Spinning man (2018) 8/10 Brosnan Pearce

Temps de lecture : 3 minutes

Voilà un film policier de très bonne tenue.

Une jeune étudiante a disparu dans des circonstances inquiétantes. On découvrira plus tard qu’elle est morte noyée.

Le coupable idéal est un professeur de philosophie excellemment joué par Guy Pearce.

Tout l’accable. Il a eu une histoire pas claire avec une de ses élèves jadis, ce qui a forcé le couple à déménager. Bien qu’il lutte contre, il est toujours obsédé par les jeunes filles en fleur.

Le puissant faisceau d’indices qui l’accuse se révèle parfaitement convergent. De plus, il est établi qu’il ment à plusieurs reprises.

Ces éléments nous sont livrés au fur et à mesure et cela nous tient en haleine jusqu’au bout.

Ce n’est pas juste un teasing scénaristique classique. Lequel se révèle souvent artificiel dans d’autres longs métrages.

Non, ici c’est un procédé différent. Le suspense persiste parce que le suspect retient pas mal d’informations. Il a sans doute quelque chose sur la conscience. Il tente donc de déjouer les pièges tendus par l’inspecteur.

Le policier, parfaitement joué par Pierce Brosnan, est redoutable, car il procède très méthodiquement et très calmement. D’où la métaphore de la souricière (*). On est loin des interrogatoires musclés auxquels on assiste habituellement.

Et bien entendu nous gardons en tête, que le prof paraît tellement coupable qu’il se pourrait bien qu’il soit en fait innocent. En tout cas selon les canons classiques du cinéma agathachristique.

Mais pourrait-il avoir simplement été capable de tuer cette jeune fille ? C’est la clef de l’histoire.

C’est un labyrinthe élaboré, mais où l’on ne se perd jamais.

Tout au long de cette puissante intrigue, les ingrédients sont savamment dosés. C’est fin, progressif et toujours sur le fil du rasoir. Le découpage est parfait. La tension est grandissante. Même la femme du prof, pourtant compréhensive et dévouée, finit par être tentée de le lâcher. Un personnage très bien joué par Minnie Driver. Là encore le choix possible entre l’épouse et l’aventure n’est pas manichéen.

Sa petite fille est rongée de doutes également.

Et nous autres spectateurs sommes partagés.


Ce film je l’avais déjà vu il y a longtemps. Et pourtant il ne me restait qu’un très vague souvenir du dénouement. Ce qui fait que je l’ai revu avec autant d’intérêt que la première fois. Preuve que le suspense n’est pas tant dans l’action, mais dans le décryptage psychologique et sociologique.

Et ce récit se paye même le luxe de nous livrer de la bonne philosophie, autant théorique qu’appliquée. Comme cette incise sur paradoxe et limites du langage (Zénon ici). Ou ce défi de prouver qu’une chaise bien réelle « existe ». Avec la réponse subtile de Pierce : une chaise, quelle chaise ? Et plus encore ces questionnements sur les interférences entre la vie et l’œuvre, l’intention et le fait, ce qui ramène au sujet.

Et c’est bien plus juste que ces caricatures qu’on nous propose habituellement.

Il y a pas mal de cogitations derrière de cette œuvre réussie. On peut féliciter Simon Kaijser, ce réalisateur suédois, qui apporte la subtilité européenne à ce film américain.

  • (*) Il y a une vilaine souris à la maison. La souricière est achetée par le prof. Il choisit d’abord un modèle non létal pour laisser sa chance à l’animal. Puis, vu le peu d’efficacité, oblique pour le modèle cruel.
  • On peut y voir une double métaphore. On pourrait penser qu’il s’agit bien sûr de son propre destin, lui qui est pourchassé par la police. Laquelle en effet démarre par la méthode douce.
  • Mais en réalité, et ce sont dernières images qui le montrent, la souricière est l’instrument castrateur qui va le contraindre à se soumettre à la monotonie du couple, à rentrer dans le rang. Fini les désirs coupables pour le blé en herbe. Il n’aura plus comme possibilité que de faire tourner éternellement cette roue, enfermé dans cette cage matrimoniale.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Spinning_Man

Pierce Brosnan
Guy Pearce
Minnie Driver

Envoi
User Review
0 (0 votes)

Laisser un commentaire