Pâques dans l’histoire de l’art. Exhibition. Évangiles, mensonges et réalité. 8/10

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Ce documentaire extraordinaire appelle deux réflexions.

I) L’une sur la fascination de ces scènes mythiques, qui ont touché les plus grands artistes.

  • A moins que ces créatifs n’aient été instrumentalisés par des religieux, habiles commanditaires. Sans cette manne financière, point de “salut”. Mêmes les politiques arrivistes de maintenant, aiment à s’adjoindre les services de chanteurs et comédiens en vue.

II) L’autre cheminement de la pensée concerne ces incroyables récits évangéliques illustrés ou non. Ils méritent quand même une approche plus raisonnée que celle qu’on nous impose le plus souvent. Il ne s’agit pas d’un problème d’historicité (quoi que !) mais plutôt d’une tentative d’aller plus loin que les commentaires pro domo qu’on nous a vendu depuis plus de 2000 ans.

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La fête chrétienne de Pâques vient de passer. Et moi le mécréant, j’ai revu avec enthousiasme ce magnifique exercice qu’est l’Évangile selon Matthieu, de Irazoqui, Bach et Pasolini. Une épure qui remet pas mal de choses en place et donne envie d’aller plus loin dans le domaine des idées.

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I) Artistes peintres et récit évangélique. Le documentaire.

Cet épisode vu sur la chaîne museumtv.art est vraiment remarquable. Au point que je l’ai vu deux fois. Un énorme travail a permis d’associer une ou plusieurs œuvres majeures correspondant à chaque « station », visitée volontairement ou non par ce fameux Jésus, aux alentours de Pâques.

L’iconographie a débuté très tôt, dès que le débat sur la représentation ou non des acteurs bibliques ait été définitivement tranché. L’imagerie avait jadis une vocation non élitiste. Il s’agissait de créer des bandes dessinées dans les églises, afin d’instruire les fidèles illettrés. Lesquels ne s’embarrassaient pas de se questionner pourquoi, à l’époque de Jésus, on pouvait avoir des habits du Moyen Âge.

Pratiquement tous les épisodes de la vie supposée du Christ (l’élu) ont été portraiturés. Les plus grands s’y sont frottés, en réalisant de très sérieux exercices de styles. Des défis de taille avec d’un côté le talent et l’invention et de l’autre la possibilité d’une censure.

Ils ont cherché à chaque fois à se hisser sur les épaules de leurs glorieux prédécesseurs. Et cela se perpétue encore maintenant. Sans tomber dans la plus récente période, il suffit de faire référence à Emil Nolde ou Salvador Dalí

Bon point pour la réalisation d’avoir su mettre aussi clairement en avant, la délimitation entre le rendu torturé et à la limite du supportable du crucifié, dans le retable d’Issenheim et l’art stylisé et presque plaisant d’artistes plus au sud et à l’ouest. Ce retable je n’ai pratiquement sous les yeux puisqu’il est à Colmar à 30 minutes de chez moi. Et la redécouverte de cette pièce majeure est toujours un choc salutaire. Mon dieu, que ce polyptyque a la beauté du diable !

II) Questionnement sur les récits évangéliques.

Vu objectivement, avec un peu de recul, c’est l’étrange histoire d’un Galiléen de 33 ans, mi-fou mi-charlatan.

Il prétend changer l’eau en vin, nourrir une foule avec juste quelques pains et poissons. Il insiste sur ses capacités de guérison, dans les cas les plus désespérés. Il nous envoie à travers la figure qu’il sait ressusciter Lazare d’entre les morts…

Et bizarrement il demande aux heureux bénéficiaires de ne pas en parler. C’est éminemment suspect !

Ce curieux gaillard, n’est pas le premier à jouer au Deus ex machina magicien. Loin s’en faut. Et s’il se prétend être le dernier des prophètes – le Messie lui-même – il n’invente rien. Ce concept fait partie de la culture religieuse des lieux, depuis des siècles.

En ce qui concerne sa doctrine, elle dérive directement de celles des Esséniens les plus jusqu’au-boutistes. Et puis il se réfère à l’ancien testament. Il n’a pas eu à inventer grand-chose.

