Procès de Rastatt (Kriegsverbrecher vor Gericht) (2021) 8/10

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Un docu-fiction, plus docu que fiction, sur un épisode méconnu des procès de criminels nazis. Et pourtant cela nous touche de près, voire de très près.

Le procès de Rastatt est largement passé sous les radars. Le libre accès à ses archives est très récent.

Nuremberg a pris toute la lumière. S’il a bénéficié d’un plus large éclairage, c’est qu’il s’agissait de révéler tout un système au travers des plus hauts responsables, des figures connues de tous.

Des équipes de télévision étaient « en compétition » sur le lieux. Et que ce soit la russe ou l’américaine, elles ont figé à jamais ces symboles. Ce ne fut pas le cas à Rastatt.

Rastatt est une ville allemande sous juridiction française. Dans un château inoccupé, on a mis en place un tribunal solide et l’on s’est attelé à juger les chevilles ouvrières de l’horreur et des responsables de camp. C’est une région limitrophe de l’Alsace.

Le procureur français Joseph Granier a été chargé de mettre en cause des personnages plus humbles. Il n’y pas de compétition victimaire-tortionnaire. C’est un procès en bonne et due forme. Des crimes ont été commis, il faut donc juger.

Certains ont laissé libre cours à leur perversité sur le terrain. Les responsabilités indiscutables tout en haut de la pyramide, ne doivent pas effacer le fait que c’est bien à la base qu’on exécute. Ce sont eux qui ont assassiné de leurs mains.

Et parfois pour des motifs dérisoires. Au Struthof il est avéré que des gardiens poussaient volontairement des prisonniers dans un ravin interdit, pour qu’ils soient abattus et que les tortionnaires empochent ainsi des primes. Mais il y avait aussi de vrais sadiques que la souffrance réjouissait.

Et bien entendu on a cherché à effacer toutes traces. Pas facile de retrouver les preuves avec bien moins de moyens que ceux dévolus au procès grand frère.

Et pourtant, dans l’urgence l’équipe française a fait des miracles.

Il y a une certaine mise en scène de cinéma de tout cela, en particulier cette volonté d’humanisation du propos, avec cet échange privé entre l’accusateur et la jeune avocate « pas encore diplômée » Helga Kloninge, commise d’office. Mais c’est un procédé qui nous aide à mieux comprendre les enjeux, avec en particulier la problématique juridique bien réelle de la rétroactivité ou non des nouvelles lois jugeant des crimes de guerre, de crimes contre la paix, de crimes contre l’humanité, la question de la faute collective, le pardon aux tortionnaires transformés en résistants de la dernière heure…

Mais ce qui est le plus intéressant pour nous les Alsaciens, c’est que ce film enrichit notre vision du monde concentrationnaire local. Le rôle du Struthof et de Schirmeck sont bien clarifiés. Et c’est encore plus vrai pour ceux qui comme moi ont eu un grand parent rebelle qui s’est retrouvé enfermé dans ces sinistres geôles là.

Vers la fin de la guerre, ces structures ont déversé les prisonniers restants dans tout un réseau de travail forcé ignoble de l’autre côté de la frontière. On apprend ainsi l’existence d’une usine souterraine dans des galeries totalement insalubres pas loin de là. Ce Vulkan est une sorte de Dora avec des taux de mortalité par le travail toute aussi terrible.

Les très convoitées Mercedes-Benz peuvent rouler tranquilles. On a oublié que les dirigeants de la firme ont profité de l’esclavage à mort. C’était juste à côté d’ici, au pied de cette belle Forêt Noire.

http://www.veroniquechemla.info/2021/04/les-proces-de-rastatt-des-criminels-de.html

https://fr.wikipedia.org/wiki/Proc%C3%A8s_de_Rastatt

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