Man of steel (2013) 4/10

Temps de lecture : 5 minutes

Attention faux ami ! Ce n’est pas ici Iron Man. Ce héros de fer (steel ou iron) et qui se revendique comme tel.

Non ici, il s’agit de l’homme de Kryptonite. Et donc, ce n’est que le énième retour, de notre bon vieux Superman.

Et c’est bien dommage ! J’ai une petite indulgence pour le sympathique Iron Man qui pratique un salutaire plaisanterie décalée. Ce qui rend le genre un peu moins indigeste.

Avec Superman on ne rigole pas. Il y a plus d’humour dans un rapport d’autopsie, que dans ce film.

Ici, on nous fait le coup du « regard différent » sur ce héros de papier (il a commencé comme cela). Et pourtant, que ce cinéma est conventionnel !

Le film dure près de deux heures trente. Un record qui permet de s’appesantir sur toute l’histoire du bonhomme.

On nous relate l’histoire de ce bébé conçu avec deux êtres véritables, et non pas in vitro. Ce qui est une première sur Krypton, où on n’aime pas trop les cochonneries. Ces parents sont exemplaires, On a donc donné le rôle du père à Russell Crowe. Un bon gars qui inspire naturellement confiance.

Comme Krypton va disparaître, on a propulsé le bambin sur la terre, afin qu’il assume la survie de l’espèce (tout seul ? Ils étaient plus malins dans l’Arche de Noé)

Là, il entame dès son jeune âge une carrière de gentil sauveur. Un enfant capable de soulever un autobus, et dévoué au bien, ça aide !

Par la suite il continuera sur sa belle lancée. Une vraie carrière d’élu qui va sauver le monde. Totalement calquée sur un quidam bienveillant et qui s’exprimait par des paraboles il y a 2000 ans.

  • Lui aussi faisait des miracles ! Mais, il a assez mal terminé. Sans doute parce qu’il n’était pas soutenu par les majors de l’époque, qui sait ! Depuis, le césaro-papisme a largement contribué à protéger les élus.

Le jeune, qui sait être serviable, est parfois un peu soupe-au-lait, quand même. Surtout quand on le provoque méchamment. On tendra l’autre joue une autre fois. Un conducteur de camion retrouvera son véhicule bousillé dans un arbre. Mais selon des évangiles non reconnus par les conciles, l’enfant Jésus n’aurait pas été commode non plus.

Puisqu’on parle de cela, notez que le Superman bébé atterrit bien entendu aux USA et pas ailleurs. Le peuple « premier choix », en quelque sorte.

L’Église de Jésus-Christ des saints des derniers jours (les Mormons) ont également l’idée que leur sauveur a séjourné aux États-Unis. J’adore cet américocentrisme.

L’enfant grandit et devient un gros baraqué façon body-building. Ça aide pour les conversions. On donnerait le bon dieu sans confession à Henry Cavill. Bonne pioche !

Là, ce n’est pas tellement la Bible qui est la source d’inspiration, c’est plutôt le Codex du World Wrestling Entertainment ( WWE ). Ce à quoi on assiste d’un bout à l’autre, c’est du catch tout simplement. Tout est là, les gros biceps, les provocations verbales, les mauvais regards, les gestes, le faux baston acrobatique, les minettes en pâmoison. Les méchants outrageusement méchants et tricheurs, et des gentils si sympa. Ils prennent tous des coups mortels. Même pas mal !

Curieux tout cela, car il ne me viendrait pas immédiatement à l’esprit, que le catch véhicule des valeurs religieuses. A moins qu’on ne parle de mythes. Il faudra relire Barthes à ce sujet.

Mais on est quand même aussi, dans une certaine idée de « la race supérieure » ici aussi. Chez les Américains, ce n’est pas nouveau.


Pourtant, la plupart des intervenants ont vraiment l’air très « cons » (il n’y a pas d’autres termes aussi synthétiques et précis)

  • Bouche ouverte et baveuse, avec des regards d’automobilistes haineux, qui se précipitent dans un rond point, sans tenir compte des autres. A part que là, le sens giratoire est un peu plus cosmique.
  • Et quand cela ne suffit pas, tous rôles confondus, ils prennent des airs de demeurés constipés, incroyablement pressés (les toilettes sont par là), parfois hallucinés et toujours avec ces lourdes prises de tête. Retour aux sources du muet, pas besoin de dialogues.

