Yesterday (2019) 6/10 Boyle

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Le film commence par une idée intéressante. Une panne de courant mondiale, fait que l’humanité a effacé le passage des Beatles. Avec ce mot-clef Google met en tête de liste des pages sur des petits scarabées.

Plus aucune trace, sauf dans la mémoire bien vivace d’un chanteur peu talentueux, qui a pris un coup sur la tête en tombant de vélo, au même moment. Bienheureux hasard.

Il va se rendre compte progressivement du décalage culturel, sur ce point précis, d’avec les siens et la planète entière. Conscient qu’il détient un trésor, il aura l’audace de faire sien le répertoire des 4 de Liverpool. Ce qui lui vaudra, après quelques détours, un immense succès.

Au départ, les quiproquos sont nombreux et sa tâche n’est pas facile. Et il est savoureux de voir que ces chansons célébrissimes, mais interprétées par un indien anglais de la deuxième génération, ont du mal à percer au début. Il faut un grand coup de pouce du marketing international pour le propulser. Il sera sérieusement relooké et rebadgé par un staff puissant d’Hollywood.

Les chansons ne seront pas trop écornées par la finance. A part « Hey Jude » qui deviendra « Hey Dude ». Les pochettes des albums seront par contre très sérieusement réformées. L’Indien tentera d’imposer la reprise des présentations originelles, mais cela ne sera pas accepté. Pas question de faire un album « blanc » vu les considérations racialistes actuelles. Et un titre comme « Sgt. Pepper’s Lonely Hearts Club Band », cela ne le fait pas. Il va devoir simplifier et se débarrasser de tout ce cirque !

Dommage que la brillante idée de faille spatio-temporelle n’ait pas été plus loin. Il y aura juste un modeste ajout, quand vers la fin, il rencontrera un Lennon, qui a eu une toute autre trajectoire, avec une vie longue, modeste et heureuse à la clef.

L’amour plus fort que la gloire.

La dernière partie du film est d’une mièvrerie totale. Conscient, après le message lennonien, qu’il doit choisir une vie de vérité et de simplicité, il fera la confession publique de son « emprunt », et distribuera librement ce répertoire, qui ne lui appartient pas, sur Internet.

Le tout est assorti d’une déclaration d’amour sur scène, face à des dizaines de milliers de fans, à destination de son humble bergère. Avec cette apologie du petit gars anonyme, c’est à dire du spectateur moyen, tout rentrera dans l’ordre. Vraiment du tout venant anglo-américain.

Ne restent que les chansons. Et là on peut dire que c’est malhonnête, puisque la notoriété des Beatles entretient largement celle du film. Prenez le même scénario avec le pillage d’un répertoire vraiment inconnu et il n’y a plus rien. L’Arnaque !

Cela dit, les Beatles ne sortent pas perdants, puisqu’il y a un indéniable renvoi d’ascenseur. Le héros ne tarit pas d’éloge sur eux et les met au niveau des grands bienfaiteurs culturels de l’humanité.

Dans ce même esprit flagorneur, on pourrait s’étonner que nos chansonniers populaires n’aient pas eu un prix Nobel de littérature, alors que l’académie suédoise n’a pas hésité à récompenser Bob Dylan.

Il y a quelques sous-histoires. Comme cet Ed Sheeran – pour moi un inconnu – , une vraie célébrité du moment et qui reconnaît que les chansons de l’Indien, donc des Beatles, dépassent les siennes.

Ah la fausse modestie !

Lennon n’hésitait pas à dire que la notoriété du groupe dépassait celle d’un certain J.C. « Aujourd’hui, nous sommes plus populaires que Jésus » (1966). Alors si la place dans le Hall of Fame d’un Sheeran est juste un peu en dessous de celle de la bande des 4, il se retrouve forcément au niveau de Jésus. C’est mathématique !

Il est de bon ton de louer la prestation de l’acteur principal Himesh Patel. Moi je veux bien, mais il me semble juste accomplir le job, je n’y vois pas du génie.

Le réalisateur Daniel Francis Boyle, à qui on doit Slumdog Millionaire et quelques autres films célèbres, est avant tout un coquin qui sait faire des films aguicheurs. Mais lui au moins se renouvelle quasi à chaque fois ; pas toujours pour le meilleur.

C’est un peu le Clint Eastwood britannique. Mais en tout cas ce n’est pas un Kubrick.

Son plus grand exploit est d’avoir convaincu ce qui reste des Beatles d’accepter ce tour de passe-passe là.

Bon je sais, pour faire bien il ne faut pas oublier de rajouter que c’est une uchronie. Voilà c’est fait.

Mais cette uchronie repose sur l’idée discutable que l’oeuvre des Fab Four serait intemporelle. Est-on vraiment certain que les générations de maintenant, hors contexte, soient tout aussi fascinées que celles des sixties. Au minimum, on n’est plus vraiment dans l’hystérie de la beatlemania.

J’ai l’impression que c’est plutôt un opus pour des nostalgiques qui ne vont pas s’embarrasser de ces détails. Les plus patients seront récompensés au générique finale avec enfin une « vraie » chanson du célèbre groupe.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Yesterday_(film,_2019)

Himesh Patel
Lily James
Ed Sheeran
Kate McKinnon

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