Mystic river. Clint Eastwood – vrai coupable (2003) 5/10

Temps de lecture : 3 minutes

Clint Eastwood passe pour un grand cinéaste, alors qu’il est avant tout un illusionniste habile. Ce manipulateur d’émotion sait parfaitement doser ses effets et nous conduit tranquillement où il veut. Et par ses tours de passe-passe, il arrive à nous faire applaudir ses numéros de cirque. Et même d’éminents critiques professionnels se laissent gentiment berner.

Il faut garder en tête que le cinéma n’est pas qu’un art de l’illusion et/ou du spectacle. Il peut transmettre bien davantage que des climats, des états d’âmes, du bruit et de la fureur.

Avec Mystic River tout semble posé sur la table dès le début. Trois enfants nous sont présentés et donc on sait donc d’avance à qui on aura à faire plus tard. Jimmy, Dave et Sean gravent leur nom dans une dalle de béton fraîche. C’est interdit, ils le font par bravade.

Deux adultes sévères qui ont vu la dégradation du trottoir, culpabilisent les jeunes et embarquent Dave. Ils se comportent comme des flics. Les deux autres enfants sont décontenancés.

Il apparaît que le gamin s’est fait kidnapper par des pédophiles. Quatre jours de torture et le gosse parviendra à s’enfuir.

On se doute bien qu’il en gardera des traces.

Cette scène est un étrange non-dit qui nous met aussi en cause, nous spectateurs qui n’avons rien vu venir ou si peu.

D’emblée on a les deux pieds dans un sinistre pathos.

Cette mise en place est bien faite.

Un fois adultes, les liens des anciens copains se sont distendus.

Jimmy est passé par la case prison. Il est à présent un boutiquier soupçonneux. C’est un dur un peu rangé mais qui garde des contacts avec des gars pas très recommandables.

Sa fille n’est pas venue au travail. On découvre par des indices croissants qu’elle a été assassinée.

Jimmy/Sean Penn va entrer dans une colère folle et cherchera par tous les moyens à retrouver le coupable. Mais comme son cercle est primaire et expéditif, cela ira trop loin.

Principal objet de suspicion, Dave/Tim Robbins le perturbé. Il a commis un meurtre ce soir là. Mais c’est pas celui qu’on croit. Il prétendra par la suite avoir assassiné un pédophile qui contraignait un garçon. Mais les versions changent.

Sean/Kevin Bacon, le troisième homme, est concerné lui aussi. Il est devenu flic et comme il sera chargé de l’enquête, cela en rajoute au côté artificiellement dramatique. On est dans un huis clos qui doit forcément réunir à nouveau les amis de jadis et pour ce faire il faut forcer le sort. Les hasards qui font bien les choses se multiplient.

Comme dans les mauvais romans policiers, qui cherchent à maintenir la tension d’un bout à l’autre, coûte que coûte, le coupable sera bien entendu celui qu’on suspecte le moins. Mais on ne le saura que dans les dernières minutes. En attendant, on s’ennuie un peu avec ce « c’est peut être lui ou peut être un autre ».

Clint applique la bonne vieille recette du suspense de thriller basique, consistant à concentrer le maximum d’émotion dans un rush final. Il cherche à susciter une angoisse croissante avec ces effets si habituels du « contre la montre ». Pour réussir ce coup, il alterne de manière stroboscopique les progrès décisifs de l’enquête officielle, et les étapes cruciales de la violente opération vérité organisée par Jimmy le père douloureux. La partie policière est certes plus policée quand même pas mal basée sur les coups de chances, les coups de gueule et l’intimidation. On n’est pas dans du cinéma intelligent.

Les aveux extorqués de manière inquisitoriale par la bande de Jimmy sont suivis d’une justice expéditive. La peine de mort privée fait des dégâts irréversibles, qu’on se le dise.

On nous balance donc deux bons gros parpaings dans la figure. Un coupable improbable et quasi innocent et un faux coupable très crédible, qui lui va payer le prix fort.

Tout le scénario est cousu de fils blancs. On s’est juste permis de remettre en route cette grosse machine hollywoodienne, trop huilée, qui une fois de plus (de trop ?), voudrait nous mener par le bout du nez. La violence omniprésente ne servant qu’à neutraliser notre cerveau pensant. Tout est conçu pour faire du dollar. Ils ont réussi leur coup en amassant 156 822 020 $, soit 5 fois la mise !

Une manipulation qui dure quand même 137 minutes !

C’est la classique mayonnaise des émotions faciles : injustice, vengeance, violences diverses, coups de feu et sang dégoulinant, ambiances glauques, mama dolorosa, papa furioso, psychologisme pour les nuls, déterminisme para-psychanalytique, bonne conscience et self justice de far-west, sociologie victimaire et misérabiliste, trahison et suspicion.

Pour masquer les faiblesses de cette farce policière on met à contribution Sean Penn, Tim Robbins, Kevin Bacon en haut de l’affiche. Si l’on ajoute Marcia Gay Harden, Laura Linney et même l’inoxydable Eli Wallach.

Et comme Hollywood affectionne les jeux extrêmes et torturés, il décerne l’Oscar du meilleur acteur à Sean Penn et l’Oscar du meilleur acteur dans un second rôle à Tim Robbins. Moi, sincèrement cela ne me cloue pas le bec.

Il faudrait oser secouer cette critique unanime dithyrambique dont voit bien qu’elle a succombé à l’émotion au détriment de la raison. Et dire que certains professionnels disent du film que c’est une « réflexion » sur ceci ou sur cela !

Notre magicien a bien travaillé avec sa machine à cauchemar qui vrille les cervelles.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Mystic_River_(film)

Sean Penn
Tim Robbins
Kevin Bacon

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