Prisonnière du désert. Constipation, préjugés racistes. John Wayne. John Ford. UnMake America great again. 4/10

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John Ford est un manipulateur. John Wayne est un bourrin.

Ce dernier John incarne un soldat à la retraite, qui a signé jadis avec le clan esclavagiste, mais qui porte pourtant une chemise bleue. Son appartenance sudiste n’est dite que dans une toute petite phrase.

Il est juste un poil raciste, en apparence. Il le montre envers son neveu, qu’il refuse de traiter comme tel. Ce jeune homme adopté ayant un peu de sang Comanche dans les veines, il ne peut pas vraiment faire partie de la famille. Cette revendication du droit du sang est tellement grosse, qu’on pourrait croire qu’il plaisante. La suite montre que non.

Il faut dire à décharge que les Indiens, ces affreux sauvages, ont tué une bonne partie de la famille de son frère. Du coup les vapeurs de Wayne passeraient presque pour un trait minimaliste vertueux.

Mais le redoutable Wayne enfonce le clou pervers, en voulant zigouiller sa nièce, qui se serait transformée en squaw pendant son passage de plusieurs années en tant que prisonnière du désert. Elle est devenue cette Natalie Wood qui joue maladroitement une poulette égarée à double culture alternative. C’est bien la pureté raciale qui est en jeu. Non seulement celle issue de la génétique, mais encore celle héritée de la culture. Double peine.

Notre bougre, qui en veut à cette engeance à plumes, n’hésite pas par ailleurs à tuer les bisons qui servent de réserve de nourriture à ces natifs. Une manœuvre destinée à les affamer comme de vulgaires bestioles. Solution finale ?

On est dans dans cette pitoyable culture western âprement défendue par John Wayne. Il est donc inutile de dire que ce gaillard est pro-armes, à la ville comme à l’écran. Une des caractéristiques des westerns est de rappeler au bon peuple qu’il a le droit de prendre son flingue en toutes circonstances, voire de se faire justice lui-même. La détente du flingue est la soupape de la cocotte minute qui leur sert de tête.

John Wayne et John Ford procurent aux spectateurs la daube frelatée qu’ils veulent. Wayne a déclaré : « le public aime voir les Indiens être tués. Il ne les considère pas comme des êtres humains… ». Et comme dans les westerns les plus éculés, on assiste à cette razzia curieuse où seuls les méchants peaux rouges semblent tomber sous les balles. On est même inciter à applaudir ce carnage. Les blancs ne sont que rarement touchés.

Ford est connu pour son racisme, même si les aficionados se tortillent dans tous les sens, pour se cacher ce fait.

On a donc un film qui joue sur les passions tristes, dont la haine maintenue pendant des années, la violence totalement libérée, la domination naturelle du blanc sur les autres couleurs…

Comme il se doit, l’intrigue est basée sur le principe d’une revanche individuelle débarrassée du carcan légal. Ce sempiternel argument de vendetta à sens unique, motive beaucoup les Américains frustrés.

Un caractère était pourtant intéressant. Ce Ward Bond à double casquette, tantôt révérend et chef incontesté de sa communauté, tantôt capitaine qui dirige cette expédition visant à retrouver la captive et non à la supprimer.

Il y a dans l’esprit de ce film, une provocation sournoise. Cela vient du plus profond de cette Amérique du « bon sens », qui peut aller jusqu’à lyncher s’il le faut. Le populisme est toujours là pour raviver ces mauvais instincts. Nos deux compères John Wayne et John Ford n’ont pas si peur que cela d’endosser cette responsabilité. S’ils sont discrets, c’est pour ne pas effrayer d’emblée et mieux faire passer leur point de vue.

Ils se permettent même, pour paraître calmer le jeu, de produire les clichés familiaux les plus naïfs. Après le destruction, vient la reconstruction d’un imaginaire d’heureux cul-terreux. Les tableaux vivants semblent calqués sur ce slogan qui a marqué l’inconscient collectif : « La terre, Elle ne ment pas ». Un enracinement anti-intellectuel si cher à Pétain. On dirait ici des peintures fermières de cet artiste américain lourdingue Grant Wood, dans son mouvement du Régionalisme.

Le machisme le plus étroit est de rigueur, comme c’est la règle dans le genre. Totalement opposé à l’idée que l’être humain serait une feuille blanche sur laquelle on pourrait inscrire le “genre” qu’on voudrait, je ne suis pas contre une révalorisation des traits spécifiquement masculins. Oui cela existe, d’ailleurs les féministes les moins imbéciles le reconnaissent. Et heureusement, il y a encore des femmes qui comprennent nos différences et notre complémentarité. Celles-là seront sauvées, je vous le dis mes frères. Mais là dans le film, tout de même ils font forts dans les clichés crasses.

On a de surcroit, un surinvestissement dans les valeurs constipées. C’est classique dans le cinéma populaire. Le long cheminement ressemble donc à un parcours du combattant ayant des difficultés d’exonération. Ceci se faisant nécessairement dans la douleur et la sueur. Ce qui réconforte ceux qui mesurent chaque chose par le degré de souffrance qu’on met à la produire.

Je ne suis pas opposé à une large liberté d’expression, sous réserve qu’elle n’incite pas à une haine dangereuse et qu’elle permette les critiques en retour. John Wayne et John Ford, même menaçants, ne me font pas peur. J’ai plutôt pitié.

Mais quand je vois les critiques imbéciles qui n’ont même pas l’idée de soulever le couvercle de cet énorme pot aux roses, je suis perplexe. Le long-métrage n’a pas pour excuse d’être de qualité. Il est plat et poussiéreux comme un désert de l’Utah. Ce n’est pas avec cela qu’ils rendront l’America_Great_Again.

Ce trop long film (2 heures), aux thèses suspectes, se révèle assez ennuyeux, car trop monomaniaque et linéaire. Mais je sais qu’en disant cela je vais susciter la désapprobation quasi générale. En effet, cette « œuvre » est considérée par des spécialistes, comme le plus grand western jamais tourné. Ce serait le chef-d’œuvre de John Ford. Consternation !

Peut-être ont-ils confondu le fond discutable et la forme agréable. Car en effet, on peut attribuer une mention spéciale à la « photographie ». On doit ces belles cartes postales, du très touristique Monument Valley, à Winton C. Hoch et Alfred Gilks. Petit bémol cependant pour l’excès de contraste ; problème de maîtrise du Technicolor VistaVision ? On peut discuter aussi les recours à la nuit américaine un peu trop voyants.

https://fr.wikipedia.org/wiki/John_Ford

Oscar du meilleur réalisateur pour 4 films : Le Mouchard (1935), Les Raisins de la colère (1940), Qu’elle était verte ma vallée (1941) et L’Homme tranquille (1952)… mais aucun pour un western, nananère !

https://fr.wikipedia.org/wiki/John_Ford

https://fr.wikipedia.org/wiki/Make_America_Great_Again

https://fr.wikipedia.org/wiki/Fichier:La-terre-elle-ne-ment-pas-marechal-petain.jpg

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