Maître après le Diable (1952) 5.5/10

Temps de lecture : 3 minutes

Les années 50 adoraient les histoires de pirates. Je me demande bien pourquoi.

Je me permets quelques pistes.

L’identification à ces personnages libres et qui s’enrichissent facilement sur mer est du même type que celle qui intéresse le spectateur dans le banditisme idéalisé de nombreux films de cette époque. Absence de contraintes, vie facile et tutti quanti.

Pour rendre tous ces mauvais bougres acceptables, on prend soin que ces « héros » respectent un certain code de l’honneur. Le pirate épargnera les plus innocents et pourfendra les bandits retords. Les tueurs sur sol ferme feront de même. Et les uns et les autres sauront mourir avec panache, si la production le demande. On aurait presque de la belle abnégation, à condition de voir cela avec une lorgnette de marin au long cours.

Les pirates n’ont pas forcément le beau rôle quand ils piquent le bateau des autres. Et donc le scénario souligne que l’ancien propriétaire était un capitaine esclavagiste. Le tour est joué.

Et puis ces histoires décalées amènent un certain exotique. A une période où il n’y a pas encore de tourisme de masse, il est plus commode de s’embarquer avec ces gros galions là.

Pour ne rien gâcher, les spectateurs mâles peuvent rêver à ces belles captives, presque à portée de main. Les dames jettent leur dévolu sur de beaux marins. Tout le monde est content. Le producteur lui se frotte les mains.

Et enfin, il y a le trésor. Ce qui fait du bien après ces années de guerre (1945 c’était il y a à peine 7 ans)

On a quand même de beaux caractères.

Yvonne De Carlo qui a 30 ans ici, domine en femme désirable et futée. Une demi-sauvageonne incarnée par une actrice au prénom français (elle aurait une ascendance partiellement hexagonale – un sixième du même sang qu’Yvonne De Gaulle ?)

On lui fabrique un père bien de chez nous les blancs et une mère native. Et cela passe assez bien avec le make-up ad-hoc et les mélopées hawaïennes avec lesquelles elle s’époumone. La créature laisse parler son corps ; c’est forcément dans sa nature chaudement semi-insulaire. Et donc elle se déchaîne, comme plus tard Bardot en dansant les rythmes « nègres » dans Et Dieu… créa la femme. Impossible de résister à l’atavisme. En tout cas, c’est comme cela qu’on voyait les choses en ce temps là.

Mais bien entendu elle doit succomber au charme du dominant John Ireland. Un caractère fort qui nous fait le fameux « Hurricane Smith ». Cet acteur me donne l’effet d’un Johnny Weissmuller déplumé (Tarzan). Cela doit être dans le visage.

James Craig doit sortir d’une fabrique de jeunes premiers.

Forrest Tucker est une pointure et cela se voit. Sa filmographie est impressionnante.

Je passe sur l’improbable histoire, avec des jeux de rôles et des rebondissements.

Franchement que cela a mal vieilli. Je n’oserais pas le montrer à une jeune fille de maintenant. Elle fuirait immédiatement vers je ne sais quel TikTok. Cette distraction, pourtant on ne peut plus répétitive, représente bien plus l’exotisme pour nos jeunes contemporains (*)

L’histoire de ne froisser personne (ou tout le monde?), je me permets de rajouter que je préfère Pirates de Polanski. A tous points de vue.

(*) Petite digression – quoique ! Ne traite-t-on pas ici de moyens de communication au sens large. Et puis enfin tout cela n’est que prétexte à développer son petit monde intérieur.

Donc … TikTok mérite ce petit détour. Une application participative très répandue chez les jeunes et qui leur donne l’illusion de l’originalité. Mais il ne faut pas être très malin, pour se rendre compte rapidement que ce n’est que du mimétisme généralisé. Les play-back plus ou moins décalés et/ou humoristique doivent se dupliquer des millions de fois. Les gars grimés en fille et les femmes à barbe sont tout aussi nombreux. Et puis il y a cette plaie des coaches improvisés qui donnent des conseils sur tout et n’importe quoi, basés le plus souvent sur des intuitions et le « bon sens » de la doxa. Ceux qui se filment dans tous les angles du banal et du quotidien occupent largement le terrain. Le cinéma était le monde de l’illusion. Maintenant la vie fantasmée et qu’on voudrait «transfigurée » se déroule sur ce type de support.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Ma%C3%AEtre_apr%C3%A8s_le_diable

Yvonne De Carlo
John Ireland

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