Take This Waltz – Film Avis. Sarah Polley – Michelle Williams – Résumé (2011) 8/10

Un récit sentimental que je trouve délicieusement naïf, mais puissant. Il se révèle aussi, joliment réalisé. C’est une délicate balade sur la carte du Tendre, qui a la force des classiques.

Un jeune couple fusionnel vit délicieusement sa vie. Ils partagent sans contrainte un douillet cocon amoureux. Les deux roucoulent en permanence dans leur joli nid. Ils passent leur temps à s’échanger des messages amoureux. Ils sont sincères. Ils ont développé un rituel, faits des « je t’aime » habituels mais aussi de faux messages assassins, du genre « je vais t’arracher les yeux avec une petite cuillère ». Des propos inversés, pour éviter le gnangnan du direct. Ils sont sur un nuage bien à eux. Et tout est parfait comme cela.

Mais la jeune femme mariée rencontre un beau jeune homme, à l’occasion d’un voyage culturel. Ils se retrouvent l’un à côté de l’autre dans l’avion au retour. Et finalement il s’avère qu’ils sont aussi voisins dans leur ville.

  • Le hasard fait bien les choses. On peut difficilement contraindre davantage les situations pour les faire rentrer dans les cases. Mais ce n’est pas grave. Ici tout n’est qu’illusion poétique.

Rien ne se passe vraiment, ils se découvrent juste. En particulier ce monsieur se rend compte que cette femme a des failles. Cela l’émeut. Elle n’est pas insensible non plus à ses charmes.

De retour, ils sont de plus en plus grisés par leur forte attirance réciproque. Ils sont conscients des risques, mais ils ont du mal à résister. L’héroïne est cet obscur objet du désir a priori insaisissable. Mais la citadelle est fragile. Il n’y a aucune ruse en elle. Simplement, elle est partagée entre les promesses d’un bonheur inégalé, son devoir d’épouse et le soucis de ne pas rater une marche. Tantôt elle hésite et fuit, tantôt elle se rapproche et semble alors sur le point de succomber.

  • C’est ce qui agace et émoustille tant les chasseurs cueilleurs que nous sommes.

Le soupirant fait bien les choses. Il canalise habilement ce fleuve impétueux. Il est doux et tenace. Il avance le plus loin qu’il peut. Parfois il s’avance un peu trop, alors il recule juste ce qu’il faut. On connaît l’importance des mots et des gestes, avec de possibles incompréhensions.

Le bonheur se cache dans les détails. Les interactions dans ce trio amoureux, sont faites de toutes petites choses. Ce sont des touches très fines qui finissent par infléchir l’histoire dans une direction ou dans une autre, avec cependant une profonde indétermination. Ce qui rend le récit captivant et vibrant. Pas que les hésitations donnent une sorte de suspense. Ce n’est pas important ici de savoir qui va l’emporter. Non, ce qui compte c’est le chemin amoureux, qui est tout aussi pertinent d’un côté comme de l’autre.

Nos héros sont pris par cette poésie en marche, faite autant de contrôle que de laisser faire, et nous aussi nous y croyons. Et là dans ce triangle, deux côtés sont équivalents. Deux poétiques d’égale valeur. Il faudra pourtant choisir entre l’amant et le mari. Ce sera l’amant.

La chanson Take this Walz de Léonard Cohen adoucit leur incroyable apothéose sexuelle protéiforme.

Dans ce film, les hommes sont extrêmement tendres, patients, soumis et profondément monogames.

C’est la femme qui punit. On assiste donc à une scène de coups de fouet symboliques.

Et le galant n’est ici qu’un humble néo-conducteur de pousse-pousse. Ce n’est donc pas le prédateur de Tex Avery conventionnel avec son bolide au capot interminable. Il est d’ailleurs traité métaphoriquement par la belle de «tata ».

On comprend facilement que la réalisatrice projette une vision très féminine et idéalisée sur ses personnages masculins. Les hommes tels qu’elle voudrait qu’ils soient et en aucun cas tels qu’ils sont (le plus souvent).

Il y a une morale simple dans cette histoire classique. Le bonheur de la nouvelle rencontre et de la conquête, est éblouissant, efface toutes nos misères, mais ne dure qu’un temps. De plus ces remaniements sacrifient forcement au moins un des amoureux. Et les réarrangements peuvent faire s’éloigner des amis.

Le récit aurait pu nous laisser au sommet du bonheur, mais on nous a rajouté une demi-heure pour signifier la redescente sur terre et l’arrivée de la routine. Sans moralisme pesant, juste en nous rappelant cette évidence que tout a une fin. Un principe incontournable mais que l’on a tant besoin d’oublier, lorsqu’on est sur le chemin. La vie dont la fin dramatique est certaine, obéit à la même logique. On ne va passer pourtant notre temps à méditer sur la mort.

Et donc l’Amour vaut la peine d’être vécu, quelle qu’en soit l’issue. De toute façon on n’a guère le choix, que de succomber à la tentation. On a été fabriqué comme cela.

Michelle Williams joue parfaitement cette petite chose compliquée qui est au centre de l’histoire.

Le gros nounours Seth Rogen est toujours aussi efficace. Ce sera bien entendu un mari conciliant.

Luke Kirby nous fait un beau ténébreux crédible. Il ne peut être que l’amant.

Sarah Silverman interprète très respectueusement une courageuse alcoolique en rémission.

Et surtout c’est magnifiquement filmé.

La scène de manège qui clôt le film, avec l’éclosion du puissant sourire énigmatique de cette femme emportée dans le tourbillon, n’est pas sans rappeler la grandiose marche finale de Giulietta Masina dans Les nuits de Cabiria, ou le sourire de De Niro dans le dernier plan de Il était une fois l’Amérique. Ceci ne peut être porté que par des voyants.

On perçoit sans difficulté que la réalisatrice et scénariste Sarah Polley aime son sujet et aime ses acteurs. Elle truffe le scénario de savoureuses trouvailles. Les images et les décors sont tous cosy et beaux. Il y a un bonheur perceptible derrière chacun de ces plans. Et cette réalisation construite mais aussi intuitive, osée mais confortable, chaleureuse mais non sans quelques larmes, a des vertus communicatives. Bravo !

https://fr.wikipedia.org/wiki/Take_This_Waltz_(film)

Michelle Williams
Seth Rogen
Sarah Silverman
Luke Kirby

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