Le dernier testament (1983) 7/10

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La catastrophe « tranquille ». Revu ici :

  • Les films post apocalyptiques ont pour vocation d’attiser la plupart de nos angoisses (*). Les spectateurs le savent. D’ailleurs ils sont venus pour souffrir eux-mêmes ou pour se réjouir de la souffrance des autres.
  • Et là, ils sont servis. Après une déflagration d’envergure mondiale, il y a du cramé, du déchiqueté, du sang partout, des souillures, les hurlements de l’agonie… L’horreur est à chaque coin de rue.
  • Et comme tout est sans dessus dessous, un nouvel ordre fait de violence primaire et de haine, ne tarde pas à en rajouter. Les plus tordus prennent le pouvoir. La boite de Pandore est bien ouverte. Les gentils ne tiennent pas longtemps dans ce chaos infernal.
  • Tout se détruit, plus rien ne se crée. L’entropie et la déliquescence deviennent la règle. Et si l’on s’égare dans l’improbable, on peut même rajouter quelques zombies.
  • Il paraîtrait que ces moments paroxystiques réveillent chez certains leurs plus mauvais côtés. Ceux qui ne dorment que d’un œil chez nombre d’entre nous. Je crois que c’est vrai.
  • Mais cela ne vient pas d’un coup.
  • Dans un premier temps, la pénurie, la maladie, la souffrance, la perte de repères, le décès de ses proches, incitent au repli sur soi et à l’édification de barrières. Se prostrer ainsi est en tout cas souvent notre premier réflexe.
  • Mais après cette phase de sidération, c’est plus compliqué. Les personnalités se révèlent avec leurs zones d’ombres et de lumière.
  • Le struggle for life, dans ce contexte, où tout va finir par manquer, fait que l’instinctif chacun pour soi, le sauve qui peut, s’imposent le plus souvent et balayent les tentatives d’organisation plus civilisées. Le vernis de la politesse et des bonnes manières vole en éclat.
  • J’ai vu cela une fois, certes à un échelon bien plus modeste, pour une banale histoire d’avion annulé avec mise à disposition de seulement quelques rares places sur un autre vol. Qui n’aurait pas bouffé l’autre pour un malheureux siège ? Le type courtois d’avant devient un horrible personnage.
  • On voit aussi cette problématique du cataclysme imminent qui met au pied du mur tout un chacun, dans un film comme Melancholia (2011). Hautement recommandable !
  • Et donc, les égoïsmes primitifs reprennent facilement le dessus, question de tempérament mais aussi pour des raisons de banale contingence immédiate, la survie avant tout.
  • C’est pourquoi dans ces films, on va rapidement s’entre-déchirer. Les armes deviennent aussi importantes que les vivres. La loi de la jungle la plus cruelle reprend le dessus.
  • Les quelques naïfs qui tentent de s’y opposer sont rapidement écartés. A part pour une poignée de héros.
  • Ce qui donne des scénarios bien plus mouvementés qu’avec des bons sentiments.

Le film Le dernier testament a pris le parti inverse. Il s’agit de souligner la possibilité de maintenir une certaine humanité dans l’adversité, plutôt que d’exposer en long et en large les travers humains et la désagrégation sociale.

  • De nombreuses explosions nucléaires détruisent une grande partie du pays. Peu importe de savoir pourquoi elles ont eu lieu. Et il ne s’agit pas non plus de nous en montrer les effets directs.
  • On est à une certaine distance du foyer. On « voit » très clairement la lumière intense de l’explosion. Mais il n’y a pas ici les violents impacts physiques, bien connus.
  • Cependant ces pauvres êtres ont bel et bien été soumis à l’irradiation. On va donc constater les conséquences à moyen et à long terme du désastre. Il y a les effets un peu retardés de l’irradiation « aigue » et ceux plus distants encore des retombées radioactives. Bon, je ne vais pas faire un cours d’instruction militaire NBC.
  • Une mère de famille est prise dans la tourmente. Elle, comme la majeure partie du village, a compris l’importance du danger, mais n’a pas une vue très claire de la situation.
  • Les dégâts humains apparaissent progressivement. Au début c’est soft mais par la suite les uns et les autres tombent comme des mouches. Ce parti pris de ne montrer qu’une destruction très graduelle chez les siens comme chez les autres habitants, et d’une perspective lointaine, tient de la pudeur.
  • La démonstration est soft et mesurée. Cette sobriété est voulue.
  • Cela permet aussi un savant équilibre entre la résignation et l’envie de s’en sortir. Certains veulent partir, d’autres décident de rester. On ne saura jamais qui a raison.
  • Les amitiés de jadis deviennent de profondes solidarités du moment. L’encadrement montre rapidement son impuissance et perd pied. Mais qui peuvent leur en vouloir ?
  • Ceux qui manquent à l’appel, comme son mari qui était en déplacement, ne reviendront jamais. On voit à quel point ils étaient indispensables, tant humainement que pour l’aide qu’ils auraient pu apporter. C’est une leçon cachée sur les vertus du nombre et de la cohésion avec « obligation » de s’entendre.
  • Mais les valeurs s’envolent les unes après les autres. A quoi bon poursuivre les leçons de piano, l’éducation, l’entraînement physique. Et l’amour, où est-il passé ? Peut-il être dans cette union avec le premier venu ?
  • Et que nous reste-t-il quand on en est réduit à nouer un drap autour de ses enfants morts, et qu’on les enterre les uns après les autres dans le jardin ?
  • Et bien, s’il on prend pour exemple cette femme, il reste une certaine noblesse. C’est un petit frisson certes dérisoire face au chaos mais qui contient toute notre humanité.
  • Que cette mort soit apocalyptique et collective ou individuelle et toute douce au fond de notre lit, c’est la seule opportunité pour terminer dignement. Mes amis, choisissons de mourir la tête haute ! C’est facile de dire cela à distance, on verra en vrai le moment venu.
  • Cette poignante mise en scène d’une mater dolorosa est bien entendu réalisée par une femme, Lynne Littman. C’est ça le secret de ce film infiniment triste et malgré tout empathique et paisible.

Les parents incarnés par Jane Alexander et William Devane jouent vraiment bien. Et les enfants du film sont extraordinaires. Le jeu est fin, indéterminé et captivant.

  • (*) Il n’y a pas trop de films gais sur la fin du monde. Et pourtant on le pourrait.
  • Si de nombreux humains disparaissent et si les infrastructures ne sont pas trop détruites, alors il reste des ressources en abondance et dans le meilleur des cas les places sont totalement libres. Surtout si les autres ont eu la bonne idée d’aller se faire tuer ailleurs, au lieu de mourir sur place et d’encombrer ainsi les lieux.
  • On peut imaginer que les chanceux rescapés se décident à s’installer dans n’importe quelle magnifique villa de Saint-Tropez. Ils n’ont qu’à ouvrir la porte. Et puis ils changent d’endroit le lendemain. Même pas besoin de laver les draps !
  • Et si en plus, les morts ne concernent pas directement ces vivants, alors on peut envisager une vie paisible, sans angoisse, sans remords, dans une sorte de paradis, sans obligation de travailler et en ayant tout à portée de main.
  • Le scénariste a aussi le droit de faire survivre de magnifiques créatures, dont le nombre excéderait largement celui du sexe opposé (vous avez vu que je ne me mouille pas en désignant le sexe en question)
  • Et une fois la phase candy shop et open bar passée, nos Robinson peuvent savamment reconstruire une société sur d’autres bases. Ce n’est pas idiot. Il y a de la matière !

https://fr.wikipedia.org/wiki/Le_Dernier_Testament

Jane Alexander
William Devane

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