Triomphe de Michel Strogoff. Curd Jürgens, John Wayne. Jacques Bézard. Capucine. 8/10

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Si jeunesse savait…

A priori, la confrontation de ces deux gradés d’âge très différent, est un thème classique de western.

D’un côté, on a un jeune officier inexpérimenté, qui veut à tout prix faire ses preuves ; quitte à brûler des étapes cruciales de son apprentissage. Il a comme autre « handicap » d’être issu de la grande aristocratique russe et d’être protégé. On n’aime pas trop cela chez les autodidactes du rang.

Ce jeune ne va pas voir monter la très discrète machination, qui finit par menacer toute son équipe. Nous, non plus. C’est tout le génie, au-delà des emprunts à l’esprit de Jules Verne, de savoir si habilement nous dérouter, tout en poursuivant son cap intelligemment.

En face, on trouve un vieux colonel qui sait et qui est chargé de modérer les ardeurs du novice. Lui flaire chaque indice et ne veut rien laisser de côté. On peut sourire qu’il soit si attentif aux petits tracas des chameaux de l’expédition. Bien sûr, c’est lui qui aura raison. En tirant ce petit fil, il sera en mesure de démêler tout l’écheveau.

On imagine facilement John Wayne à la place de Curd Jürgens. Et n’importe quelle tunique bleue-bite pour jouer le rôle de Jacques Bézard. Ce « gamin » aux yeux bleus, est certes intelligent et prometteur, mais manque singulièrement de prudence et d’expérience. Dans ce monde plein de

A la base, il y a le grand Jules Verne, mais celui-ci est dépassé. Ce serait en quelque sorte une suite des aventures de Strogoff. Et on ne peut pas soupçonner l’écrivain d’avoir pomper le sujet sur Hollywood.

Ceux qui ont eu des responsabilités, comprennent vite que ce récit, aux apparences bibliques (ou l’adjectif qui vous convient) est criant de vérités premières. Eh oui, quand on est jeune on se prend quelques volées. Et si tout se passe bien on apprend de ses erreurs, sans trop perdre de plumes. Celui qui a dicté la Bible, ou bien Homère ou bien Racine, sont à l’aise avec ce type de démonstrations bien carrées.

A l’ouest du Pecos, les cowboys sont peu loquaces et préfèrent le coup de poing au dialogue fructueux. A l’Est, dans les steppes de l’Asie centrale, nos auteurs prêtent aux protagonistes des lignes de textes d’une rare psychologie. C’est subtile et efficace. On est tout de même dans les hautes sphères de la réflexion qui engage l’action.

Cela se passe virtuellement au Turkestan, un vaste territoire d’Asie centrale, qui englobait pas mal de pays, dont des parties ou la totalité des fameux 5 états jointifs, Kazakhstan, Kirghizistan, Tadjikistan, Ouzbékistan et Turkménistan. Un monde pleins de Tadjiks, Tatares, Kazakhs, Ouzbeks, Turkmènes, Kirghizes, Tchétchènes etc

Ce Michel Strogoff n’est pas fait pour les tout-petits. Et c’est bien pourquoi cet opus très modifié passe bien après les autres récits aventuriers de Jules. Et pour cause il est de Jean Jules, le petit-fils.

Certains pensent que Jules est tout aussi misogyne que Hergé. Pourtant dans cet épisode du XXe qui fait suite à la monumentale saga du XIXe, les pasticheurs nous font rencontrer Capucine / Nadia / Tatiana, une maîtresse femme qui sait parfaitement ce qu’elle veut. Forte de sa grande beauté, elle laissera venir à elle Jürgens. Mais pour arriver à ses fins, elle va d’abord devoir passer pour une ennemie à sa cause. Qui aime bien, bastonne bien. Pirouette classique pour Verne, qui entretient ainsi le feuilletonesque suspense.

Capucine, la Simone Clouseau de La Panthère rose, née dans le Var, n’est pas exempte d’un certain exotisme. Notre Audrey Hepburn bien française, peut passer aisément pour une fille du Turkestan.

Les altercations civilisées de quelques coqs emplumés, pour retenir l’attention de la belle (poule ?) sont bien rendues dans le long métrage. Il faut voir comment le vieux Curd, qui dispose d’atouts cachés, emporte le « morceau ». Le coquelet Jacques en sera bien penaud. Mine de rien, ce type de rivalité et de frustration, est susceptible de mener à des combats bien plus dangereux. Les amateurs de séries criminelles savent très bien cela.

La scène de la chambre et du loquet est coquine.

Le film se nomme Le Triomphe de Michel Strogoff, afin de se permettre de très grandes libertés et de se démarquer ainsi du roman initial Michel Strogoff. On échappe pour une fois à la case « les yeux brûlés ». Mais en réalité le renouvellement est bien plus marqué, presque total. Bien joué !

Les revenants et les revenez-y.

Curd Jürgens s’était déjà illustré dans ce redoutable premier rôle en 1956, dans le Michel Strogoff un peu plus fidèle de Carmine Gallone.

Le réalisateur russo-ukrainien de cette œuvre de 1961, Victor Tourjanski, avait déjà commis un Michel Strogoff muet en France, en 1926. Il avait échappé aux griffes soviétiques dès 1920. En 1935 il s’est attaqué aux Yeux noirs. Il faudra en étudié les rapports avec l’excellentissime Les Yeux noirs de Nikita Mikhalkov en 1987, avec Marcello Mastroianni.

Bien qu’il y ait un tas de bémols possibles – j’en conviens aisément – j’ose mettre un 8/10 à ce travail plein d’enseignements.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Le_Triomphe_de_Michel_Strogoff

https://fr.wikipedia.org/wiki/Michel_Strogoff_(film,_1926)

https://fr.wikipedia.org/wiki/Victor_Tourjanski

https://fr.wikipedia.org/wiki/Les_Yeux_noirs_(film,_1935)

https://fr.wikipedia.org/wiki/Les_Yeux_noirs_(film,_1987)

https://fr.wikipedia.org/wiki/Michel_Strogoff_(film,_1956)

https://fr.wikipedia.org/wiki/H%C3%A9ritages_de_la_politique_sovi%C3%A9tique_en_Asie_centrale

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