Les Héritières – Film Avis. Lesbiennes Paraguay – Résumé (2018) 7/10

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Deux très vieilles et très discrètes lesbiennes paraguayennes, voient leur petit cocon protecteur se dissoudre peu à peu. On est dans les classes moyennes blanches. (Las herederas)

L’ambiance n’est pas au beau fixe.

Chiquita, la plus dynamique, va devoir rejoindre la prison préventive, pour une histoire de dette impayée, qui s’est transformée en malversation, suite à la mauvaise combine d’un intermédiaire sans scrupule.

Cette prison, où le principal de l’action se passe à ciel ouvert, est en soi très bien rendue. Ce qu’on y voit est plein d’enseignements, bien au-delà des clichés habituels. Notre héroïne gère bien l’incarcération, grâce à son bon sens du contact et son caractère dominant. Margarita Irun, nous fait une interprétation de qualité.

De mauvaises conditions financières poussent l’autre femme, Chela, la plus fortunée, à vendre petit à petit son précieux intérieur. Elle a un caractère plutôt effacé. L’actrice Ana Brun, première fois à l’écran à cet âge tardif, nous joue une belle partition en mode mineur. Elle est « insoupçonnable » en homosexuelle, en tout cas avec nos points de vue hétéro classiques. Son possible envol est imprévisible.

Souvent réfugiée dans son lit, passablement désabusée et dépressive, elle sort peu. Elle répugne à gêner autrui et rend volontiers des services désintéressées, à la moindre demande. Elle ne sait pas dire non.

Bien que n’ayant pas de permis de conduire, elle va être amenée à véhiculer, ici ou là, quelques rombières. Ce sont des copines d’une voisine, d’un âge tout aussi vénérable, sinon plus.

Cela se passe avec un bon état esprit. Et bien qu’elle refuse une rétribution par principe, elle finira par accepter une petite compensation pour chaque trajet. En réalité cela l’occupe et la sort de son chez moi maussade.

Le spectateur tremble pour elle, car elle est fragile et ne conduit pas très bien sa grosse et vétuste Mercedes. N’importe quel policier pourrait l’arrêter.

Les portraits de ces petites vieilles castillanes, sont précis et habiles. Elles se sont toutes apprêtées pour leurs réunions de jeux de cartes. Elles ne se sont clairement jamais mélangées avec les Indios. Elles regardent de haut leur éventuelle domesticité indigène.

Chacune a son style. Pour la plupart, elles tendent à enjoliver leur passé, pour se raccrocher à ce qu’elles pensent être leur rang. Et par derrière elles ne se privent de déblatérer sur les absentes pour chercher à en casser leur prétention.

Une femme de la quarantaine habite par là. C’est l’anguleuse Angy, bien jouée par Ana Ivanova. Elle est bien entendu différente des ces anciennes embourgeoisées. Chez elle, domine le côté aventurier, avec les appétits qui vont avec. Elle est assez dépendante des beaux garçons, mais sait mener sa barque.

Elle se lie d’amitié avec Chela, qui la transporte là où elle veut. Ce qui nous donne un regard elliptique sur les gars qu’elle fréquente. Quelques coups d’œil et on sait à qui on a à faire.

  • Le réalisateur et scénariste Marcelo Martinessi est décidément un fin portraitiste. C’est son premier film. Quel talent !

La plus jeune lui raconte ses histoires, dont une concerne une aventure à trois. Un mec et deux nanas. Le message est clair, elle ne craint pas d’aller avec une femme. On peut deviner aussi que la grande différence d’âge ne la choque pas.

La vieille Chela, qui est en manque suite à la parenthèse carcérale de son amie de coeur, et qui aspire sans doute à autre chose, n’est pas contre une rafraîchissante aventure.

Lorsque Angy se love sur un lit en lui envoyant « c’est cela que tu veux », alors tout semble possible. Mais Chela prend peur et s’enfuit.

Entre temps Chiquita est revenue. La nécessaire remise à flot, fait que la ventes du précieux patrimoine immobilier continue, tant que c’est encore possible. Mais déjà, la maison est presque vide. Reste la question de la cession de la voiture. Un véhicule qui est le seul lien avec l’ailleurs et aussi avec l’invaincue Angy et les regrets qui vont avec…

* * * Que faire ? * * *

Un film de qualité avec un souffle assez universel. Son origine est paraguayenne et cela ne se transpire pas trop. Je n’ai même pas reconnu Asunción ! Les financements internationaux, n’ont pas poussé aux pièges de l’exotisme facile. D’ailleurs cela pourrait très bien se passer à Madrid et bien entendu à diverses époques.

Cette une version inhabituelle, et épurée du pathos cinématographique, des amours lesbiennes. Il en résulte un récit bien plus convaincant que tous ceux à base de diatribes intolérantes de féministo-homo-fascistes. Celles auxquelles on a régulièrement droit depuis un moment.

Et quel regard sur la grande vieillesse ! Voilà un « naufrage » qui n’est pas sans panache. On en viendrait presque à souhaiter sa retraite.

Les hispanophones se réjouiront d’en apprécier les finesses en VO.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Les_H%C3%A9riti%C3%A8res_(film,_2018)

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