The crew (2016) 8/10 Nikolaï Lebedev

Temps de lecture : 5 minutes

(Экипаж, Ekipaj)

Quelle bonne surprise, que ce remake du film russe Air crew de 1980 !

On assiste à une leçon de cinéma inespérée. Surtout si l’on considère que les péripéties aériennes ne présentent que peu de possibilités. Il ne s’agit donc là, que de variations sur un thème limité et imposé. L’exercice doit être vu comme tel.

Qu’elles passent vite les 134 minutes de ce très bon film de catastrophe ! Et pourtant généralement, ce genre n’est pas ma tasse de thé (чай)

C’est un long métrage sur l’héroïsme d’un équipage d’avion de ligne bien actuel, qui doit se porter au secours de personnes prises au piège d’une éruption volcanique. Un thème qui pourrait sembler a priori bien classique dans sa forme. Mais qui nous réserve en réalité de nombreuses et agréables surprises.

Bien sûr que les grandes lignes en sont connues et assez incontournables. Il s’agit toujours d’un suspense haletant et croissant, quant au sort des passagers et de l’équipe. Ils ont toute une série d’épreuves à traverser, dans un avion qui va de plus en plus mal…

En toile de fond, il y a la nature humaine, avec ces braves, mais aussi ces moins courageux.

Mais ici le film est moins stressant que d’habitude, malgré toutes les catastrophes et tous les drames.

Ceci, car il ne s’appesantit pas sur les lâchetés, la mort et le sang.

Au contraire, il privilégie la synergie, d’abnégation et l’effort collectif. Le tout avec beaucoup de pudeur et de détermination. C’est bien plus apaisant et bien plus motivant pour le spectateur, que ces climats haineux et violents, que l’on ne connaît que trop. On devrait s’en souvenir plus souvent (*) (**)

On est frappé d’emblée par une prise de vue exceptionnelle. Sa grande beauté ne faiblit pas, des premiers plans aux derniers. Il y a plein de belles trouvailles. C’est un régal pour les yeux ! Rien que cela, justifie le détour.

Le rythme est bon, et l’on ne se rend pas compte à la fin, que l’on vient d’y passer tant de temps.

Les acteurs sont à la hauteur également. Certains sont très beaux, ce qui ne gâche rien. La blonde Lituanienne Agne Grudyte fait des merveilles. Intelligente, active et charmante, elle est considérée comme la plus belle femme de son pays. Pas étonnant que le séduisant Russe Danila Kozlovski en pince pour elle. Quel magnifique couple !

Et ils ont le grand mérite, pour nous occidentaux, d’être des inconnus (***)

La particularité ici, c’est que copilote héros est une sorte d’électron libre. Poussé par sa générosité naturelle, il est tenté de contourner le règlement, au risque de compromettre sa carrière. Mais comme parfois le salut ne peut venir que par la bande, il doit être à même d’entraîner les anciens à faire comme lui, du hors piste. On ne s’attend pas à ce qu’un film russe soit si désobéissant.

  • On ferait bien d’aménager des espaces de liberté dans nos législations, qui permettent ces prises de décision de « bon samaritain ». Au début du COVID-19, on a vu nos administratifs sans latitudes, tétanisés et incapables de résoudre des questions simples. Ils préféraient se mettre la tête dans le sable, que de prendre le risque qu’on leur reproche quelque chose.

Et puis il y ces conflits père-fils, ces disputes dans les couples. Mais cela reste d’une psychologie assez fine. Et de toute façon il n’y a guère de mystère, que tout pourrait s’arranger à la fin, soit dans l’escalier, soit sur l’oreiller.

Les épreuves sont nécessaires en amour. Ce présupposé très chrétien, mais pas seulement, se décline aussi chez les Orthodoxes (tient au fait le 4 septembre, il y a quelques jours, Depardieu s’est fait baptiser selon ce rite)

On échappe également à cette surenchère désespérante des effets spéciaux, dont le nombre et l’intensité visent le plus souvent à brouiller les esprits, pour nous empêcher de nous rendre compte de l’absence d’idées.

Ici, des effets, il y en a pourtant des tonnes, mais c’est mesuré et à propos. Et quand la réalisation peut se limiter à de la vraie casse avec de la vraie pyrotechnie, et bien elle le fait. La 3D est discrète et bien faite.

Le tout donne une bien meilleure impression « technique ». Le décollage limite ou l’atterrissage périlleux, les dégâts sur la piste, deviennent bien plus réalistes. Et vraiment on se prend pratiquement les avions sur la tronche !

