Patrice Leconte sait fabriquer un film, on le sait. Mais on découvre ici qu’il ne sait pas réaliser un fantasme. Pas si étonnant que cela, puisque ceux ci gagnent à rester cachés.
Les images sont belles, les plans sont parfaits.
Encore faut-il qu’il ait un bon scénario et des dialogues à la hauteur. Ce qui n’est pas le cas.
Ici il s’est lancé volontairement dans une bien étrange romance « poétique ». Il est doublement coupable car il est aussi co-scénariste.
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Rochefort enfant, est lourdement influencé par son père. « tu dois désirer fortement quelque chose pour l’obtenir ». « Et si tu n’y arrives pas, c’est que ton désir était insuffisant ». Le genre de trope qui marque les esprits faibles à vie.
Le vieux Rochefort (60 ans) « doit » tomber amoureux d’une coiffeuse, puisqu’il fait une fixette sur les dames du métier depuis son enfance. Il s’est quand même retenu pendant 50 ans ! On n’a pas encore inventé un nom à cette obsession en différé ( kathystérisikommotisophilie ?)( *).
Ce furent ses premiers émois à distance, mais aussi sa première défunte (barbituriques). On fait dans le lourd dès le début.
Et pour que le titre se réalise, la professionnelle de la coiffe, Anna Galiena (36 ans), n’a pas le droit de résister à ses avances.
Il lui glisse un presque inaudible « je veux vous épouser », alors qu’elle vient de lui faire sa première coupe avec la raie sur le côté. Et le mois d’après, la belle lui répond, tout aussi discrètement, « oui, si ça tient toujours ».
Ils s’aiment non seulement d’amour tendre, mais aussi avec une sexualité débridée, où la mammophilie joue un grand rôle. On ne croit pas une seconde à cet amour instantané et aux dons cachés de notre moustachu.
Et pour clore ce cycle intense, elle part se suicider (noyade). La raison de ce retour à un mélodrame « cheap » ? Elle l’écrit : « je m’en vais avant que tu ne me désires plus ».
Ceux qui ne sont pas assez rêveurs-potaches, n’y croient pas une seconde. Ils risquent même de s’endormir. C’est pour ceux là que Rochefort fait péniblement la danse du ventre, avec de la musique arabe. Et ce seul gag du film est répété.
Cette histoire est vraiment tirée par les cheveux. Même si on tente d’admettre que ce n’est qu’une mise à l’écran d’un vieux fantasme, cela ne marche pas si bien. C’est bien trop gamin et mièvre pour qu’on adhère. La licence poétique n’est ici qu’un cache misère.
Tentez d’inverser la donne, vous comprendrez plus clairement l’impasse du propos de l’auteur :
Une gamine est raide dingue d’un coiffeur, mais à distance, car toujours séparée de lui au moins par la vitrine. L’homme de l’art n’est pas au courant et d’ailleurs il se supprime. Cette passionnée n’a pas le feu aux fesses, puisqu’elle attend des décennies avant de séduire un autre professionnel “at first sight”. Au point qu’elle est devenue bien vieille. Le jeune marche à fond dès le premier regard, qu’importe les cheveux gris, les dents qui tombent, la ménopause. Et puis il se suicide parce qu’il ne veut pas la décevoir au lit…
On a tué des scénaristes pour moins bête que cela.
(*) kathystérisikommotisophilie = kathystérisi (retardement) + kommotis (coiffeur) + philie (amour des…)
https://fr.wikipedia.org/wiki/Le_Mari_de_la_coiffeuse