Rembrandt. Série Grands maîtres de la peinture. Instant décisif. Peintre photographe. 8/10

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Les grands maîtres de la peinture est une série documentaire de qualité, qui porte sur des peintres renommés et qui passe en ce moment sur Museum TV.

L’épisode Rembrandt qui va de sa jeunesse féconde à sa mort, est particulièrement intéressant, même pour ceux qui veulent dissocier la vie de l’artiste et son œuvre.

La chronologie déterministe, n’est pas destinée à nous faire larmoyer sur son sort. Même s’il faut convenir que des moments particulièrement tristes ont du jouer. Elle sert plutôt à nous montrer les secousses successives qui lui font franchir tant de belles étapes picturales.

Comme tous les grands, il procède par franchissement de seuils. Et comme pour Picasso, les femmes qui l’accompagnent, jouent un rôle dans son évolution. Et il les remercie en les couchant dans sa peinture.

Il est né en 1606 et ne démarre vraiment son art qu’à partir de 1624. Pour les détails allez voir sa biographie. Elle est bien connue maintenant.

En 1632, il renouvelle le genre composition de groupe, avec la très « vivante » Leçon d’anatomie du docteur Tulp.

La Ronde de nuit de 1642 comporte une énigme non résolue. Que vient faire cette petite fille à tête de grande, au second centre du tableau ? Cette fille qui envoie de la lumière serait Saskia, sa femme. Mais pourquoi là et ainsi ?

Bethsabée au bain tenant la lettre de David date de 1654. Là encore c’est sa femme du moment, la concubine cachée Hendrickje Stoffels, qui est le modèle. La pose dubitative est savante mais sans la moindre once de maniérisme. Du grand art à nouveau.

La Femme se baignant dans une rivière de 1654, montre une Hendrickje au naturel, dans une pose de la vie courante, avec une simplicité déconcertante, qui cache un art d’une extrême sophistication.

On remarque son Bœuf écorché, assez loin dans son parcours, en 1655. Ce n’est pas une vision que l’on doit rapprocher du Crucifié qu’il a peint à plusieurs reprises, comme le prétend le documentaire.

Certes au travers de cette énigmatique carcasse, on se rapproche d’une certaine vision de l’humain. Humain, mais pas une entité volatile, de type Jésus avec ses allers retours au ciel.

Ce travail est une révolution dans le rendu des matières, avec ce que cela soulève d’interrogations métaphysiques quasi insolubles. On pourrait appeler cela le mystère des chairs mortes.

La puissance envoyée n’a d’égal, que la Figure with Meat de 1954 de Francis Bacon. Un travail indissociable de ce que seront les triptyques, sur son amant suicidé George Dyer. La boucle est bouclée.

Le Syndic de la guilde des drapiers de 1662 semble à la fois simple et naturel. Pourtant il est façonné à la manière d’un instant volé. Dérangés par nous, pendant leurs travaux, les drapiers esquissent un mouvement vers nous.

Le dernier Rembrandt est le plus remarquable, alors qu’il a à se débattre avec des dettes insurmontables, l’absence de commandes, les procès, les deuils familiaux…

Tout le monde connaît La Fiancée juive de 1667, qui retrace un moment mythologique entre les très bibliques Isaac et Rébecca. Ce tableau qui a ébloui Vincent Van Gogh a pas mal de choses à nous donner.

Le Retour du fils prodigue est de 1668. Cette forte œuvre symboliste mêle vie personnelle et situation archétypale intemporelle. Il va vraiment très loin. C’est un tableau comme cela qu’il me faut. A votre bon cœur…

On atteint là des sommets, avec des tableaux très singuliers, voire franchement anachroniques, dans la mesure où ils paraissent impressionnistes, des centaines d’années avant la naissance de ce mouvement.

« L’instant décisif » est un terme qu’on attribue davantage au photographe Cartier-Bresson. Pourtant chez Rembrandt, il y a de ça et plus encore. Le peintre travaille sans flash, mais au millième de seconde. Aucun flou de mouvement dans ses instantanés. Comme Doisneau, il ne répugne pas à la mise en scène.

***

Gros bémol dans ce docu : mais qu’avaient-ils besoin de composer ce faux autoportrait du maître, tout au long du documentaire ? C’est triste à mourir, cette grotesque imitation ! Comment ose-t-on mettre de l’insignifiant face à tant de signifiant ?

https://fr.wikipedia.org/wiki/Francis_Bacon_(peintre)

https://fr.wikipedia.org/wiki/Rembrandt

https://fr.wikipedia.org/wiki/Henri_Cartier-Bresson

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