Rio lobo. Avis. John Wayne – Résumé (1970) 7/10

Temps de lecture : 4 minutes

John Wayne, l’idole de la droite américaine bien pensante, est avant tout un beauf à l’esprit très limité. Pas parce qu’il est de droite, mais parce qu’il est précisément John Wayne. Ce qui ne l’a pas empêché de faire quelques bons films.

Si on veut lui chercher une paternité, il faut s’imaginer qu’il résulte du croisement étonnant entre un Donald Trump et un Johnny Hallyday, ou tout autre mélange bizarre. Chacun projette comme il peut.

  • De Trump, il a ce côté étroitement paranoïaque et qui ne supporte aucune contrariété. Comme lui, il est accroché à deux ou trois convictions aussi naïves qu’inébranlables. Il n’a pas besoin d’autres repères. Tout sera construit à partir de là. Dehors la pensée complexe et les arguments rationnels, vive l’entêtement imbécile !
  • Le ressort premier est bien entendu tout entier contenu dans la croyance au Triomphe de la volonté (Triumph des Willens – 1934). Ce qui peut aller jusqu’à l’obstination débile. Ce tu peux si tu veux, quand il est poussé jusqu’à l’absurde, est une valeur commune à la démagogie nazie et à bon nombre d’américains convaincus. En tout cas c’est ce qui transparaît dans leurs blockbusters. Mais il n’y a pas qu’eux, loin s’en faut. C’est un axiome largement partagé à travers le monde, surtout chez ceux qui sont gouvernés par les idéologies.
  • Il en est non seulement un pratiquant de l’insistance absurde, mais plus encore un ardent prosélyte. Dans tous les rôles qu’il a choisi, il en fera l’apologie. Et bien entendu dans les films, comme tout finit par s’arranger dans le happy-end, c’est bien la « preuve » que cet acharnement jusqu’au-boutiste fonctionne.
  • Le héros est manifestement récompensé, et de sa bravoure insensée, et de sa violence revancharde, et d’avoir su se dispenser des règles, et d’avoir fait parler les armes à feu. Le petit peuple, qui prend le cinéma pour la réalité, adore ce schéma transgressif qui donne raison aux ânes. Cela lui permet d’enjamber d’un coup toutes les rébarbatives élites et leurs incompréhensibles (pour les quadrupèdes) mises en garde.
  • Mais c’est avant tout une superstition commode. Et c’est pourquoi elle s’accorde si bien avec la vraie bigoterie.
  • N’ayant pas trop de capacités d’initiative, cette catégorie se fie aveuglément à la foi pour être guidé.
  • John a bien entendu tout l’attirail moraliste du croyant borné et n’hésite pas à s’en servir publiquement.
  • Cette foi se décline dans des convictions religieuses clairement affichées, mais pas seulement.
  • Il pratique aussi l’idolâtrie des symboles nationaux. L’Amérique est la nation élue. A partir de là, il foncera sans réfléchir. Il occupera un poste important dans la chasse aux sorcières du maccarthysme et poussera ses semblables à dénoncer les supposés communistes. Il sera salement compromis dans l’éviction de confrères.
  • Il est très clairement et très ouvertement raciste et suprémaciste. Cela en est presque désarmant (cf interview Playboy) (*)
  • Il ne s’est pas engagé lors de la dernière guerre contrairement à d’autres célébrités. Les autres n’étant plus là, il a pu facilement prendre leur place à l’écran.
  • Ce qui ne l’empêche pas de se présenter droit comme un i devant le drapeau et de vouer une fascination indéfectible à l’armée. Il aime les soldats. A se demander si notre archétype du macho américain n’est pas un homo refoulé. Bon, là je provoque. C’est pour rire.

De Johnny Hallyday, il a le côté cowboy martien. Comme lui, il est passablement limité quand il sort de son petit territoire de compétence.

