Mort aux trousses. Hitchcock aime Eva Marie Saint, Cary Grant déteste James Mason. 8/10

Temps de lecture : 4 minutes

A plusieurs reprises, je me suis efforcé de démonter le mythe Hitchcock, ce soit-disant maître du suspense. Je ne le regrette pas, il y avait de quoi.

Mais La Mort aux trousses de 1959 est une magnifique exception.

Cet travail est parfait. Il allie avec fluidité, l’action, la réflexion et des rebondissements sensés.

L’idée principale consistant à propulser l’innocent Cary Grant dans un monde indéfini d’espionnage, qui a déjà en soi des repères mouvants, tout en lui cachant où il se trouve vraiment. Comme s’il était dans un cauchemar dont il pourrait s’abstraire.

Le réalisateur fécond fait si bien les choses, que nous-mêmes sommes sommés d’entrer dans la peau de l’acteur bousculé de toutes parts. Comme lui, pour en réchapper, nous devons nous poser des questions vitales. Entre profanes on se serre les coudes.

L’apparition tardive de Eva Marie Saint vient encore augmenter l’intérêt. Son rôle à têtes multiples conserve ce qu’il faut d’imprévisible. Et son indiscutable séduction de femme à la fois forte et frêle, ne touche pas que le duo Cary Grant et James Mason. Elle inonde le spectateur et fait des ravages sur Hitchcock lui-même. C’est criant de vérité. Cette madone des sleeping, qui nous offerte aussi à nous spectateurs, est criante de vérité. Homme de peu de foi, je peux te garantir que de telles aventurières existent.

On ne l’accepte plus vraiment, mais il faut une connivence quasi amoureuse entre le réalisateur et sa vedette principale, comme il en existe bien sûr entre le spectateur et ses stars préféré(e)s. Hitchcock la maintenant quand même à distance suffisante, pour pouvoir donner de son fouet. La non-innocence bafouée. Son adage de direction d’actrices, était « faites souffrir les femmes ». Eh oui c’était comme cela à l’époque, et à voir le résultat on ne s’en plaint pas.

La formation à l’Actors Studio a déjà donné de l’indépendance de jeu à l’actrice, et une puissante capacité à transmettre des émotions « vécues ».

Eva Marie Saint résume les conseils du patron ainsi : « Baissez la voix, n’utilisez pas vos mains et regardez directement dans les yeux de Cary Grant à tout moment ». Ce qui traduit un objectif de concentration débarrassé des fioritures. Pas plus.

Et bien entendu sa liberté l’a amené à aller bien plus loin que ces avis techniques. L’amour qui se construit entre elle et Grant est majeur. On dirait même qu’il comporte un message.

L’invocation du saint nom de Cary Grant suffit. Inutile donc de s’étendre sur les qualités extraordinaires de l’artiste.

On aurait du mal à prendre James Mason en faute, tant il est précis et vrai. De telles présences remplissent facilement les scénarios.

Les autres acteurs font le job. Comme Martin Landau qui est discret mais efficace. Ou la supposée mère de Grant, Jessie Royce Landis, qui prend tant de place et fusille régulièrement son fils, avec son pesant amour maternel un brin décalé. Néanmoins Cary le fils respectueux et aimant, sait qu’il peut la retourner avec un billet de 50 dollars. Leo G. Carroll qui incarne un chef des espions assez insaisissable est à son aise dans ce rôle d’homme à chapeau et gabardine.

L’histoire est complexe, dure 135minutes, mais tient très bien la route. Vous en découvriez le synopsis quasiment partout. Et donc je m’abstiens de faire un travail de copiste.

  • Sachez juste que vous serez confronté au malentendu Kaplan à l’hôtel, au tour de passe-passe à la maison de Glen Cove, à l’imbibition forcée par du whisky et la ruse adoptée pour échapper aux méchants, à la moquerie d’une mère, à l’assassinat aux Nations unies qui n’arrange pas les affaires de Grant, à la merveilleuse aventure du train, à la « trahison » d’Eva Marie Saint, à la célèbre poursuite par le biplan, dans un trou perdu du middle-west, à la révélation de la complexité du « complot », le mont Rushmore, à l’amour plus fort que la mort…

Le qui est qui est pour une fois manié intelligemment.

En visionnant et revisionnant ce film, on découvre à chaque fois d’autres nuances et d’autres idées, qui augmentent encore sa cohérence. Mais jamais on ne peut le prendre en défaut. Quelle trouvaille que l’hilarité de la maman de Grant ! Notre bonheur se cache dans ces savoureux détails.

C’est quand même un long-métrage exigeant, il faut être attentif.

https://fr.wikipedia.org/wiki/La_Mort_aux_trousses

https://fr.wikipedia.org/wiki/Eva_Marie_Saint

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