Il se prétend fils de dieu et a une haute opinion de lui-même. Ce culte de la personnalité est bien étrange.

Les préceptes extrémistes qu’il cherche à imposer sont clairement inaccessibles. Essayez par exemple de passer par le chas d’une aiguille !

Et le « peuple » finalement n’en veut pas non plus. Au point de souhaiter in fine qu’il disparaisse. Qui s’est donné la peine d’en analyser les raisons ?

Quand les choses se gâtent, ses « amis » le lâchent, comme un malpropre. Pas question pour Pierre, le premier d’entre eux, de le suivre dans sa chute. Et quant à la supposée « résurrection », personne n’avale cette fable. Lorsqu’il est sensé apparaître de novo à ses proches, on ne le reconnaît pas. Cela se reproduit à Emmaüs et ailleurs. Thomas n’est pas très emballé non plus. C’est quand même révélateur, non ?

Le « don » du Saint Esprit est suivi d’un prise de conscience subite de toute la théologie par les apôtres. Il apporte aussi à nos futurs missionnaires une capacité à parler toutes les langues.

Mais elle n’a eu lieu que peu de temps avant que notre héros déjà ressuscité, prétende remonter au ciel. Comme quoi les apôtres vivaient jusque là dans une relative obscurité. Ils l’auraient donc suivi sans trop savoir de quoi il retournait. C’est un paradoxe de plus.


Et on voudrait que nous, pauvre pécore, on croit à tout cela sans broncher !

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Cela dit, on ne doit pas condamner à mort un fou ou un vantard.

Les organisateurs de la mise en ordre de la mystique chrétienne ont trouvé du pain béni dans tout cela.

D’abord il y a ce thème porteur de la grande injustice. La mise à mort du bonhomme n’était pas justifiée. Chacun d’entre nous se sent concerné par l’erreur judiciaire. Un couperet qui pourrait nous attendre nous aussi. Donc ce thème a été amplifié par les évangiles. Ponce Pilate ne cesse de répéter qu’on n’a rien de sérieux à reprocher à ce vagabond illuminé. Il se prend pour le roi, et alors ? Les asiles sont pleins de Napoléon du moment.

Le chapitre des miracles est l’objet d’une casuistique intéressante. La foi qui serait issue d’un constat de miracle, ne serait plus dans la sphère nécessaire du libre arbitre. Si le miracle est, alors il n’y a pas besoin de se creuser la tête pour croire. C’est donc un artifice grossier qui force la conscience. Mais la religion ne s’est pas embarrassé de cela. Pour elle et surtout pour les ouailles le miracle est forcément réel, quasi par définition. Par contre, de ne pas y croire vous expose à des sanctions. Le piège se referme.

De nos jours, conscient du risque, le clergé tend à décaler les miracles dans la sphère symbolique. Mais il ne répugne pas à s’en servir encore un peu.

Par exemple dans le contexte de sanctification de certains personnages. Pour avoir vu certains dossiers récents, je peux dire que c’est tiré par les cheveux.

Et puis les plus humbles ont du mal à se débarrasser de la motivation première qu’est la superstition. Ils veulent conserver ses tractations inégales avec les saints qu’ils vénèrent. Un cierge contre le succès, la santé etc ; belle affaire en vérité !

On le voit assez clairement, une religion qui a à la base un objectif irréaliste de perfection totale, dans une ascèse des plus mortifères, met les croyants et/ou les crédules dans une situation intenable.

On peut parler de terrorisme intellectuel. Pour couronner le tout d’épines, on vous enjoint de ne pas réfléchir. Il faut gober cela tout cru ou se taire. Bienheureux les simples d’esprit !

De plus, comme on la vu, on les piège avec ces miracles impossibles et un récit initial totalement paradoxal. Dans ce porte-à-faux permanent entre l’interdiction du doute raisonnable et la croyance bornée, il ne le reste plus qu’un important sentiment de culpabilité, dans ce combat inégal contre le doute. Et ce penchant pesant est très largement alourdi par le prêchi-prêcha des prêtres et consorts. Une sorte de fond de commerce.

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