Un Alain Delon prof en Italie, avec les tics familiers de cette époque : lycée indiscipliné, élèves qui fument en classe et qui se dressent en collectifs revendicateurs. Musique pop électroacoustique dans les boites. Bande son singeant Miles Davis et son saxo. Le poncif du solitaire au petit matin sur la jetée brumeuse…
Delon incarne un professeur de littérature remplaçant, pas très impliqué, peu conventionnel et qui n’a pas le sous. Il a déjà 37 ans en vrai, comme dans le scénario. Ce qui est considéré comme beaucoup à l’époque. D’ailleurs son visage s’est un peu empâté.
Parachuté à Rimini, il fait la connaissance d’une bande de potes qui pratiquent le jeu de cartes. Et bien sûr il perd et se couvre de dettes.
Il vit avec Léa Massari (*), qu’il supporte à peine. Elle n’assume pas ses 37 ans (39 en vrai) et se considère comme foutue si Delon l’abandonne. On est loin des revendications passionnelles des femmes de plus de 50 ans d’aujourd’hui.
Delon tombe raide dingue d’une de ses élèves. Il faut dire que la belle est canon. C’est la magnifique Sonia Petrovna qui a 20 ans à l’époque. Une actrice douée et une danseuse surdouée.
Le personnage féminin a un passé plutôt glauque. Dès l’adolescence, elle a été prostituée par sa mère. Elle est à présent en couple avec un jeune monsieur plein aux as. C’est un beau gars quasi intouchable à qui personne ne résiste. Il se trouve qu’il fréquente également le cercle de jeux à ses heures perdues. Il roule en Lamborghini Miura, ce qui le situe tout en haut de la pyramide (à l’époque, comme pour les happy fews de maintenant). Surtout que Delon se trimballe lui dans une traction avant pourrie avec à peine de quoi se payer un fond d’essence.
Il y a donc une féroce rivalité entre le riche et le pauvre professeur. Le prof a pour lui la culture, l’insouciance, le regard rivé vers le lointain, une beauté féline. Mais pas un rond… Et puis peut-être qu’il n’attend d’elles que ce qu’attendent tous les hommes, sans plus.
Mais le concurrent n’est pas si mal que cela. Il est plutôt beau gosse dans son genre. En plus de sa belle bagnole, il voyage beaucoup avec elle, il la couvre de cadeaux, il la sort dans des endroits branchés. Mais sa sauvagerie à lui est bien plus brutale. Par son argent, par son caractère, mais aussi par ses coups, il lui fait faire ce qu’il veut. De plus il lui a racheté un passé honorable. Et la mère maquerelle de la petite, la force à continuer cette rentable relation.
Il y aura donc pas mal d’hésitations, quelques faux pas et nécessairement de la casse.
Le réalisateur nous fait nous identifier à Delon, ce beau prof intelligent et désirable (sauf peut-être quand il prend des coups). Et donc nous attendons que Sonia nous tombe enfin dans les bras. C’est comme si nous y avions droit nous aussi.
- Petit aparté. On est quand même rats, nous les hommes, qui ne voyons pas plus loin que là où se situe notre désir. Nous n’arrivons pas trop nous apitoyer sur les problèmes qu’ont certaines femmes, parce qu’elles sont trop jolies. Et pourtant cela existe et c’est d’ailleurs bien souligné dans le film.
Quittons un moment Sonia. La sympathique Léa Massari est du coup sur la touche. Il y aura un choix cornélien entre, tenter de sauver cette ex qui menace de se suicider, ou rejoindre sa belle in extremis, afin de ne pas la perdre. Le film choisit une troisième voie, qui se révèle assez classique dans les films de cette époque.
Ce qui sauve ce mélo romantique, c’est le talent intemporel des acteurs. On les revoit toujours avec autant de plaisir, alors qu’ils sont figés dans leur jeune âge (en 2020 : Alain Delon 85 ans – Lea Massari 87 ans – Sonia Petrovna 68 ans).
Tout le reste a plutôt mal vieilli.
(*) Il y a un truc bizarre que je n’ai pas bien compris. Au générique de début, L’actrice n’apparaît qu’à la fin et sous la dénomination « avec la participation de Léa Massari » comme si elle n’allait faire qu’une courte apparition. Alors qu’il n’en est rien, elle a un vrai rôle du début à la fin.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Le_Professeur_(film)