Mélodie en sous-sol (1963) 7/10 Gabin, Delon

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Un film sacrément troublant, tant il est à cheval sur deux époques. Un pied dans l’ambiance gangster des années 60, un pied dans la modernité.

Ce décalage entre le vieux et le moderne, il est clairement exposé dès le début. Gabin sort de taule, et peine à retrouver son pavillon de banlieue. Il est totalement perdu dans ces nouvelles barres de Sarcelles. La maison rescapée est isolée au milieu de cet étrange univers. C’est presque du Tati. Il ne manque que le Solex.

Une nouvelle ère commence. Désormais, les truands de cinéma ne veulent plus être cantonnés aux bas-fonds sinistres, ils souhaitent pénétrer les hautes sphères lumineuses de la société.

Le projet consiste à braquer intelligemment le Palm Beach, cet illustre casino de Cannes. Il va en falloir du talent d’artiste ! Imaginez que pour leur méfait, il faut jouer les riches clients, les familiers de cette salle de jeu, fréquentée par les grands de ce monde.

Les trois acteurs principaux sont des immenses calibres, chacun dans leur genre. Ils interprètent leurs rôles, de façon on ne peut plus convaincante.


Gabin sait comment incarner un nabab crédible. Il a le physique. Il a l’aisance.

Mais pour cela, il aura aussi des habits chers, une Rolls, le Majestic, et le mépris de classe qui va avec. (Moi, je suis plutôt Carlton).

Il dirige le trio d’une main de fer. Les enjeux sont considérables. On ne glane pas un milliard en coupures, comme cela.

Il est accompagné de Delon, un jeune camarade de prison. Une sorte de petit aristo de la délinquance. Un félin qui ne mettrait jamais les mains dans le cambouis ordinaire, et qui pense être fait pour de grands desseins.

Sa beauté sauvage lui permet de draguer une belle danseuse suédoise. Il a ainsi ses entrées dans les coulisses du casino.

Il arrive à faire semblant d’être une sorte de fils de famille. Mais il a cependant du mal à contrôler sa vulgarité envers les femmes. Juste comme cela, car pour une fois, cela ne nuit pas à l’affaire.

Sa jeunesse et son agilité sont nécessaires pour pénétrer le saint des saints, par une conduite d’aération, et pour se glisser dans la cage d’ascenseur.

On sent parfaitement la tension entre Gabin et Delon. Elle participe à la qualité du film. Gabin domine, mais à l’occasion de reproches qu’il fait à Delon sur une incartade, ce dernier ne se laisse pas faire et se retrouve ainsi à égalité.

Et figurez-vous que cette tension aurait été réelle lors du tournage. L’un craignant de se faire bouffer par l’autre.

Le chauffeur, c’est Maurice Biraud. Un garagiste fiable, à la petite pointure, et sans passé compromettant. Il se laisse entraîner dans ce projet fou. Mais il a des phases de doute. Biraud joue bien cette confiance ambivalente de bon gars.

Je n’avais pas remarqué jusqu’à maintenant une certaine fragilité du scénario.

  • Lors du casse, Delon est très en retard dès le début du planning. Comment est-il posssible alors qu’il soit raccord, lors de la descente dans le coffre. Gabin avec l’aide d’Audiard avait bien précisé que les secondes de retard, se transforment en années de prison.
  • Et comment ce fait-il que ce plan réfléchi depuis 5 ans, n’ait pas envisagé un élémentaire changement des sacs amenés pour le transport des billets.
  • Ces sacs portés d’abord par Gabin sont clairement vus par les employés braqués et parfaitement reconnaissables. Il était très simple de transbahuter le butin dans d’autres contenants très différents.
    C’est d’ailleurs sur ces sacs maudits que repose le dénouement.
  • Moi qui croyait à l’infaillibilité de Gabin, comme à celle du Pape !

La scène finale de la piscine est une pièce d’anthologie. Le suspense est palpitant. L’issue est magnifique. La musique fameuse de Michel Magne (mélodie en sol?), qui est répétée tout le long de ce monument, trouve son point d’orgue ici.

Je ne connais personne qui soit resté insensible à cette apothéose.

Tout au long du film, Audiard nous gratifie de répliques sympathiques. Mais elles sont sans doute moins provocantes que dans certains opus. Ils leur arrivent d’être vachardes. C’est de l’Audiard un peu plus inhabituel. Curieux, mais pas franchement dérangeant.

  • En 1963, j’avais “x” ans. En piquant quelques sous (5 francs ?), je me suis rendu en cachette au Rex, salle bien connue alors de ma ville.
  • Quand on se permet ce genre de liberté grisante, et qu’on n’a pas de recul filmographique, on n’accorde pas trop d’attention au film que l’on va voir.
  • Je suis tombé presque par hasard sur ce petit chef-d’œuvre. Bien m’en fit. Mon imaginaire sera désormais alimenté de hors piste, de chemins de travers.
  • L’esprit de Liberté courre toujours, et en ce qui me concerne la cavale se poursuit. Ils ne m’auront pas.

https://fr.wikipedia.org/wiki/M%C3%A9lodie_en_sous-sol

Jean Gabin Alain Delon Maurice Biraud Viviane Romance

une mélodie et un sous sol !

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