Les trois vies de Gundermann (2018) 8/10

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(replay sur Arte)

Un habile biopic allemand, sur la vie de Gerhard Gundermann, un talentueux auteur-compositeur de RDA, qui a fait de vilaines choses.

Au début, le personnage principal est un jeune rebelle, il n’hésite pas à dire tout haut ce qu’il pense. Il montre ainsi un courage pas commun. On ne rigole pas avec cela dans cette « démocratie » socialiste, totalement verrouillée.

Il est idéaliste, au point d’en devenir presque fanatique. Il voudrait un communisme encore plus pur. Il est musicien à ses heures, mais travaille sur une excavatrice de charbon pour survivre. Il fera même une émouvant chanson là dessus.

A son boulot, il n’arrive pas à se taire. Il dénonce les objectifs planifiés farfelus, le manque de sécurité, la corruption de la hiérarchie, parce qu’il croit le système perfectible. Il pense bien faire. Ce qui lui vaut l’exclusion du parti, selon l’algorithme classique qui combine la fin qui justifie les moyens et l’omniscience des chefs politiques.

Il finit par se prendre les pieds dans les traquenards de la Stasi (police politique). Il en devient un « collaborateur » zélé. Il espionne et arrive même à dénoncer ses camarades les plus proches. Cela se fait de fil en aiguille, et pour son salut et pour celui de son groupe, mais non sans une certaine conviction.

Et pourtant, il pense que ses rapports incriminants sont véniels. Il ne comprend pas qu’avec ses bavardages, il est devenu une partie indispensable du système répressif. Il en est même un des meilleurs éléments du premier échelon. Il ne mesure pas les conséquences de ses actes.


Lorsque la vérité lui reviendra à la figure, après la chute du mur, il aura du mal à y faire face.

D’abord à cause de « l’oubli ». Par mesure d’autoprotection, son cerveau a censuré le pire. Il a fini par cloisonner tout cela et ne plus y accorder d’importance. La lecture des deux lourds classeurs de ses trahisons, va lui rafraîchir la mémoire. Il est KO debout.

  • Pourtant il est solide comme un roc(k) mais, là trop c’est trop. Une belle scène nous montrera son épouse ébranlée, mais qui l’assure de son soutien quoiqu’il arrive. Notre gaillard fond en chaudes larmes. C’est la seule fois. Cela semble vrai et sincère. On est soi-même amadoué. Le devrait-on ?

Ensuite parce qu’il est devenu une personnalité de premier plan de la scène musicale. Ces révélations pourraient lui être fatales.

  • Plus ou moins contraint, il se décide pourtant à affronter le public en révélant son passé… avant que d’autres ne le fassent à sa place.

Ce curieux personnage voudra continuer son boulot à la mine, quoiqu’il arrive, même avec cette très grande notoriété musicale. Résultat il mourra d’un infarctus à 43 ans. Au champ d’honneur ?

A noter aussi qu’il n’a pas eu de scrupules à s’emparer de la femme avec deux enfant d’un de ses amis. Il l’a fait parce qu’il pensait que c’était la seule chose possible. Il ne voit pas les dégâts, là non plus. Et une fois que la belle l’a rejoint, tout joyeux, il lui demande avec étonnement, « mais pourquoi donc, m’aimes-tu ? »

En Allemagne, on ne connaît que trop la « banalité du mal ». Compte tenu de ce qui pèse sur les épaules de bon nombre de ses concitoyens, à l’Est comme à l’Ouest, ce peuple paradoxal, cultivé mais féroce, est quand même enclin à une certain (auto)pardon. Sans compter que l’enracinement chrétien, fait qu’il ne crache pas sur l’absolution, suite à des mea culpa plutôt sincères. Les communistes font de même.

  • D’ailleurs le film cathartique a été largement applaudi dans ce pays. Il raflera six prix pour dix nominations aux « oscars » allemands et quelques autres ailleurs. On peut parler de large consensus.

Mais il faut mettre aussi dans la balance, le réel talent de l’artiste. On pardonne plus facilement à celui qui vous a donné beaucoup. Le long métrage nous procure de nombreuses de ses chansons en VO. Même le sous titrage en français suffit à voir la qualité et l’intelligence des paroles.

  • L’interprète Alexander Scheer acteur et musicien lui-même, donne un bel aperçu de ce qu’a du être Gundermann. Je ne connais pas l’original, mais la copie est de qualité.
  • On est donc aussi dans le classique débat possible, entre la biographie et la production de l’auteur. Souvent de nos jours, l’œuvre est défoncée par la critique, juste en fonction des écarts dans la vie de l’artiste. Un casse-brique facile, pour des « juges » auto-proclamés, et souvent eux-mêmes sans réelles compétences.

Ce récit est très humain, juste humain.

  • On y montre l’Homme pris au piège dans son temps, avec sa noblesse et ses bassesses. A toutes les époques, il a été capable de se forger une carapace, avec un intrigant alliage combinant ses forces, ses faiblesses et ses compromis.
  • Il est en mesure de s’accommoder d’une triste situation, grâce à cette étrange capacité de se dissimuler le mal qu’il peut occasionner. Sans compter tous les mécanismes de défense, dont cet étrange auto-pardon qu’il s’accorde, parfois, souvent.
  • Il est difficile, voire impossible, à tout un chacun, de se remettre en cause. Ceci semble un principe de base chez l’homo sapiens, un tant soit peu solide.
  • Et Gundermann, en tout cas dans le film, n’arrivera jamais à répondre vraiment à la grande interrogation : « mais pourquoi? »

Les acteurs principaux jouent parfaitement leur partition. L’interprétation d’Alexander Scheer en Gerhard Gundermann est vraiment exceptionnelle. Comme le scénario est bien ficelé et habillement mené, on ne voit pas venir tout de suite, la complexité de ce personnage. On découvre tout doucement l’étendue de ses facettes.

  • Le réalisateur Andreas Dresen et l’acteur Alexander Scheer, sont eux-mêmes originaires de la RDA.

Voilà 127 minutes qui nous apprennent quelque chose, et sur la nature humaine, et sur l’histoire. Sans pathos, sans démonstrations lourdingues, avec peu d’effets. Bravo à ce prometteur cinéma allemand !

https://fr.wikipedia.org/wiki/Gundermann

Alexander Scheer

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