Zéro de conduite (1933) 6.5/10 Révolution Culturelle ?

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Nous sommes en 1933, environ 15 ans après la Révolution d’Octobre. La grande guerre est passée par là. Les idées révolutionnaires ont fait leur chemin, mais aussi la réaction nationale « socialiste ».

Les élèves de ce pensionnat pour garçons semblent avoir entre 9 et15 ans (*)

Certains d’entre eux ont déjà le projet du grand chamboulement, avec le drapeau pirate au sommet de l’établissement. Quelques indisciplines ont lieu.

Mais c’est un jeune garçon, classé comme « fille » auprès de ses congénères qui va être le facteur déclencheur de la grande révolte. Sa main à peine caressée par un professeur libidineux, il dira « merde » et aura l’audace de confirmer ce « merde » aux autorités. Il refusera le rituel très convenu des excuses publiques et du pardon. Non à la soumission aux professeurs mielleux !

Son « merde » fait écho aux cris de tous les « homme(s) révolté(s)». Ceux dont une belle généalogie a été faite par Albert Camus.

Pourtant, dans ce type de révolte, voire de petite révolution, il est difficile de déterminer s’il s’agit d’une réaction contre le pouvoir ou contre le savoir. Un sujet brûlant, car il est si simple et si dangereux de passer de l’un à l’autre.

Nos gilets jaunes en sont un exemple.

Encore plus radicaux, les « révoltés » bolcheviques, comme les « révoltés » nazis ont tenté de faire table rase, en s’appuyant sur la jeunesse. Ils ont cherché à abattre les vieilles hiérarchies, à dresser leur supposé « monde nouveau », contre les anciens. Avec les conséquences que l’on connaît, aux antipodes de la libération espérée. Flamboyante modernité ou non.

L’art est difficile et la critique n’est pas si aisée qu’on le dit.

« Zéro de conduite » est une œuvre très délicate à manipuler, car à tout moment cette bombe artisanale peut vous sauter à la gueule.

D’une côté, on peut se réjouir de la révolte anarchisante de ces jeunes élèves. Le vent de la liberté souffle agréablement à nos oreilles. Quelle est belle, cette marche triomphale des élèves qui ont pris le pouvoir, toutes voiles dehors, plein sourire, la queue à l’air !

De l’autre côté, on peut y voir les futures dérives de la Révolution Culturelle. Les professeurs martyrisés par leur élèves, les images dégradantes, tout cela ne sent pas bon. Le professeur ligoté sur son lit verticalisé et exposé comme au pilori, c’est déjà un peu cela.

Il faudrait voir du côté de Rousseau pour cette éternelle question de l’acceptation de l’autorité, du maintien des libertés et de l’édification de la société : « Trouver une forme d’association qui défende et protège de toute la force commune la personne et les biens de chaque associé, et par laquelle chacun, s’unissant à tous, n’obéisse pourtant qu’à lui-même, et reste aussi libre qu’auparavant. Tel est le problème fondamental dont le Contrat social donne la solution. »

Mais Rousseau ou non, ce problème n’est en réalité jamais complètement réglé, dans notre réalité d’humain mi-ange mi-bête. Encore moins chez l’adolescent !

Jean Vigo dont le père est anarchiste, installe sur les écrans le devoir d’insoumission.

Il mourra très jeune.

Son film, qui n’est plus censuré à présent, est devenu un véritable objet de culte. On voit trop, et dans l’encensement et dans la condamnation, le bord politique tranché des critiques.

C’est donc la moindre des choses de lui retourner la politesse et d’avoir un juste devoir d’ irrévérence face à son œuvre.

(*) Mon père est né en 1926. Il avait donc 7 ans en 1933. Mais il a sauté deux classes. Il pourrait donc être l’un des leurs.

Et pour se rendre compte de l’importance de ce voyage dans le temps et les idées, il faut se figurer qu’on est là, à la frontière entres les films muets et les films parlants !

En province, c’est encore Le monde d’hier, si bien raconté par Stefan Zweig. Cette époque où être jeune était mal vu.

Et pourtant, connaissant mon géniteur, je n’aurais jamais pu imaginer qu’il ait pu baigner dans cette atmosphère, lorsqu’il était au très respectable collège Sainte-Marie. Il a sans doute été très obéissant à cette époque, car il a connu le chat à neuf queues paternel. Mais la suite a montré qu’il a aussi acquis un esprit moderne et libertaire. Il a donc profité des deux mondes. Quel grand écart !

https://fr.wikipedia.org/wiki/Z%C3%A9ro_de_conduite_(film)

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