Malgré ses avalanches de feu et ces misères incessantes dans le ciel, il se dégage quand même une certaine crédibilité.

Ce qui est assez paradoxal, compte tenu de cette accumulation de problèmes « invraisemblables »… et de solutions plus « acrobatiques » les unes que les autres.

  • On peut sans doute discuter le très faible nombre de victimes chez ces personnes qui sont sous les projecteurs. Nombreux sont ceux qui sont sauvés in extremis, alors que tout les condamne.
  • Être en dehors d’un avion qui file à 350 km/h, n’a pas l’air si terrible que cela. Moi, je n’ouvrirais même pas la fenêtre d’un bolide à cette vitesse !
  1. Même l’enfant qui semble perdu, tellement il est coincé sous les décombres, finira par être extirpé. Le sauvetage d’un enfant dans ces conditions fait toujours du bien. Les équipes de télé savent cela très bien.
  • La « main invisible » est bienveillante. Cette mansuétude est le privilège du scénariste. Nos nerfs peuvent le remercier, même si la logique en souffre.

Il faut dire qu’une certaine douceur et pas mal d’empathie, arrondissent les angles. Et puis cet esprit d’entraide paléo-communiste ou plutôt essenio-chrétien, ça fait du bien à l’âme ! Moi en tout cas, cela me pousse à l’indulgence.

  • Dans un passage fort, un adolescent parcoure les rangées de l’avion, pour compter ceux qui sont d’accord pour venir en aide à un autre avion, dans une manœuvre quasi désespérée. C’est soi ou les autres, en quelque sorte. Et quand les bras se lèvent les uns après les autres, pour faire passer son propre salut après celui des autres, c’est beau comme du Eisenstein. Il n’y a qu’en Russie qu’on peut espérer cela. Je souris certes, mais c’est émouvant !

Le ton est ici plus noble, plus respectueux et moins vulgaire, que dans les nombreux films américains qui lui ressemblent. C’est en quelque sorte le grand souffle de l’âme russe de toujours, qui parcourt ces cieux immenses, dévale ce volcan et percute les pistes. Mais en version moderne. Quelle force et quelle générosité !

Avec ce film, on a l’impression de renouer avec un cinéma des origines. Une entreprise plus occupée à faire de belles choses, que d’infléchir encore et encore le scénario, pour ramasser encore plus de roubles dollars.

Pourtant la critique française s’est montrée dédaigneuse. Mais peut-être qu’elle ne fait que participer bêtement à ce stupide sentiment antirusse, propagé par nos médias et quelques intellectuels reculés.

  • (*) J’ai l’occasion de me déplacer à Moscou, il n’y a pas si longtemps. Et j’ai été impressionné par la dignité de tout un chacun.
  • C’est aussi le cas pour mes amis expatriés, qu’ils (en fait qu’elles) soient russes, biélorusses, géorgiens (il) ou ukrainiens (il et elles), outre leur caractère passionné avec leurs impressionnants hauts et leurs gigantesques bas (on comprend mieux ce que sous entend l’attraction des « montagnes russes ») – On pourrait parler de « classe », ce qui ne manque pas de piquant, pour ceux qui en tout cas auraient pu avoir des tentations communistes !
  • Les États-Unis m’ont laissé une impression plus mitigée, alors que je suis fondamentalement libéral. C’est un comble.
  • (**) Le cinéma d’action américain cède pratiquement à chaque fois au manichéisme. Avec d’un côté des méchants bien méchants et nécessairement punis à un moment, et de l’autre ses éternels gentils héros, toutes stars de l’écran. L’égoïsme et l’héroïsme « people » sont montés tous deux en épingle.
  • Ces films US n’oublient pratiquement jamais non plus, de nous infliger la cavalerie, sous la forme de leur bienveillante armée. Elle est présente, même quand on ne lui demande rien.
  • Le code hays doit cacher une clause d’instruction civique interne ou de propagande externe, à destination des barbares que nous sommes selon eux. Il faudra que je le relise.
  • En tout cas dans ce film de l’Est, je n’ai pas vu un seul uniforme militaire.
  • (***) Pour une fois, on n’est pas obligé de nous farcir cette poignée d’artistes qui squatte le cinéma d’action américain. Celui qu’on nous impose, après qu’il ait anéanti tout le reste. Des artistes tellement connus, et qui jouent tellement leur propre rôle, que dès qu’on les voit, on sait tout ce qui va arriver.

https://fr.wikipedia.org/wiki/The_Crew_(film,_2016)

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