Un thriller qui n’est pas bête du tout.
On nous fabrique un sniper qui veut en finir avec les derniers habitants d’une hideuse tour destinée à la démolition. Ils occupent le dernier étage. Mais qu’est ce qui lui passe donc par la tête ?
- Serait-ce une commandite de promoteur qui veut se débarrasser de ces résistants à l’expulsion ?
- S’agit-il d’une vengeance d’un parent d’un petit délinquant, qui a été assassiné là haut naguère, sans que personne, ou presque, ne lève le petit doigt pour le défendre ?
- S’agit-il d’un tueur fou ?
- Il y a bien une quatrième possibilité, que bien entendu je n’ai pas le droit de vous révéler.
Mais en fait l’essentiel est ailleurs.
Ce qui importe, c’est cette sorte de jeu d’échec entre l’assaillant situé dans l’immeuble en face et les victimes potentielles. A chaque pion déplacé par l’un, suit une tentative de riposte des autres. Le tireur à plusieurs coups d’avance. Il a piégé toutes les issues possibles. Il a laissé un rébus. On le découvre progressivement seulement. Les locataires vont l’apprendre à leurs dépens. Ils tombent comme des mouches, en silence.
Le tueur a même neutralisé tous les moyens de communication. C’est bien pour le déroulement du film. Ça marche pour Internet, il suffit de couper le câble principal. Mais c’est plus difficile à imaginer quand il s’agit des smartphones. Pourtant je lis qu’il existe des brouilleurs GSM sur le marché parallèle.
Visiblement le gars est outillé. D’ailleurs son fusil spécialisé semble une arme rare et qui n’existe quand des rares circuits autorisés.
Les assiégés sont fragilisés par les classiques bisbilles entre voisins. Et ici, avec ces damnés de la terre, ce n’est pas de la tarte.
Les tensions sociales sont nombreuses et intenses. Il y a le solitaire dépressif doublé d’un alcoolique suicidaire, une mère seule qui violente ses gamins, un mauvais garçon qui rackette l’étage en échange d’une prétendue protection, deux drogués imprévisibles et ultra-dangereux, un couple de vieux plutôt perdus, une maman hystérique et égocentrée, un fils polarisé par les jeux vidéo extrêmes, une jeune femme un peu plus ouverte mais qui a du mal à absorber une rupture… sa rencontre de passage va se prendre une balle dévastatrice dans le crâne. Une autre va voir ses petits enfants tués devant ses yeux, au point qu’elle décide de les rejoindre au ciel, volontairement.
L’action se passe en mode survival (survie) – on essaie, on se plante, on recommence autrement. Mais on a des pertes. La première leçon, lourdement payée, consiste à s’éloigner des fenêtres. Pour tenter de se défendre puis de s’échapper, on utilise tout ce qu’on a à sa portée, c’est à dire pas grand-chose.
Les esprits phosphorent comme ils peuvent. C’est bien vu dans l’ensemble.
Deux personnes soumises à ces immenses tensions finissent par sortir du lot.
– D’abord la jeune fille qui a été la seule à tenter quelque chose lors de l’assassinat du jeune dans les couloirs un an avant. Elle garde la tête assez froide, même en ayant vu son amant d’un soir se faire éclater la tête. Pas joli, joli.
– Et le mauvais garçon de l’étage, qui est plus autoritaire et plus débrouillard que les autres, et qui sent viscéralement l’intérêt d’une potentialisation commune. Ce n’est bien entendu pas une question de morale mais d’efficacité.
- Marc Bloch montre bien dans son livre L’Étrange Défaite que les héros influents qui émergent ne sont pas forcément ceux qu’on attend.
Les situations sont variées alors qu’il y a peu de moyens de s’en sortir.
La fin est une classique escalade de la tension et de l’horreur, avec le nécessaire suspense derrière chaque porte. Mais on se rend bien compte depuis un moment, que les valeureux qui ont pris les choses en mains, obligatoirement, vont s’en sortir. C’est de la morale populaire, on ne peut pas déroger.
Le public réclame inconsciemment vengeance, mais on lui sert d’abord la justice – il faut le prendre vivant – puis quand même la vengeance.
En effet, ce n’était pas une si bonne idée de juste tenter de le neutraliser puisque ce méchant continue à faire des siennes … autant l’achever… le plus malproprement possible.
Ce qui étonne dans ce scénario, c’est cette assez grande rigueur (*) et ce rythme soutenu. L’astuce finit par dominer la peur instinctive. Et même nous, arrivons à nous élever un peu. On nous amène judicieusement à réfléchir et réagir.
Les acteurs sont très crédibles.
(*) Quoique ! … mais pourquoi sont-ils donc tous sur le même dernier étage et nulle part ailleurs. Un « hasard » qui tombe bien car il aide l’action.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Tower_Block
- Sheridan Smith : Becky
- Jack O’Connell : Kurtis
- Ralph Brown : Neville
- Russell Tovey : Paul
- Jill Baker : Violet
- Loui Batley : Amy