Julien Duvivier s’inspire du livre Les Fiançailles de M. Hire de Georges Simenon, pour cette étrange histoire policière et sociétale.
Monsieur Hire, joliment incarné par Michel Simon, a une sale gueule de barbu à la Landru. Ça tombe bien, une pauvre fille est retrouvée morte ans un terrain vague.
- Dans le livre ce personnage est franchement plus problématique. Il a des déboires avec la police, il est disgracieux, il vivote. Mais ce n’est pas le cas ici. Dans le film notre gaillard n’a pas de casier judiciaire et il semble plutôt fortuné.
D’emblée le spectateur soupçonne ce misanthrope hautain. Même si on connaît le passé cinématographique plutôt jovial et bonhomme du célèbre acteur. Il a là vraiment la gueule de l’emploi.
Mais en fait, le vrai coupable est un voyou, joué par Paul Bernard. Il a commis un assassinat crapuleux. Le mauvais garçon s’est emparé du sac à main de la jeune femme qui contient une grosse somme. Et M Hire, qui est passionné de photo, se trouvait là et a pu faire un cliché.
- Ce ne fut pas un crime de malade. Dommage car Michel Simon aurait été redoutable dans un tel rôle. Aussi bon qu’un Peter Lorre dans M le maudit
Viviane Romance est la maîtresse de ce bandit. Et elle emballe M Hire grâce à son indiscutable séduction. Il sait qu’elle est liée au criminel et il voudrait la sortir de là. Mais il ne veut pas la faire tomber en même temps que son amant maléfique. Il lui faut naviguer finement.
Elle revient de prison et couvre à présent l’affaire criminelle de son gars. Il y a une embrouille sur sa date d’arrivée.
Cette belle femme plutôt sophistiquée joue étrangement. Elle ne semble pas dans le bon milieu et le réalisateur ne parvient pas à correctement dessiner sa personnalité. Est-elle une complice perverse ou bien une romantique à peine déguisée et prête à se ranger ?
Bien sûr elle joue sur les deux tableaux pour impliquer le pauvre Michel Simon. Mais quelque chose fait qu’on n’y croit pas trop. Trop bien pour Michel Simon et pas assez canaille pour s’allier à un Paul Bernard.
Le reste de l’affaire est une démonstration de la méchanceté et des préjugés de la foule. C’est un peu long mais assez bien dessiné. En ce montant les uns les autres, les bons citoyens finissent par vouloir faire justice eux-mêmes. On sent la tension sauvage qui se réveille. Les bravades font le reste. On s’approche du lynchage. Ils en viennent aux mains contre ce M Hire, pauvre innocent. Lequel tente de se réfugier sur les toits.
- C’est un film de 1946 et donc tous les protagonistes savent ce que c’est, la bêtise et la dangerosité de la meute. On sort à peine d’une période sordide de délations et on entre à présent dans les règlements de compte expéditifs. Notre Hirovitch est juif, l’allusion aux persécutions indignes est encore plus claire.
Il y a quelques scènes occultes et divinatoires, où opère soit une voyante soit M Hire, qui sont bien inutiles.
Ce n’est pas un mauvais film, mais surtout parce qu’il repose sur un très bon livre. Duvivier est un metteur en scène prolifique qui a fait de grandes choses. Mais il y a des scories de naïveté d’avant guerre, dont il a du mal à se débarrasser. Ce qui donne parfois un ton gentillet. On aime ou on n’aime pas.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Monsieur_Hire
https://fr.wikipedia.org/wiki/Les_Fian%C3%A7ailles_de_monsieur_Hire
https://fr.wikipedia.org/wiki/Panique_(film,_1946)