Bon, il y aussi l’inévitable couche sirupeuse de sentiments filiaux, de père/surmoi, de dévotion maternelle… tout y passe, comme toujours. Avec tout ce qu’il faut de présupposés de psychanalyse de comptoir. Hollywood a mis le doigt dans ces explications faciles, il y a déjà fort longtemps. Depuis ils ne sont jamais sortis de ce déterminisme étriqué. Là encore, le public basique y retrouvera ses petits.

Clark ne va pas tarder à trouver sa Loïs. Beaux exercices de chasteté, hors piste, en perspective. C’est dans l’inaction que se trouve le plaisir. C’est très orthodoxe, ça aussi.

Pour nous confirmer qu’il est bien le nouveau Jésus, il nous fait le coup de se planter en croix au milieu du ciel. Il va même se confesser dans une église. On nous dit qu’il doit apporter le Bien sur terre. En plus de ses sauvetages « miraculeux », il guérit les blessures. Il est chaste avec sa Marie-Madeleine…

Homme de peu de foi, tu ne l’as vraiment par reconnu ?

Et l’antéchrist ? C‘est Michael Shannon qui s’y colle, avec une belle sale gueule de méchant. Et comme cela ne suffit pas, tout son environnement est noir et sinistre. Dark Vador à tous les étages ! Et il a la frange de romanité des péplum de jadis, de surcroît (Barthes encore!) !

Tout dans le film, vise l’énervement du spectateur : les cris, l’urgence permanente, les coups… Son cerveau doit être tétanisé, reptilisé.

On s’adresse visiblement à des bacs moins 5 – Ceux qui vont s’enthousiasmer, quand les sous-doués sauvent le monde. Cela donne l’impression que tout le monde à sa chance. Juste retour des choses, car les Comics s’adressaient à ce public.

Le tout est entretenu par une musique violoneuse de pacotille et des tubas ronflants.

Aucune des traquenards d’Hollywood, ne nous est épargné.

  • Ainsi, on a le devoir de nous identifier à ceux qui croient aux E.T., face à ces « stupides » savants incrédules.
  • L’inévitable cavalerie est là pour protéger les USA. Ce qui nous donne droit à l’exposition de tout l’armement moderne du pays, mais aussi les uniformes, les éternelles salles de commande, le franc-parler convenu de ces hommes de terrain.
  • On y croise bien entendu le geek de service. Il fait maintenant partie du décor.
  • Et il y a l’intervention du classique 4ème pouvoir.
  • Autre tics, les « je suis désolé » ou bien les « je sais ce que tu ressens »… Il y a visiblement tout un bréviaire des phrases toutes faites. Et je me demande si les Américains n’ont pas adopté a posteriori ces figures imposées. Comme les « votre honneur » que les petits Français intoxiqués lancent au président de leur tribunal.

Bien entendu, on peut apprécier les beaux décors, les techniques d’aujourd’hui, les exploits intersidéraux. Tout n’est pas à jeter. Mais quel gâchis de talent, que de mettre cela au service d’une telle daube. Et puis il n’y a rien de bien nouveau depuis la prodigieuse œuvre picturale de Giger et ses interventions dans les Alien.

A noter que les machines très avancées sur Krypton ne fournissent que des projections 3D en noir et blanc métallisé. Toujours du Giger. Mais il faudra revoir cela, on a maintenant des télés en couleur.

4/10 au bénéfice du doute, car je n’ai tenu que les 3/4 de ce très long spectacle. Cela dit, j’ai zappé de dix minutes en dix minutes, pour me faire une idée diagonale de la fin.

Et pourtant cela a été un grand succès commercial et un énorme retour sur investissement. Le prétexte d’ailleurs à toute une série de suites, plus bêtes les unes que les autres.

Ce serait méprisant, que de se montrer indulgent, en prétextant que c’est un long métrage grand public. C’est bien plus grave que cela, c’est un film abrutissant.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Man_of_Steel

Henry Cavill
Amy Adams
Michael Shannon
Russell Crowe
Kevin Costner

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