TGV (1997) 5.5/10

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Film de Moussa Touré –

C’est le récit d’un voyage problématique en car. Ce vieux machin fait régulièrement le trajet aller-retour Dakar / Conakry. Ce bus tombe souvent en panne. Son propriétaire l’a baptisé TGV car plus vite que ce moyen de transport… tu exploses. C’est l’argument publicitaire inscrit sur le côté. Et le chauffeur se fait un point d’honneur d’arriver à l’heure, quelles que soient les circonstances. Cela ne doit pas être si fréquent que cela, dans ces conditions difficiles, sur ces routes cabossées en terre.

Les films de l’Afrique de l’ouest francophone, ne doivent pas se cantonner dans les clichés faciles.

Ils y parviennent sans difficulté quand on laisse les bons créatifs s’exprimer librement.

Je pense par exemple à Hyènes (Ramatou) (1992) (V.O. wolof sous-titrée) à qui j’ai mis sans hésiter un 8/10. Le cinéma sénégalais est capable de bien tenir la route, comme le montre ce film de caractère de 30 ans et qui n’a pas pris une ride.

Et pourtant notre TGV paraît daté lui, car il n’échappe pas à une certaine routine cinématographique.

– La gouvernance du « vaisseau » est faite exclusivement par le conducteur. Il se fait appeler Rambo et se proclame seul maître à bord. Il se croit libre d’imposer toutes ses conditions, si de besoin. Il n’en abuse pas. Il agit pour le bien commun.

– Le scénario laisse une bonne place à la pensée magique. On sait qu’elle est prégnante sous certaines latitudes, mais quand même.

Il s’agit ici des exploits de deux sorciers voyageurs, en compétition l’un avec l’autre. Comme pour les druides d’Astérix. Un féticheur provoquant opportunément la pluie, ce qui aide quand soi ou le véhicule a besoin d’eau. L’autre montre sa force en bloquant le moteur du bus, par la seule force de la pensée.

Et si le sort qu’ils jettent ne marche pas, ils ont bien entendu recours aux ficelles classiques. Le sacrifice demandé était insuffisant, il faut en rajouter. Ou bien, c’était parce qu’il y a un esprit perturbateur qui a empêché la réalisation.

– Les serviteurs de l’État semblent superficiels et opportunistes, comme pour ce ministre qui se croit fini et qui emprunte en catimini ce moyen d’évasion.

Vu du peuple, ils ne sont là que pour rendre de petits services. Et leur notoriété tient au fait qu’ils passent bien à la télé. C’est un show où ils sont bien habillés, surtout avec ce signe de reconnaissance qu’est la cravate rouge. Un peu léger tout cela, même si on veut le faire façon comédie.

– Le panel féminin est diversifié, mais reflète lui aussi des catégories bien convenues. D’abord bien sûr la bombasse que tous les hommes reluquent. Mais aussi la femme entre deux âges qui se donne à un des passagers, mais cesse la relation dès l’arrivée. Et il ne faut pas oublier la très très jeune future cinquième épouse du vieux gourmand.

– D’autres passagers sont juste des prétextes pour alimenter l’histoire en rebondissements. Un aventurier, petit trafiquant de drogue, en perte de vitesse, qui a des créanciers aux trousses. Et quelques autres.

– Un mention spéciale pour un couple européen de « toubabs » qui est en mission géographique et/ou ethno-anthropologique. Ils s’invitent dans le bus à mi-parcours.

Le personnage incarné par Bernard Giraudeau (qui a coproduit le film), se fera kidnapper avec sa collègue pour des raisons de politiques tribales internes, avec des revendications autonomistes. Ces petits blancs valent plus que le ministre, qu’on laissera tranquille, car ils permettraient que le gouvernement français fasse pression sur les instances officielles sénégalaise. En théorie.

Et comme ils ne se sacrifient pas de gaieté de coeur, les Africains du voyage leur diront leurs quatre vérités anticoloniales.

Les acteurs du cru ne sont pas mauvais, loin de là : Maodo Diagné, Joséphine Zambo, Ismaïla Cisse, Al Hamdou Traore, Oumar Diop Makena, Joséphine M’Boup.

Et puis ce trajet est très instructif pour qui voudrait emprunter le même tentant parcours. Je l’ai zieuté jusqu’au bout dans cet esprit, ce qui m’a permis une suprême indulgence pour le reste.

A vue de nez, avec un bon 4×4, il y a de quoi faire. Et en cela j’ai bien été dans la peau de ces touristes qui une fois revenus chez eux se soucient peu de ce qui se passe là bas. Je plaisante, je veux garder les yeux ouverts, et pour l’instant je ne sais toujours pas ce qui m’attend là bas. Mais promis, j’irai un jour.

https://www.imdb.com/title/tt0127915/

Makena Diop Bernard Giraudeau Philippine Leroy-Beaulieu

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