Une femme dont on parle (噂の女, Uwasa no onna) (1954) 7/10

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Les Musiciens de Gion (祇園囃子, Gion bayashi) (1953)

Une femme dont on parle (噂の女, Uwasa no onna) (1954)

La Rue de la honte (赤線 地帯, Akasen chitai) (1956)

Voilà trois films de Kenji Mizoguchi qui traitent des geishas et de la prostitution. Ce ne se sont pas les seuls qui s’intéressent à cela, dans son œuvre de plus de 70 longs métrages. Mais ce sont les derniers. Il meurt juste après La Rue de la honte, à 58 ans.

Cette question le touche dans son être. Sa famille a été redoutablement pauvre et son père a vendu sa sœur Suzu comme geisha.

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Une femme dont on parle se passe dans une maison de passe renommée. La mère maquerelle est avant tout une femme entreprenante et qui mène bien sa barque. Elle a plutôt bien réussi. Elle est respectée de ses « employées » et de la clientèle. Elle est veuve, il est temps maintenant pour elle de se trouver un homme, de passer la main et de se lancer dans un commerce moins connoté.

Elle fréquente un tout jeune docteur qui n’a pas encore passé sa thèse. Il rend bien des services dans l’établissement. Il est désargenté mais rêve d’une clinique bien à lui. Il voit dans la patronne une « vieille » qui pourrait bien l’aider dans sa démarche. Il n’est pas méprisant… en tout cas à ce stade.

La fille de la tenancière vient de tenter de se suicider. Son futur conjoint s’est désisté en apprenant que la belle-mère potentielle exerçait ce métier peu reluisant.

Elle revient à la « maison ». Elle paraît fière à première vue. Mais elle finit par se faire aimer des prostituées/geisha.

Le médecin tombe sous son charme et délaisse la mère. Il tente un temps de ménager la chèvre et le choux.

Le projet de clinique, que l’ancienne acceptait uniquement si le jeune allait se marier avec elle, tombe quand même à l’eau.

La fille n’apprécie pas non plus qu’il ait tenté de jouer sur les deux tableaux. Il doit y avoir quelque chose de dérangeant de passer au lit, juste après sa maman, avec le même bonhomme.

C’est une histoire somme toute assez classique, avec ce trio maudit mère-amant(x2)-fille, mais traité de manière inhabituelle car sur un fond de maison de plaisir.

Et comme toujours, c’est bien filmé et palpitant.

Il y a chez Mizoguchi une sorte d’art total. Une fois qu’on a réussi à transcoder les gestes, les comportements, les inflexions du langage, les onomatopées (V.O.) on rentre pleinement dedans et on profite à fond de cette belle expérience synesthésique.

Je me suis surpris à délaisser une partie du sous-titrage pour mieux profiter du phrasé de la langue, dont pourtant je ne comprenais pas un traître mot. C’est dire la magie !

Pour tenter d’expliquer cette « expérience », je me permets de reprendre ici une magnifique approche globale de Diderot quant à la langue, dans son éblouissante introduction à l’Encyclopédie :

« C’est la chaleur de l’imagination et la méditation profonde qui enrichissent une langue d’expressions nouvelles ; c’est la justesse de l’esprit et la sévérité de la dialectique qui en perfectionnent la syntaxe; c’est la commodité des organes de la parole qui l’adoucit ; c’est la sensibilité de l’oreille qui la rend harmonieuse. »

https://fr.wikipedia.org/wiki/Une_femme_dont_on_parle

Kinuyo Tanaka
Yoshiko Kuga

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