Comme c’est curieux ! Il y a donc de mauvais Truffaut.
Ce grand réalisateur a commis là un film policier, conformiste, mal construit et peu intéressant.
Pourtant il n’a guère d’excuse car le scénario est clairement basé sur un livre. Et donc le sujet est censé avoir été bien travaillé en amont. En tout cas, il avait le choix.
Le coupable est ici outrageusement celui auquel on ne pense pas. Ou plutôt tout désigne lourdement un autre homme qui n’y est pour rien.
Ce ne sont pas les brillantes idées qui servent l’intrigue. Non, ce ne sont que des coïncidences totalement improbables.
Le faux meurtrier (Jean-Louis Trintignant) était à la chasse précisément à deux pas du lieu du crime. La cible était aussi l’amant de sa femme. Il avait le même fusil très spécial que l’assassin. Il a laissé ostensiblement son empreinte bien visible sur la Porsche de la victime. Une scène le situe en train de tirer et la suivante montre la victime qui vient juste d’être touchée.
Le spectateur est volontairement induit grossièrement en erreur, en lui servant mobile, absence d’alibi, plans trompeurs, probabilités accusatrices à 99,99 % et faisceau implacable. Truffaut en fait déjà trop.
Mais cela ne s’arrête pas là. Le soir, le même Trintignant trouve sa femme tuée dans leur villa (Caroline Silhol). Et là encore, tout le désigne encore plus comme le double assassin.
J’arrête là car les invraisemblances deviennent si nombreuses que cela en devient lassant.
Le personnage interprété par Trintignant va quand même essayer de prouver son innocence, alors que tout l’accable. On en vient à se demander comment Truffaut va se sortir de ce guêpier.
La farce va aller jusqu’à la découverte rocambolesque d’un passage secret et autres retournements peu crédibles. Le pauvre Trintignant n’est pas mauvais, mais il ne peut pas grand-chose dans ce récit consternant.
Il va s’aider de sa secrétaire, la masculine Fanny Ardant. On sent que Truffaut est à ses pieds. Il lui pardonne tout et la met sur un piédestal (*). Pourtant il faut se la faire. Quel jeu ennuyeux ! Quelle voix affectée et bizarre ! Seules réjouissances, elle se prend des claques et elle se fait virer. Les punitions corporelles semblaient indispensables alors. Il est même possible qu’elles aient été exigées pour prouver sa domination virile. Quant au licenciement sur un simple mécontentement, on en est loin maintenant. Le salarié peut même piquer dans la caisse et/ou cracher sur son patron, il reste inamovible.
On nous rajoute un Kalfon en coupable de secours. Pour finir par en faire un curé bienveillant !
L’avocat est joué par un habitué des seconds rôles d’alors, Philippe Laudenbach. Pas terrible !
Le commissaire campé par Philippe Morier-Genoud est tout sauf réaliste.
Et on balance une hystérique qui fait le corbeau et qui va être ratatinée elle aussi.
Ce film tourné à la va vite (58 jours) est cousu de fil blanc. Et cela se veut maladroitement briseur de codes, comme ce parti pris du noir et blanc dans les années 80, et ces références aux polars de la grande époque… Mais la démonstration se casse la gueule. Et au fond ce n’est ni vraiment second degré, ni pastiche, ni parodique, ni même pas drôle.
Il faut vraiment être un inconditionnel – voire un fanatique – de Truffaut pour porter cela aux nues (**) On ne rend pas service à ceux qui voudrait découvrir ce brillant réalisateur, si on commence à leur mentir en disant que Vivement dimanche ! est un bon film.
Cette aventure dans ce genre policier formaté, était nulle, vaine et non avenue. Il n’a pas récidivé. Et pour cause, ce fut le dernier film réalisé par François Truffaut. Le tournage se situe juste avant que sa santé commence sérieusement à décliner. C’était une tumeur au cerveau.
- Sans doute Truffaut a laissé un message personnel dans le testament du vrai coupable qui va se suicider : « Je n’ai aucun remord car je ne fais pas partie de la société des hommes. Tout ce que j’ai fait c’était pour les femmes parce que j’aime les regarder, les toucher, les respirer, jouir d’elles et les faire jouir. Les femmes sont magiques … alors je suis devenu magicien et d’ici une minute, il y aura un nouveau cadavre dans cette affaire ».
Et si vous n’adhérer toujours pas à ma façon de voir iconoclaste, lisez ce petit texte que j’ai trouvé après avoir fait ma critique :
- (*) [Trintignant] Parlant de Vivement dimanche, l’ultime film de François Truffaut, qu’il a tourné avec Fanny Ardant en 1983, il en estime le scénario « pas très bon ». Mais il ajoute aussitôt : « J’étais content de tourner avec Truffaut, avec Fanny. Elle était en pleine histoire d’amour avec lui… https://www.lemonde.fr/culture/article/2012/10/23/longtemps-jean-louis-trintignant-s-est-trouve-mauvais-acteur_1779706_3246.html
- (**) Malgré leurs commentaires gentillets, les critiques ne sont sans doute pas dupes. Et l’autocensure qu’ils s’infligent et qu’ils nous infligent, s’explique sans doute plus par une sorte de paternalisme protecteur pour la production du pays, plus que par un chauvinisme exacerbé. Et puis il y a aussi cette nostalgie pour feu notre grand cinéma national. Vous comprenez c’est quand même Truffaut ! A moins que moi-même je ne sois trop gentil avec nos critiques et qu’ils ne soient finalement qu’incompétents et bornés.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Vivement_dimanche_!
Fanny Ardant
Jean-Louis Trintignant
Jean-Pierre Kalfon
Philippe Laudenbach
