Cet excellent documentaire relate la vie de cinéma de cette féministe convaincue et exemplaire. Elle ne peut que plaire aux hommes évolués. Cette personne souriante et malicieuse en a vu beaucoup dans sa vie. Voilà ce qu’on a désormais coutume d’appeler une grande dame.
Cuini Amelio Ortiz et Peter Altmann ont fait ce bon travail en 2021. C’est très amical mais sans pathos ni excès de flagornerie.
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La jeune et belle Margarethe von Trotta étouffe dans l’Allemagne d’après-guerre. Elle rejoint la Mecque culturelle d’alors, le très existentialiste capitale française. Au quartier latin elle voit « Le septième sceau » d’Ingmar Bergman. C’est son premier choc cinématographique. Il décide de son avenir.
Dans un premier temps elle est actrice et est assez appréciée pour cela.
Elle côtoie Volker Schlöndorff, tourne avec lui et devient à la fois sa femme et une discrète coréalisatrice.
La critique n’est pas encore prête à la laisser au devant de la scène en tant que réalisatrice autonome. C’est vraiment une autre époque et on doit à des personnalités de cette trempe d’avoir fait tant évoluer les choses. Pas en raison d’une curieuse logique de quota, mais par ses compétences et sa singularité.
Elle doit se bagarrer contre un sexisme prégnant, tant au niveau de son mari et de l’ensemble de la profession, que du grand public. Elle finit par faire son trou.
Elle est clairement de gauche, comme de nombreux artistes de l’époque, et même militante à ses heures dans ses engagements. Cela devient même transparent et littéral dans certains de ses films. Elle développe un talent bien à elle. Son regard affirmé de femme compte beaucoup, y compris dans ses contradictions.
Elle a ses têtes. Mais les comédiennes Jutta Lampe, Angela Winkler, Barbara Sukowa et Katja Riemann finissent par la convaincre, au point de les faire revenir régulièrement dans ses films. Elle développe avec elles une relation très amicale et presque charnelle. C’est grâce à cette connivence amicale qu’elle arrive à faire passer tant de choses dans ses créations.
Mais elle entretient également des rapports forts avec les scénaristes. Comme par exemple avec l’américaine Pamela Katz dans cette œuvre majeure qu’est Rosenstrasse.
- Cette dernière nous raconte d’ailleurs leur méthode pour que ce film soit un travail ambitieux mais lisible. Grosso modo, si nos deux concepteurs (conceptrices) n’arrivent pas à se remémorer chaque enchaînement au fur et à mesure que le sujet avance, c’est qu’avant cela quelque chose manque ou est en trop. Il faut que cela tienne dans le mental en quelque sorte.
- Cet empirisme est visiblement le bienvenu, car dans ces films, en dépit d’une indéniable complexité, il y a toujours une salutaire respiration. Le récit est clair ou le devient facilement. On comprend tout. On n’est jamais laissé en plan malgré les exigences du script.
- Sans vouloir faire de l’ethnocentrisme, on pourrait dire qu’elle a su allier la rigueur allemande et les envolées poétiques des artistes emblématiques de ce pays.
Certaines œuvres sont inoubliables. Mais elle connaît aussi des gamelles notoires. Il lui est arrivé de s’étaler presque au point de devoir jeter l’éponge. Ses bonnes relations avec un certain côté de ce milieu, lui permettent de reprendre pied.
Mme von Trotta est maintenant une femme active de 80 ans. Elle est toujours au front. Elle fréquente les grandes cités d’Europe où elle est reçue les bras ouverts. Elle est fêtée pratiquement partout, en particulier par des femmes reconnaissantes. Elle raconte avec bonheur des diners chez les Mastroianni.
Nulle n’est prophétesse dans son pays et donc ses rapports avec l’Allemagne ont pu être compliqués.
Elle a à présent deux amours, son nouveau pays l’Italie et Paris.
En tant que réalisatrice (liste commentée) :
- 1975 : L’Honneur perdu de Katharina Blum film conçu avec Volker Schlöndorff est sa première œuvre et un coup de maitre (maîtresse)
- 1978 : Le Second Éveil de Christa Klages.
- 1979 : Les Sœurs.
- 1981 : Les Années de plomb parlent à chaud du terrorisme d’extrême gauche, mais dans une vision féminine. Lion d’or à Venise.
- 1983 : L’Amie est un film qui ose déjà montrer au cinéma ce qu’est réellement une amitié féminine. Il bouscule un peu trop la RFA coincée de l’époque.
- 1986 : Rosa Luxemburg est un film qui retrace la vie et la triple mort de cette militante. Il est reconnu comme un de ses grands films.
- 1988 : Felix.
- 1988 : Trois sœurs (Paura e amore)
- 1990 : L’Africana
- 1993 : Le Long silence met en avant la grande actrice communiste Carla Gravina qui a reçu des prix pour cela.
- 1995 : Les Années du mur sont survenues trop tard. Le mur était déjà déposé depuis longtemps et ce film paraissait déphasé et anachronique.
- 2003 : Rosenstrasse est une création majeure qui vous met au tapis tant elle est chargée de saines émotions. Encore une manifestation de la volonté d’émancipation des femmes. Une grande leçon. Merci également à la coscénariste Pamela Katz.
- 2006 : Je suis l’autre
- 2009 : Vision
- 2012 : Hannah Arendt. Un film remarquable qui a nécessité un long mûrissement en collaboration avec la scénariste complice et amie Pamela Katz. Dans un premier temps Margarethe von Trotta ne voyait pas ce qu’on pouvait mettre à l’écran concernant une philosophie. On le sait maintenant le choix a été judicieux.
- 2015 : Die abhandene Welt
- 2017 : Forget About Nick
- 2018 : A la recherche d’Ingmar Bergman
https://www.arte.tv/fr/videos/091179-000-A/margarethe-von-trotta-place-aux-femmes/
https://fr.wikipedia.org/wiki/Margarethe_von_Trotta
