Manhattan romance (2016) 7.5/10 Tom O’Brien

Temps de lecture : 3 minutes

Connaissant les redoutables films « romantiques » US, le titre a de quoi faire peur.

Serait-ce un de ces innombrables films à l’eau de rose, au rituel aussi convenu qu’une messe ?

Qu’est-ce qu’on est con parfois.

  • Ces scenarii qui démarrent comme d’habitude par des approches amoureuses infructueuses. Puis suivent les jeux de rôles convenus entre les amis, les parents, les couples. Avec bien entendu quelques quiproquos et/ou médisances, de quoi gâter juste un peu la sauce.
  • Et enfin la rédemption/résurrection suite à l’inéluctable grand mea culpa publique.
  • A peu de choses près, toujours le même chemin pour arriver à l’inévitable happy end ; un ex célibataire endurci à genou offrant in fine une bague de fiançailles à sa brebis enragée (*). Le tout sous le regard embrumé de larmes de la terre entière y compris nous les spectateurs.

Le film en question, ce n’est pas du tout cela.

On pourrait dire que c’est une romance déstructurée comme on dit maintenant dans les cuisines des grands chefs et mêmes dans les tambouilles plus abordables.

Pour voir la spécificité du genre il faut déjà considérer que Tom O’Brien est à la fois, l’auteur, le réalisateur et l’acteur principal du film !

De plus, il se met en scène comme filmant sa propre expérience. Film qui se voudrait un reportage sur d’amateur éclairé sur le sujet des couples amoureux. Mais déjà il interfère avec le sujet en jouant un rôle amoureux avec certaines actrices du film. Il discute d’ailleurs de ce sujet dans ce qui est supposé être un reportage.

C’est bien entendu du cinéma au sens propre comme au sens figuré, puisque ce reportage en petite vidéo est en soi un leurre car il faut quelqu’un d’autre pour le filmer en tant que réalisateur de ce film en train de se faire. Mais le tout est bien monté et on croit à la réalité du film.

D’autant plus que dans ses situations amoureuses, les acteurs complices en « temps réel » et leur rôle sont très crédibles.

Tom O’Brien est l’homme à tout faire du film. Petit bémol car sa voix porte peu et que pour les francophones, il faut vraiment tendre l’oreille pour comprendre ce qu’il dit. De plus, on peut ne pas aimer toute l’importance qu’il donne à son personnage. Mais dans le fond ça va.

Il a quelques belles phrases : « jusqu’à présent j’étais transparent pour tout le monde, et toi tu me vois vraiment »

Les situations sont simples et très actuelles  – leur traitement est très précis .

Ce sont des variations modernes sur le sujet des couples et du triangle amoureux. La fragilité des relations, l’indéterminé, les petites touches, les coups de massue. Les demi questions, les demi réponses qui sont consubstantielles à l’amour.

Mais aussi les paradoxes de la liberté sexuelle revendiquée.

Le « reportage » sur un couple de lesbiennes est très authentiques pour qui connaît ce genre de situation. L’actrice anglaise Katherine Waterston est remarquable de finesse et d’intelligence dans son jeu. Pour pimenter les choses, elle est plutôt bisexuelle, sans totalement l’assumer au début.

La blondissime Caitlin Fitzgerald incarne très bien ce genre de fille trop belle et évanescente. Le regard vers le ciel et tout le fatras des pseudo-spiritualités à la mode. Et tout ce qui met un frein à la sexualité qu’elle inspire. D’ailleurs le sujet est astucieusement débattu dans le film. Avec comme point d’orgue le troisième homme qui joue (ou non) totalement le registre « spirituel » de la belle. Ce qui amènera Tom O’Brien à se lâcher. Sans qu’on sache parfaitement au final qui a tort et qui a raison. C’est bien comme dans la vraie vie et c’est un point fort du film.

Les scènes de boites de nuit new-yorkaises sont déjà un peu désuètes. Comme la cigarette au bec dans les films des décennies antérieures, les scènes de «shots » d’alcool fort, à mon humble avis finiront d’encombrer les films. C’est une conséquence indirecte des rencontres sur le net.

Enfin l’auteur-metteur en scène-comédien livre aux spectateurs de son film, dans le film lui même, sa propre critique.

Le final est habile, puisque l’auteur revendique fermement la fin du film en queue de poisson. Et ce devant ses spectateurs. «c’est comme cela dans la vraie vie, il n’y a pas vraiment de fin »

… et pourtant il nous octroie une vraie fin par dessus le marché.

(*) l’écrivain Martin du Gard en lisant un manuscrit précoce de Romain Gary avait parlé de « mouton enragé ».

https://www.imdb.com/title/tt2608324/

https://en.wikipedia.org/wiki/Tom_O%27Brien_(actor)

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