souvent un parent pauvre, côté moyens. Désormais elle entre dans le cinémascope luxueux avec de copieux investissements. Une bonne affaire pour nous et pour les producteurs. Le résultat : 9 millions de spectateurs en salle ! J’imagine les nababs du cinéma en train d’imiter De Funès, quand il mime son « on va s’en mettre jusque là ! », avec toutes les variations possibles sur ce thème.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Le_Corniaud

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