Miss Bala (2011) 8/10 Stephanie Sigman souffre

Temps de lecture : 3 minutes

Film d’action prenant et angoissant. Un excellent travail d’origine mexico-américaine, que l’on doit à Gerardo Naranjo.

Alfred Hitchcock avait un plaisir sadique à faire souffrir ses belles héroïnes. Il s’en ventait d’ailleurs.

  • Celles qu’il désirait et qu’il ne pouvait pas avoir. C’est une recette qui donne de l’intérêt à plus d’un film. (cf la magnifique Tippi Hedren « sacrifiée » dans son film Les Oiseaux)

On retrouve cela dans Miss Bala. La belle jeune femme éponyme est ballottée et martyrisée d’un bout à l’autre du film. Tantôt elle s’échappe à sa destinée, tantôt elle est reprise par la triste fatalité. Cela ne s’arrête jamais. Pour notre grand plaisir ? Une vengeance pulsionnelle de tout un chacun contre ces idoles inaccessibles ?

Après coup, j’ai retrouvé une interview du réalisateur Naranjo, qui confirme parfaitement cette idée :

  • « I think that it’s a guilty pleasure for everybody to attack this kind of woman [Reine de beauté]. I think that people watching the movie get off, on an unconscious level, by seeing a beauty queen terrorized. People want them to suffer. Finally they are getting the chance. » (*)

Stephanie Sigman interprète les multiples facettes de Laura Guerrero.

On la voit sous toutes les coutures, sous tous les angles possibles.

Au départ, c’est une modeste grande sœur attentive. Une fille sans artifice d’un quartier modeste et qui craint son père. Une bonne copine. On se demande même si elle est juste un peu jolie ou plutôt ordinaire.

Cette grande femme simple, se présente à un concours de Miss Basse Californie (Mexique). Elle devient alors une magnifique reine de beauté, dans cette compétition truquée. Nous les hommes, on tombe directement dans le panneau du maquillage et des beaux vêtements.

S’enchaînent de nombreuses situations qui la font passer de femme « normale » à femme craintive, puis femme terrorisée, violentée et femme abîmée… et enfin sauvée ?

On a vraiment tout le spectre des possibles et ce à un rythme hallucinant. La jeune femme très réactive, à l’affût de la moindre faille, semble ne plus avoir le temps de respirer, ne plus avoir le temps de penser. Nous non plus.

L’actrice s’en sort quand même très bien.

  • «la vie ce n’est pas seulement respirer, c’est aussi avoir le souffle coupé » : Alfred Hitchcock

Elle tombe par hasard, dans cet univers violent des cartels mexicains. Les scènes de plus en plus angoissantes s’enchaînent, sans relâche. Elle se retrouve dans des positions de plus en plus compromettantes et dangereuses. Cette accumulation de malheurs est à l’extrême limite du plausible. Il faut dire que le cinéma qui condense l’action en 90 minutes a des impératifs différents de la vraie vie.

  • La vraisemblance est une perte de temps” : Alfred Hitchcock
  • « Demander à un homme qui raconte des histoires de tenir compte de la vraisemblance me paraît aussi ridicule que de demander à un peintre figuratif de représenter les choses avec exactitude. » : Alfred Hitchcock

C’est l’image qu’on attend du violent Mexique. Un pays profondément secoué par la guerre des gangs, la corruption et la collusion du pouvoir. Une jungle où la vie humaine ne vaut pratiquement rien. L’irrespect total des êtres humains et en particulier des femmes.

Le pouvoir et la violence sont sans limite chez les chefs narco-trafiquants. Ce n’est pas tant par cruauté gratuite, comme on le voit dans certains films. C’est aussi parce qu’ils luttent en permanence pour leur propre survie. Tout cela a été dit et redit, décrit et re-décrit mille fois. Mais il faut dire que c’est bien montré ici. Au point que cela semble un regard neuf. Plus réaliste que d’habitude car débarrassé d’un certain pathos moralisateur.

Les attaques, les contre-attaques et les expéditions punitives s’enchaînent dans le cercle vicieux des règlements de compte, des vendettas.

D’où la profusion de flingues, de 4×4, de couteaux, de meurtres. Presque trop, si j’ose dire.

  • Un meurtre sans des ciseaux qui brillent est comme des asperges sans sauce hollandaise. Sans goût.” : Alfred Hitchcock

C’est d’emblée la confusion totale pour le spectateur. Voulue ? On ne sait pas trop au début qui est qui, tant les gangs et même les policiers se ressemblent. Et c’est sombre. Et ça va très vite. Mais comme l’héroïne doit justement tout faire pour s’en sortir, dans ce nulle part sans repères, cela nous fait davantage percevoir sa détresse.

Les revirements de situations sont de type grand huit. Du plus bas au plus haut, à toute vitesse et avec des hauts le coeur. Laura Guerrero circule de la petite banlieue modeste aux hautes sphères du pouvoir lors de son itinérance involontaire avec un gros gang mafieux. Il n’y a plus trop de barrières dans ce monde sans dessus dessous.

Réalisme ? Le réalisateur Naranjo qui était plutôt dans les films d’ado, a voulu parler de la violence. Mais incidemment, il est tombé sur un article de journal où une Miss beauté a vraiment été arrêtée dans un contexte de gang. A partir de là, il a monté son histoire.

https://www.imdb.com/name/nm1319671/

(*) https://filmmakermagazine.com/35203-gerardo-naranjo-miss-bala/

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