– Ralph Fiennes faux polyvalent – l’impossibilité d’une médaille à 3 faces.
Il est toujours acrobatique d’utiliser le même acteur ou la même actrice, pour jouer le père et le fils ou la mère et la fille. Déjà les rôles ne peuvent se cantonner que dans la même tranche d’âge, ce qui limite singulièrement l’exercice. Ensuite la prestation engendre la confusion. Surtout s’il y a des flash-back. Enfin cela fait « économique », comme si on avait voulu diminuer les dépenses occasionnées par une multiplicité d’interprètes.
Il n’y a guère que les critiques blasés qui y trouvent leur compte. Certains crient même au génie, surtout si le Fregoli multi-carte est connu et qu’il sait si bien occuper tout le terrain.
Personne ne s’exclame « Ah, comme le fils ressemble au père ! ». Ce qui pourrait dédouaner un peu les responsables de ce micmac.
Nous les quidams, nous préférons que le jeu soit clairement diversifié et identifiable. Comme dans la vraie vie d’ailleurs. On n’en a que faire des numéros d’acteurs.
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Ce qui précède évalue le risque d’avoir deux personnages en une seule personne. Ce qui est encore supportable, le plus souvent. Mais dans ce film Sunshine de 1999, le brillant Ralph Fiennes fait trois hommes d’une même famille, sur des générations différentes.
- Trois fois juif à l’écran, mais plutôt trois fois catholique, de part ses racines familiales. Et sans doute athée, au fond de lui-même.
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Ce qui complique tout, c’est que les concepteurs rajoutent d’autres membres de la même filiation étudiée, avec des artistes cette fois différents.
On a donc du Fiennes à trois étages de la saga, soit en Sonnenschein, soit en Sors.
Mais on doit aussi tabler sur du David de Keyser + Ádám László (le même en plus jeune), du John Neville, du Mark Strong, du Balázs Hantos et un frangin James Frain. Il faut aussi faire avec les mêmes personnages de la famille, mais à des âges différents, donc des acteurs supplémentaires. On rajoute donc Bálint Trunkó, János Nemes… Et pour compliquer le tout Fiennes se marie avec une cousine qui est sa « sœur ».
Pour le public non averti, ces gribouillages de casting deviennent rapidement aussi illisibles que de l’hébreu. Bon, j’exagère un peu. Le récit étant chronologiquement linéaire, on est juste dérangé, pas perdu totalement.
Les protagonistes femmes ont un problème analogue. Jennifer Ehle et Rosemary Harris sont la même personne. Mari Törőcsik et Katja Studt forment un biface également.
La massive Miriam Margolyes est elle bien identifiable.
– Saga juive comprimée.
Ce long-métrage constitue manifestement une saga à épisodes. Sa forme est identique à bien d’autres. Ici, pour des raisons budgétaires, on l’a contracté en 3 heures.
L’idée est de raconter le sort complexe d’une famille juive hongroise, du Monde d’hier façon Stefan Zweig jusqu’à la chute du mur.
Avec en exergue, des choix douloureux :
- l’assimilation et ou la conservation de son identité ancestrale,
- les puissantes racines qui s’opposent aux fragiles ailes de la liberté,
- l’intégrité absolue et le compromis peu glorieux,
- l’ivresse des sens et les interdits du devoir, en matière de couple,
- le dilemme entre passivité et combativité, alors que se déroulent les évènements les plus graves.
– Réussites en famille.
Grâce à une recette familiale pour un breuvage très apprécié, les aïeux ont réussi à prospérer dans ce milieu hongrois qui leur était hostile. Ce point là emprunte à une réalité, la liqueur Unicum de la famille juive catholicisée, les Zwack.
Ils se sont laïcisés et ont opté pour l’assimilation pure et dure. Au point, en effet pour certains, de se convertir au christianisme et de trouver un nom aryen. Ils l’ont fait quand ils ont jugé que c’était nécessaire. Ils se sont rapprochés le plus possible du pouvoir, mais en refusant obstinément les rôles clefs qu’on pouvait leur proposer.
Le côté médaille d’or d’escrime aux jeux olympiques d’Hitler, donne une autre vérité, au point qu’on est tenté de vérifier si c’est une histoire vraie. Et en effet il y a un Endre Kabos (HUN) en haut du podium, en sabre individuel et en sabre par équipe. Donc en mélangeant plusieurs sorts, la réalisation donne dans un syncrétisme fait de bric et de broc. Et du coup c’est l’histoire vraie de personne.
La présence soviétique de William Hurt en policier politique Andor Knorr est également inspirée de faits réels. Le passage de coupable bourreau à innocente victime est d’ailleurs assez classique dans ces années là. On parle de purges et certaines étaient facilitées par l’antisémitisme.
– Compromis.
Revenons à la sainte famille. Leur allégeance au pouvoir est forte. Et ils pensent qu’elle pouvait les protéger.
Mais quand le nazisme a conquis les esprits, ils n’ont pas été assez vigilants. Ils ne se sont pas enfuis à temps. Par la suite, un des Sonnenschein/Sors s’est même compromis dans le broyage stalinien d’après-guerre. Avec quand même un sursaut lors de la « révolution » de 1956. En 1989, le rideau se déchire, et le dernier Sors de cette histoire, boucle la boucle en reprenant son nom juif Sonnenschein. Il décide de nous narrer cette aventure familiale. La fin nous ramène donc au début.
Les mâles Sonnenschein/Sors semblent avoir une autre malédiction, ils aiment les femmes et leur plaisent beaucoup. Jennifer Ehle/Rosemary Harris, Rachel Weisz, Deborah Kara Unger vont participer à cette grande kermesse là. Rachel sera la plus incisive, n’hésitant pas à braver les interdits familiaux.
– Dilutions.
Il y a un côté édulcoré, malgré les épisodes tragiques, comme-ci ce film conclusif devait donner une leçon palatable. C’est d’ailleurs servi par des propos sentencieux et des aphorismes de la religion du livre, et qui sont censés nous éclairer.
Bien sûr, on ne peut qu’être indigné de toutes ces facettes de l’antisémitisme qui se prolongent sur plusieurs époques.
On compatit, mais on reste sur sa faim, en raison de la simplification de cette « démonstration ». D’ailleurs, une majeure partie des Hongrois n’a pas du tout apprécié et elle s’est fait entendre.
Le film est tourné en Hongrie. Les immeubles et les intérieurs sont donc authentiques. Ce qui est une bonne chose.
István Szabó serait une pointure. Il a été oscarisé pour Mephisto. D’où parle-t-il ? Certains le disent compromis avec le régime communiste dans la Hongrie vassale de l’URSS. Ce qui lui donne un surplomb (hum).









https://fr.wikipedia.org/wiki/Le_Monde_d%27hier._Souvenirs_d%27un_Europ%C3%A9en
https://fr.wikipedia.org/wiki/Istv%C3%A1n_Szab%C3%B3
https://fr.wikipedia.org/wiki/Sunshine_(film,_1999)
https://en.wikipedia.org/wiki/Sunshine_(1999_film)
