The Train (1964) 7/10 Burt Lancaster

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Du début à la fin du film, on ne traite que d’un seul sujet. Mais c’est un sujet fondamental.

Quelle est la vraie valeur des œuvres d’art ? Et de manière plus pragmatique, doit-on mettre en danger, ne serait-ce qu’une vie, pour espérer sauver un ou plusieurs tableaux de maitre ?

Si vous avez la réponse, je suis preneur.

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La guerre 39/45 est sur le point de se terminer. On est en France, dans une des plus grandes capitales des arts. Des peintures célèbres, mais qui ne sont pas vraiment du goût de l’occupant, ont été confisquées, puis entreposées au Jeu de Paume. Ils sont pour ainsi dire sous la protection du personnage joué par Suzanne Flon. On pense bien entendu au prodigieux inventaire réalisé par Rose Valland.

La décision du commandement tombe. Ces tableaux, d’une immense valeur marchande, doivent être expédiés en Allemagne. Sans doute qu’il y a là quelque chose de négociable dans ces tableaux « dégénérés ». On parle là de Renoir, Picasso, Manet, Matisse, Braque, Van Gogh etc

Malgré de nombreuses embûches, un train spécial est affrété. Il va partir.

– A noter que pour les « Boches », se pose également un cas de conscience. Détourner un train de son essentielle mission militaire, alors que la situation est si critique, revient à mettre un peu plus en danger l’armée allemande sur ce front ouest. Cette affaiblissement est donc susceptible d’apporter des morts supplémentaires de soldats. La logistique a une importance considérable et elle souvent la cause de défaites.

Outre cette incidence indirecte, des hommes seront également tués dans cette mission, comme le montre le film. On passe là de la théorie à la pratique.

Mourir pour Dantzig (la liberté) ? Mourir pour Van Gogh (l’art) ? Même genre de casse-tête ?

– De l’autre côté, il y a la résistance française, avec son implantation bien connue dans le ferroviaire.

Ces êtres courageux, organisés et déterminés sont capables d’obéir aux ordres. Mais là, l’enjeu peut sembler dérisoire à des cheminots peu motivés par l’impressionnisme et autres courants de ce genre. Je me demande même si pour eux la Joconde, qui ne fait pas partie du voyage, vaudrait qu’on se mette en danger ? Ils ont d’autres priorités.

Et il est plus simple de faire sauter des trains (avec leur contenu) que de les préserver et de les détourner.

– Un argument consistera à leur faire miroiter que ce patrimoine est la « gloire » de la France. Un thème qui ne peut pas laisser insensible des combattants chevaleresques de la liberté.

A chaque mort, se reposera cette question. Surtout quand on voit se faire fusiller ce grand camarade emblématique qu’est Papa Boule, interprété par le grand Michel Simon. Quand cela vous touche aux tripes, le questionnement devient encore plus sérieux. On ne peut plus regarder ailleurs.

– Et puis il y a les civils “innocents” qui veulent juste sauver leur peau. Pas question a priori de s’engager quand on a déjà assez de soucis pour gérer un petit hôtel de la gare ? C’est le cas de conscience qui agite Jeanne Moreau. Mais l’amour peut adoucir les angles.

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Le haut gradé Von Waldheim est chargé de mener à bien le transport. Il prend cela singulièrement à coeur. D’une part c’est un soldat du Reich et donc il s’engage corps et âme. C’est son métier, c’est son serment. Mais aussi, bien que respectueux du régime, il est conscient l’importance et la beauté de ces toiles non académiques. Lui est prêt à risquer sa vie, et la vie de ses subalternes, pour un tableau honni.

En face ce lui, il y a le dénommé Labiche. Un conducteur de train qui a la responsabilité du convoi,. Ce Français résistant est interprété par un Burt Lancaster particulièrement convaincant. Lui est dévoué à la cause, quelle que soit la demande du Conseil National. Il ne discute pas les ordres mais les exécute avec soin.

C’est un combat à mort entre ces deux hommes. Rapidement le colonel de la Wehrmacht soupçonne la duplicité du chef de la locomotive. Bien que le surveillant étroitement, il n’arrive pas à le coincer. De plus il a absolument besoin de lui.

Le train avance. Les voies sont encombrées, les obstacles sont nombreux. La résistance se met en branle, le « sabotage » est régulier, les représailles sanglantes le sont tout autant. La locomotive finira lestée de civils à l’avant, afin de faire cesser les attaques de la France Libre in situ et des avions alliés.

  • On assiste à d’impressionnantes destructions de trains et de gares. Ce n’est pas encore l’époque des images de synthèse. On sent que du matériel lourd a effectivement été sacrifié. On a peut être profité de la fin programmée de la vapeur pour faire cela à moindre frais.
  • Ce film sort en salle en 1964 or « La dernière locomotive à vapeur est construite en France en 1953 » comme le signale le fameuse Cité du Train à Mulhouse, le plus grand musée ferroviaire d’Europe. https://www.citedutrain.com/quais-de-l-histoirehttps://fr.wikipedia.org/wiki/Cit%C3%A9_du_train

Le train s’arrête définitivement. Les rails ont été détruits. Plus moyen d’avancer ou de réparer. C’est la chienlit, les soldats ne songent qu’à rentrer chez eux. Pourtant Les otages sont sauvagement assassinés.

C’est l’heure de faire les comptes. Le moment est épique. L’Allemand fait part de tout son mépris à Labiche. Pour cet officier, ce résistant n’est qu’un être inculte, qui ne sait même pas pour quoi il s’est battu, qui est incapable de comprendre cette esthétique. Il lui envoie cette réplique définitive à la figure : « La beauté n’appartient qu’à ceux qui savent l’apprécier ». L’autre lui répond par une salve de mitraillette. Fin du débat.

Les acteurs sont impressionnants, en particulier ceux qui sont en grand danger et suent abondamment. Effet visuel assuré.

Ce film franco-américain réalisé par John Frankenheimer et Bernard Farrel, a l’immense mérite d’être parfaitement crédible pour un public bien de chez nous. Ce n’est pas toujours le cas quand les Américains se mêlent de notre histoire.

Burt Lancaster est bien entendu au centre. Et d’ailleurs, lors de la confection du film, il aura son mot à dire. Il réussira à mettre à la porte le premier réalisateur Arthur Penn.

Le très britannique Paul Scofield fait merveilleusement illusion en colonel germanique.

L’historicité du film est très discutable. En particulier il est faux de prétendre que les nazis aient voulu rapatrier cette partie notable de l’art dégénéré. Mais qu’importe, cela rend le dilemme plus intéressant encore.

J’attends toujours qu’on m’explique ce que signifie la « valeur » des choses. Mais qui le pourrait vraiment. On me souffle à l’oreille qu’il faudrait déjà aller voir du côté de la théorie de la Spirale Dynamique de Beck et Cowan.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Le_Train_(film,_1964)


Burt Lancaster

Paul Scofield
Jeanne Moreau
Suzanne Flon
Michel Simon

Michel Simon et Burt Lancaster

Le salaire de la peur ?
Moreau Lancaster
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