Party Girl – film avis. Angélique Litzenburger, Joseph Bour, Amachoukeli, Burger, Theis 8/10

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Party Girl est un film français remarquable qui traite d’une réalité dérangeante, avec un certain regard (Cannes :  Prix Un certain regard et Caméra d’or du meilleur premier film) – 2014

Ce long métrage, sur une femme vieillie du milieu de la nuit, est d’un tel réalisme, qu’on passe son temps à se demander si ce n’est pas un habile documentaire.

Les scènes se passent près de Forbach, des deux côtés de la frontière. Malgré le poids des ans et de sérieux stigmates, Angélique sévit encore dans la miteuse boite de nuit allemande, Eve.

Des messieurs esseulés de tous les âges viennent reluquer les filles et se faire tripoter. Les entraîneuses aguerries savent les convaincre de commander du champagne hors de prix et s’esquiver, s’il le faut, au bout de la nuit. Rien de plus triste et plus classique.

Mais l’héroïne Angélique a nettement plus de 60 ans et ne fait plus illusion. De plus elle est devenue alcoolique, la maladie du métier. Elle a le vin mauvais. En fin de soirée, c’est une calamité. On la garde quasi que par pitié. C’est triste à mourir.

Le sympathique Michel a été son client régulier. Désormais à la retraite, il voudrait garder cette perruche déplumée rien que pour lui. C’est vraiment un bon gars qui s’en fiche du qu’en-dira-t-on. Il a développé un véritable amour pour elle, alors que pourtant elle se refuse encore à lui.

Ce fier gaillard, qui a une belle maison, sait composer. C’est un beau parti … compte tenu de l’état dans lequel elle se trouve.

Les enfants de la vieille sont désormais adultes. Ils vivent très modestement et semblent assez basiques. Sauf un grand fils, qui sort du lot, mais qui vit à distance.

Ils sont très contents que leur mère puisse faire une belle fin. C’est quasi inespéré.

Mais ils sont dévorés d’inquiétude, connaissant son caractère mouvant, ses excès de colère, son nomadisme fondamental, son indiscipline et son immaturité.

L’affaire s’engage assez bien, malgré quelques hauts et quelques bas. Mais elle est rebelle et veut montrer qu’elle ne veut pas se faire dicter sa conduite. Elle fume à table, ce qui déplaît. Elle veut rester dans les fêtes jusqu’à plus soif.

Ils passent devant monsieur le curé et tout à l’air de bien s’emboîter finalement. On veut la croire sauvée.

Une de ses filles, qui a été placée dans son jeune âge, accepte même de venir à la cérémonie. La môme de 16 ans témoigne de manière émouvante, qu’elle a toujours gardé une partie de son coeur pour sa vraie famille biologique. Le puzzle familial pulvérisé paraît se reconstituer.

La nuit de noce arrive. Angélique, qui s’était refusée jusque là, avait promis de se donner ce soir là.

Elle n’y arrive pas. Elle lui lance ” je ne suis pas amoureuse de toi”. Son mari, qui est pourtant de bonne composition, se fâche et l’insulte.

Elle prend ses cliques et ses claques et repart dans le monde ténébreux de la nuit, loin de Joseph et de sa télé.

***

Il y a trois coréalisateurs : Marie AmachoukeliClaire Burger et Samuel Theis. Samuel joue dans le film avec Mario Theis  qui est sans doute un parent. Mario agit ici avec une humilité toute particulière. Samuel est le beau gosse qui s’en est sorti et qui est manifestement plus malin que les autres. Il a l’oreille de sa mère.

La mère entraîneuse dans le film serait inspirée par le parcours de sa propre mère. C’est dire le courage et la profondeur de vue de Samuel.

Angélique Litzenburger est le personnage central. Sa vie de serveuse de bar et strip-teaseuse a été très proche de celle qu’elle incarne. D’où l’incroyable authenticité de sa prestation.

Elle donne son vrai nom lorsqu’elle se marie ici. Ses deux vraies filles Séverine Litzenburger et Cynthia Litzenburger  ont là également avec leur vraie identité.

Joseph Bour qui joue l’époux, n’est pas moins remarquable. Un vrai travailleur à la dure au départ puisqu’il a été tourneur sur métaux. On pourrait presque penser que c’est un comédien professionnel expérimenté. Alors qu’il s’est contenté de faire le pitre jusque là pour amuser la famille et les amis.

Bravo les artistes pour cette leçon de cinéma… et dire que ce n’est qu’un premier film ! Avec des œuvres comme celle là, le ciné français moribond pourrait ressusciter.

***

Ça nous parle bien plus qu’on peut le penser, au point de nous grattouiller sérieusement quelque part. On se cabre. Qu’est ce que j’ai à faire moi – du haut de mon Olympe – avec ces gens là ? Une petite voix susurre le célèbre aphorisme : cette semi-pute devant toi pourrait être ta mère.

Bien que pour la plupart d’entre nous ce monde là est aux antipodes du notre, on a la sensation que toute la tragi-comédie humaine est quelque part par là. Franchement on s’est fait piéger par cette bande de bras cassés. On ne les a pas vu venir dans ce drame qui a la beauté de l’antique.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Party_Girl_(film,_2014)

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