Les Musiciens de Gion (祇園囃子, Gion bayashi) (1953) 7/10

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Les Musiciens de Gion (祇園囃子, Gion bayashi) (1953)

Une femme dont on parle (噂の女, Uwasa no onna) (1954)

La Rue de la honte (赤線 地帯, Akasen chitai) (1956)

Voilà trois films de Kenji Mizoguchi qui traitent des geishas et de la prostitution. Ce ne se sont pas les seuls qui s’intéressent à cela, dans son œuvre de plus de 70 longs métrages. Mais ce sont les derniers. Il meurt juste après La Rue de la honte, à 58 ans.

Cette question le touche dans son être. Sa famille a été redoutablement pauvre et son père a vendu sa sœur Suzu comme geisha.

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Comme il est dit ici avec une certaine ironie, les étrangers qui viennent au Japon, apprécient avant tout les mythiques geishas et le mont Fujiyama.

Les Musiciens de Gion est pile dans une des cibles et vraiment au centre des préoccupations récurrentes du cinéaste.

Mizoguchi nous montre l’histoire de deux femmes prises dans cet engrenage de la prostitution haut de gamme qui touche certaines geishas.

Eiko, la plus jeune n’a que 16 ans. Elle est quasi à la rue, son père étant à la dérive et ne voulant absolument pas s’occuper d’elle. Elle est très belle (*).

Elle tambourine à la porte de ce bordel de luxe, car elle y voit son seul salut possible. Elle veut à tout prix entamer des « études » de geisha, pour devenir une star comme feu sa mère.

Extrêmement insistante et persuasive, la petite arrive à convaincre une aînée, la très classieuse Miyoharu, une geisha confirmée de haut niveau. Elle accepte de mener à bien la formation du petit bout de femme.

Mais pour cela il faut énormément d’argent. Déjà, les kimonos traditionnels qui font toute la différence coûtent un bras.

Miyoharu cherche des fonds auprès d’Okimi. C’est une patronne d’établissement rusée et influente sur la place. Elle connaît toutes les ficelles. Elle est capable de faire la pluie et le beau temps. Mais ce sont des deals permanents. Elle obtient en secret l’accord d’un puissant industriel, amateur de jolie chair fraîche. Il prête les sommes nécessaires et « achète » virtuellement la gamine en contrepartie.

Miyoharu n’est pas au courant. Elle-même fait partie du marché. Elle ne le sait pas encore, mais elle est destinée à satisfaire les besoins d’un fonctionnaire que l’on doit corrompre pour obtenir un très gros marché. Elle doit coucher mais elle se défile.

Eiko fait pire encore, car elle mord sévèrement la langue de l’industriel qui voulait la posséder.

Résultat, les deux femmes qui font tout capoter, sont boycottées et bannies des circuits. Elles perdent tous leurs engagements.

Cela ne va pas fort. Miyoharu se dévoue pour coucher quand même avec le fonctionnaire mais réclame en échange qu’on laisse sa petite protégée tranquille. Le récit ne nous dit pas pour combien de temps.

L’histoire est très intéressante et révélatrice de grands principes moteurs de la société. N’en déplaise aux âmes tendres.

– La morale de base, c’est pour les plus humbles. Qu’ils se débrouillent avec cela. Ce code leur apporte une certaine fierté, même quand il ne reste plus rien. Ils peuvent ainsi garder la tête haute. Mais qui s’en soucie en dehors de leur classe ?

Les puissants sont condamnés au calcul et à la ruse. Les enjeux majeurs justifient des moyens non conventionnels. Plus on s’occupe de grands intérêts, moins on s’embarrasse d’une encombrante morale. Et ce faisant on arrive rapidement à la corruption.

Et pourtant ce monde bipolaire doit marcher sur ses deux pieds. Les anges de vertu font rarement de bons leaders. C’est une périphrase de ce fameux enfer pavé de bonnes intentions.

Tout le monde sait cela.

La solution pourrait consister en un bornage sérieux qui empêcherait les grosses dérives tout en assurant une bonne flexibilité. On éviterait les outrances moralisatrices des angéliques obtus, tout en mettant des gardes fous contre le dérapage des affranchis. Nous sommes peu ou prou dans ce genre de modèles. Mais cela doit être affiné.

– Et l’amour est un moteur puissant. Malheur à ceux qui ne savent pas s’en servir correctement.

C’est élégant, bien filmé et d’un intérêt constant.

(*) Une belle Japonaise et une belle femme pour toute la planète. La beauté est universelle n’en déplaise au blabla des féministes relativistes, pour lesquelles il n’y a pas de beauté intrinsèque et qui voudraient que toutes les femmes se valent. C’est vraiment n’importe quoi !

Bien entendu il existe de subtiles variations dans les goûts de chacun. Et puis il y a des modes. Le charme et bien d’autres qualités peuvent également influencer l’appréciation.

Mais ceci n’enlève rien aux lois profondes de l’esthétique, qui sont vissés dans nos êtres et ont à voir avec la perpétuation de l’espèce.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Les_Musiciens_de_Gion

Michiyo Kogure
Ayako Wakao
Seizaburō Kawazu

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