Il est juste de dire que c’est un film « soviétique ».
Nous sommes quatre ans après la mort du plus grand tyran qu’ait connu la grande Russie.
Et donc on sent poindre une très discrète critique des contraintes staliniennes, dans lesquelles sont encore engluées le peuple. C’est par exemple, l’interruption d’un discours politique trop préfabriqué, alors qu’on est en privé. Ou un signe de croix rapidement exécuté par une babishka.
Mais les dogmes fondamentaux restent étonnamment les mêmes.
L’individualisme, c’est le diable. On doit pourchasser les petites prétentions bourgeoises. Seul l’effort collectif, peut résoudre les problèmes. La poursuite des intérêts de chacun, n’est absolument pas la bonne façon de favoriser les intérêts de tous. Même avec les garde-fous que l’on a érigé dans l’occident libéral.
On connaît le marasme économique et sociétal où on conduit les vieilles lunes marxistes. C’était bien entendu déjà le cas dans les années 50 en URSS, mais on se garde bien de le montrer ici.
Il flotte une irréaliste ambiance de confort. L’appartement des parents de l’héroïne est curieusement grand, de bonne facture et quasi inhabité. En dehors de ces petits conflits entre devoir et destin personnel, tout le monde a l’air à l’aise dans ce paradis communiste, supposé de grande générosité.. surtout dans les intentions et les promesses de lendemains qui chantent.
Et donc, comme cela se passe pendant la dernière guerre, on conspue les planqués et on honore ceux qui s’engagent courageusement.
Ici le méchant de circonstance, c’est un jeune profiteur qui suborne la promise d’un engagé volontaire, qui est lui parti au front. Laquelle va continuer à espérer le retour de son premier choix. De plus notre mauvais communiste triche pour échapper à l’appel militaire. Il a tout faux et on le montre bien.
Et quand la belle se fera une raison, lors du retour des combattants épargnés, une fois la guerre gagnée, elle pleurera d’abord sur son sort de quasi veuve. Mais un sursaut civique obligé lui fera partager la liesse générale de ces vainqueurs du fascisme, fleurs à la main. Le collectif l’emporte donc. CQFD.
Ce propagandisme est bien sommaire. On sent très nettement le contrôle d’un comité de censure idéologique. Qu’est ce qui a bien pu passer dans la tête du jury de Cannes, pour lui donner la Palme d’or ?
A cette époque le PCF faisait encore des contorsions pour ne pas perdre la face. Et l’on sait le poids que ce parti a eu sur les arts, dont le cinéma. Thorez finit par accepter très mollement l’idée d’une déstalinisation, mais qu’à partir 1961, bien après ce film. Difficile d’abandonner une monomanie si efficace. L’Église a eu les mêmes difficultés pour renoncer au géocentrisme, face à la thèse héliocentriste grandissante.
Certains se complaisent encore dans l’idée d’une URSS qui aurait sauvé le monde lors de cette guerre et à qui donc on pourrait tout pardonner. On ne peut pas contester l’immense sacrifice humain de ce grand peuple. Mais il ne faut pas oublier le pacte germano-soviétique, l’Holodomor (grande famine ukrainienne, avec plusieurs millions de victimes, dans laquelle les choix de Staline ont eu un grand rôle) et bien d’autres choses…
Un 5/10 de repêchage, juste pour les belles images, les angles audacieux quoique répétitifs, et les portraits dignes de la grande époque du muet. A tempérer cependant du fait que ce lyrisme de la caméra finit par tourner en rond.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Quand_passent_les_cigognes
https://www.cairn.info/revue-bulletin-de-l-institut-pierre-renouvin1-2007-2-page-151.htm
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