Mon oncle d’Amérique – Avis – Resnais. Depardieu, Arditi, Nicole Garcia, Roger Pierre 7/10

Temps de lecture : 5 minutes

Deux heures un peu laborieuses mais qui donnent envie de discuter.

Ce film français d’Alain Resnais de 1980 est doublement expérimental.

D’abord car il s’applique à traiter sérieusement des expériences du scientifique Henri Laborit quant au comportement humain ; à l’aube des neurosciences.

Et d’autre part parce qu’il mixte un documentaire et un vrai film, en alternant les séquences.

On sent Alain Resnais séduit par les thèses développées par Henri Laborit. Mais la résultante me semble assez scolaire et univoque. Les prouesses de ces bons acteurs se perdent un peu dans ces méandres.

Le scientifique insiste d’abord sur les « empreintes » laissées dans le cerveau, lors des premiers temps de la jeunesse. Il n’a bien entendu pas tort. Il fait un sort, ce faisant, aux fumeuses théories freudiennes.

Ce qui l’emporterait serait tout un bagage culturel et social transmis par l’époque, les enseignants et les parents. Un système de valeurs de récompenses et de punitions favorisant la survie de l’espèce.

Et quand adulte, d’aucun sont contents de leur progression, c’est uniquement qu’ils satisfont les principes conservateurs de l’espèce. La récompense n’est pas en nous précisément mais dans le collectif.

On assiste ensuite à des tranches de vie de couples disparates, mais qui tendent à se rencontrer au gré des circonstances. L’histoire de faire une histoire ou des histoires. Une femme en particulier fait le pont, il s’agit de Nicole Garcia. Mais elle a tellement de casquettes différentes que cela en devient bizarre.

L’exposé est un peu rapide et confus car les situations se croisent et ne se rencontrent pas encore. Et puis les cas de figures sont très formels ; un ambitieux, un communiste, un catholique pratiquant…

Les couples « étudiés » se sont formés dans un contexte de lutte. Parfois ils se réunissent contre l’avis parental. Et ils se choisissent au détriment d’autres compositions possibles. Il y a donc des rivalités.

Les couples avec enfants sont plus solides, malgré les sollicitations. Là encore on peut y voir un certain déterminisme protecteur de la société.

La position sociale et le combat pour se maintenir et/ou progresser fait l’objet d’un traitement parallèle.

La « démonstrations » des 4 classes de comportement est assez appuyée :

Laborit privilégie

  • la consommation (boire, manger et copuler)
  • la gratification
  • la punition (dont on se sort soit par la lutte soit par la fuite)
  • et enfin l’inhibition de l’action.
    • Cette dernière composante se complique d’effets néfastes, si elle ne débouche pas dans de nouvelles actions libératrices. Au rang desquelles, l’agressivité vis à vis d’autrui.
    • Mais les frustrations rentrées débouchent sur les maladies psychosomatiques, les maladies infectieuses et même le cancer. La thèse est massive et osée ! – Il peut même y avoir des tentations de suicide par agressivité contre soi-même.
    • L’essentiel est « prouvé » par le comportement des rats de labo dans des cages avec décharges électriques.

Pour mémoire, pour avoir connu cette époque et les débats en cours. L’idée même qu’on puisse s’inspirer de rats pour les comportements humains donnait de l’urticaire aux psychanalystes et autres « penseurs » de la maladie mentale désincarnée. Nous ne sommes pas des bêtes quand même ! Était le seul élément de contestation. A quoi Henri Laborit et d’autres répondaient, mais si, en grande partie nous sommes des animaux.

Il faut réaliser que des gens comme Laborit font un véritable coup d’état dans la sphère psychiatrique.

Sa pensée s’inspire de Paul D. MacLean et de ses trois cerveaux.

Mais il ne faut pas négliger que notre génial Français est le découvreur inspiré de la chlorpromazine ou Largactil, le premier neuroleptique au monde. On lui doit cette révolution thérapeutique, à partir de laquelle on a ouvert la voie à tout un tas de recherches sur les neuromédiateurs. La face de la psychiatrie en a été définitivement changée. Le blabla de certains n’y a pas résisté.

En comprenant l’incidence de ces molécules sur le comportement, le délire, l’humeur etc on peut mieux saisir une partie importante de la « mécanique » mentale. Depuis on a beaucoup progressé et les neurosciences affirmées de maintenant sont très prometteuses. D’autres grandes étapes sont à franchir, mais on a bien défriché déjà.

Henri Laborit conclut, sur fond d’une cité dévastée par la guerre, qu’il nous faut à présent (1980) mieux comprendre et expliquer le fonctionnement de nos deux premiers cerveaux. On doit accepter qu’il est structuré pour dominer l’autre, afin de mieux échapper, si nécessaire, à cette destinée, grâce au troisième cerveau qui nous est propre, le cortex.

« Tant qu’on n’aura pas diffusé très largement à travers les hommes de cette planète la façon dont fonctionne leur cerveau, la façon dont ils l’utilisent et tant que l’on n’aura pas dit que jusqu’ici cela a toujours été pour dominer l’autre, il y a peu de chances qu’il y ait quoi que ce soit qui change. »

A noter que la question de la morale chrétienne (ou autre), véhiculée par le personnage de Depardieu, n’est pas tout à fait décryptée par l’approche biologique. Arditi, son exact opposé, lui est réaliste et voit avant tout le sort global de l’entreprise où il travaille. Il ne se préoccupe de manière empathique du sort des individus, bien qu’il prenne des gants. Mais Depardieu s’accroche lui désespérément aux valeurs quasi familiales des usines de jadis. Il se pense à tort protégé par le parapluie religieux.

Ce point reste une énigme, mais il n’y a ni moraline, ni pathos dans cette approche.

Je mets un 7/10 plus pour les idées que pour la réalisation.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Henri_Laborit

https://fr.wikipedia.org/wiki/Mon_oncle_d%27Am%C3%A9rique

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