Pépé le Moko. Avis. Duvivier Gabin à Alger, Jeanson pré-Audiard. Résumé (1937) 6/10

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Franchement, ce film a mal vieilli.

On y trouve tous les clichés sur les mauvais garçons qui vont hanter le cinéma français pendant des décennies.

En cela, il est un précurseur de ces films noirs mâtinés de Audiard (ici Henri Jeanson), où les méchants roulent les mécaniques, mais seraient plutôt des bons gars. Nos malfrats endimanchés respecteraient scrupuleusement leur code de l’honneur. On leur devrait presque le respect !

Il est vrai qu’ils obéissent à des préceptes clairs. On ne doit pas trahir, par exemple. Cette question est au centre du film.

Nos anges déchus se servent. C’est la belle vie, façon jardin d’Éden, où tout est à portée de main. Qui pourrait les en blâmer (hum).

Et finalement ils rendent service à des bourgeois en quête d’aventures. Ils auraient même le soucis des convenances et pourraient s’adapter aux codes de la haute. Ces deux mondes s’observent et il y aurait des passerelles. Sous-entendez que les très riches sont des voleurs comme eux (hum, on est en 1937)

Les plus belles filles leur tombent dans les bras. Même les femmes de la haute seraient tentées par cette force séduisante.Et ils entretiennent même d’assez bon rapport avec une partie complaisante de la police. Ils assurent paradoxalement un certain maintien de l’ordre.

Où est le mal finalement ? Mouais.

Pépé le Moko, joué par Jean Gabin, n’est plus en odeur de sainteté. La police veut l’arrêter. Il est planqué dans la Casbah d’Alger. On nous fait d’ailleurs un cours de géographie à ce sujet.

Il y a du proto Bebel dans son personnage. Il joue un peu distancié, fait des grands gestes et tente de faire des bons mots.

Mireille Balin fait partie d’un groupe de riches touristes venus s’encanailler. La belle semi-aristocrate va s’éprendre du malfrat au grand coeur. Le jeune premier Jean Gabin est foudroyé par l’amour également. Les deux se cherchent, les deux se trouvent. Et la cosmopolite Line Noro, sa dévouée amante d’usage, reste sur le carreau.

Mais il y a aussi une histoire de trahison. Pour une fois le brave Fernand Charpin fait le traître. Et Marcel Dalio mène un double jeu, mais là c’est un abonné du genre.

Les caractères sont caricaturaux. Les traits sont lourdement soulignés. On est dans une mythologie basique du milieu, tel qu’on pense qu’il doit être. L’exotisme supposé est vraiment ridicule.

Il y a quelques scènes de beau noir et blanc. Et d’autres qui donnent l’impression d’être tournées dans des décors en carton. Ce qui est d’ailleurs la stricte vérité, puisque la crasseuse Casbah en question a été refabriquée à Joinville-le-Pont.

Fréhel semble perdue dans cette contrée lointaine. Elle va nous chanter quelque chose. Vaine distraction.

Bardèche et Brasilach ne sont pas si sévères que moi avec le film. Ils en veulent plutôt à la “morale” sous-jacente :

« On n’éprouverait, d’autre part, que peu d’intérêt pour Pépé le Moko (1937), histoire d’un souteneur abrité dans la Kasbah d’Alger, et qu’un policier attire en ville par l’appât d’une jolie femme, si cette histoire n’était enveloppée dans une atmosphère assez remarquable avec de louches indicateurs, des rues arabes très belles, et surtout si elle n’était contée -avec une rapidité très sobre. Les grandes scènes s’y insèrent avec cette simplicité que nous n’avions vue jusqu’à présent qu’aux films américains. La meilleure est celle où un indicateur gros et blême est forcé par les compagnons qu’il a trahis de jouer aux cartes, en attendant le retour problématique du jeune homme qu’il a vendu. Celui-ci revient, blessé à mort, et ses camarades le traînent jusqu’à l’indicateur terrifié et suant, pour qu’il puisse l’exécuter lui-même, pendant que se déchaîne le bruit d’un piano mécanique. On avait rarement donné d’aussi saisissantes images de la lâcheté et de la crapule : c’est aussi puissant qu’une scène de Scarface. On regrette seulement la mode assez basse des marlous et des âmes veules que ce succès consacra pour deux ou trois années. »

https://fr.wikipedia.org/wiki/P%C3%A9p%C3%A9_le_Moko

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