  • Ce fut pendant longtemps un acteur très mauvais. Mais grâce à son patient mentor John Ford, ce grand nigaud a fini par acquérir toutes les nuances d’un emblématique John Wayne. L’homme a ressemblé de plus en plus au rôle qu’on lui donnait. Il a progressé tout en conservant ce côté hors sol du taiseux. C’est bien qu’on lui ai conseillé de la fermer le plus possible, dans la vie comme dans les films. Ce qu’on a pu prendre à tort pour de la sagesse voire d’intenses méditations.

Ainsi cet usurpateur fabriqué par Hollywood, a pu devenir une icône éminemment paternelle. Un autre petit père du peuple.

  • D’abord, de part sa carrure et ses coups de poings, il protège le troupeau de ses fidèles, sa tribu, et in fine sa famille.
  • Ensuite il tient sa parole. Ce qui est considérable, car ainsi il devient le point fixe autour duquel tout s’articule. Il est garant d’un système moral. Ce qui fait qu’il a le droit de punir ou bien de récompenser.
  • Et quoiqu’il arrive, il réconforte ses proches. Même le petit gars bousculé au bureau, peut se croire sous son aile. Ce faisant, le frustré inoffensif tient là une de ses seules possibilités de consolation.
  • Et comme pour un père classique, il s’agit de données implicites. Il ne dit finalement pas grand-chose et se contente de donner l’exemple.

Et si on parlait du film maintenant ?

  • C’est du grand spectacle bien crédible, très réaliste et astucieusement construit. La prise de vue est belle et efficace. Le montage est soigné. Les dialogues sont étudiés.
  • La première partie introduit les personnages. Des Sudistes, pour le profit de leur cause, volent intelligemment l’or d’un train militaire nordiste. John Wayne campe ce colonel tunique bleu qui a été floué. Il va ruser pour tenter de récupérer cet or. A cette occasion il finira par se lier à deux des Sudistes astucieux qui ont aidé au détournement du trésor. Finalement, on peut dire qu’ils ont réussi leur coup à la loyale, et ils ne se sont pas enrichis personnellement. Et puis c’était un acte de guerre. Wayne le respecte en tant que tel. Et là justement le conflit se termine, et donc on passe l’éponge.
  • Ces trois hommes malicieux se rapprocheront et ils se lanceront ensemble dans une aventure impressionnante. Ils vont se charger de nettoyer la petite bourgade de Rio Lobo, des bandits qui ont mis la main sur elle. Surtout qu’une magnifique jeune femme a été spoliée dans cette affaire.
  • Que cette Jennifer O’Neill de 22 ans est craquante ! On a vibré pour elle dans le très beau film Un été 42 (un an plus tard en 1971). Elle correspond exactement aux canons de la beauté de ces années 70.
  • Et dire qu’elle a 72 ans au jour où j’écris cela, alors que je la croyais pouvoir rester éternellement jeune (comme moi?). La vie est bien cruelle.
  • Ce n’est pas la seule jolie donzelle de la cité. Et toutes seront affreusement maltraitées. Un John Wayne ne peut pas laisser passer cela.
  • Je passe les détails. Bien entendu le bien finira par triompher une fois encore. John le nettoyeur fera le job, comme de bien entendu.
  • C’est donc du classique, mais bien fait. On sent le métier. Pas de quoi crier au génie tout de même. Ce film de deux heures est un peu long. Il succède comme il peut, au très célèbre Rio Bravo de 1959.

(*) https://pages.shanti.virginia.edu/Wild_Wild_Cold_War/files/2011/11/John_Wayne_Playboy_Int2.pdf

Interview Play Boy

«  I believe in white supremacy until the blacks are educated to a point of responsibility » et sur les Indiens d’Amérique : « Our so-called stealing of this country from them was just a matter of survival. There were great numbers of people who needed new land, and the Indians were selfishly trying to keep it for themselves. »

https://fr.wikipedia.org/wiki/Rio_Lobo

John Wayne
Jorge Rivero
Jennifer O’Neill
Jack Elam

Envoi
User Review
0 (0 votes)

Laisser un commentaire