La Tondue de Chartres, documentaire de Patrick Cabouat.
Paul Éluard est forcément un homme sensible, puisque c’est un poète. Le grand public le connaît surtout pour son percutant : Liberté j’écris ton nom.
On l’apprécie pour son appartenance au Surréalisme et à Dada, mais on est bien moins emballé d’apprendre, qu’il s’est fait embringuer par les communistes, à cette époque stalinienne. Le piège était de croire que seul ce bord politique était désormais pour « la paix » – Cf ces participations aux « Congrès mondial des partisans de la paix ». Toujours ce piège du monopole des bons sentiments… qui pavent l’enfer.
Comme quoi tout le monde peut se tromper… à ceci près que les personnages de premier plan sont des exemples et donc qu’en cas d’erreur ils sont encore plus coupable que les autres.
- Cf le jugement définitif de De Gaulle sur Brasillach « « Dans les lettres, comme en tout, le talent est un titre de responsabilité. », ce qui mènera l’écrivain Brasillach à la pendaison. Avec nos communistes et sympathisants, on n’a pas été jusque là, malgré les millions de morts politiques de cet affreux régime des bolcheviques. Passions coupables.
Mais je ne parle pas ici de Paul Éluard pour cela, mais pour la compassion qu’il exprime dans un poème sur les « tondues » ces « victimes raisonnables » qui n’auraient rien compris.
Comme l’explique bien le documentaire, la photo de Capa, « La Tondue de Chartres », est polysémique.
- Soit c’est la femme qui a couché avec l’ennemi, trompant ainsi « toute la Nation » et qui est justement montrée du doigt, au moyen de cette calvitie infamante passagère,
- Soit c’est la pauvre victime moins coupable que les autres mais qui permet au grand nombre de se dédouaner de sa passivité pendant la guerre voire de sa franche collaboration.
- Soit il s’agit d’une mater dolorosa protégeant son petit,
- Soit au contraire c’est un petit qu’elle instrumentalise pour être sauvée.
Pour les gens faciles à s’émouvoir, tout cela est du pain bénit.
Mais derrière cette image aux multiples significations, se « cache » Simone Touseau, une femme lourdement compromise. Pas juste pour avoir cocufier la France entière par son allégeance corporelle à l’ennemi, mais parce qu’elle et sa mère ont dénoncé des voisins qui écoutaient les radio libres et qui se sont retrouvés à Mauthausen. Ils ne sont pas tous revenus. Il est avéré qu’elle fut une sympathisante fasciste notoire ; déjà avant la guerre ! Et une collaborationniste forcenée pendant. Elle prend sa carte au Parti populaire français du tristement célèbre Jacques Doriot.
Mais il y a eu une vraie histoire d’amour avec Erich Göz ; et une naissance à la clef.
Il faut donc se méfier des émotions et des jugements hâtifs. De Gaulle l’avait compris et à rapidement fait cesser ces « tribunaux populaires » informels.
Pour la poésie c’est un peu comme pour ces images cultes. On peut les prendre très différemment en fonction de la petite et de la grande histoire. Ce Liberté (poème d’Eluard) de 1942, mérite un immense coup de chapeau. Mais cette ode à une révolte libertaire aurait été d’une cruelle ironie, si cela avait été écrit en 1950, comme pour ce Poème à Staline.
***
En ce temps là, pour ne pas châtier les coupables, on maltraitait des filles.
On allait même jusqu’à les tondre.
Comprenne qui voudra
Moi mon remords ce fut
La malheureuse qui resta
Sur le pavé
La victime raisonnable
À la robe déchirée
Au regard d’enfant perdue
Découronnée défigurée
Celle qui ressemble aux morts
Qui sont morts pour être aimés
Une fille faite pour un bouquet
Et couverte
Du noir crachat des ténèbres
Une fille galante
Comme une aurore de premier mai
La plus aimable bête
Souillée et qui n’a pas compris
Qu’elle est souillée
Une bête prise au piège
Des amateurs de beauté
https://fr.wikipedia.org/wiki/Paul_%C3%89luard

https://fr.wikipedia.org/wiki/Libert%C3%A9_(po%C3%A8me)
