Belle Époque. Film espagnol. Trueba, Fernando Gómez, Ariadna Gil, Penélope Cruz. 8/10

Temps de lecture : 4 minutes

A l’évidence, le réalisateur Fernando Trueba sait y faire. Pourtant je ne connais pas ses autres films.

Dans la mesure où l’on cède à l’attirance charnelle à tous les étages, on peut considérer son œuvre « Belle Époque » comme une version picaresque de « Théorème » (1968). Et dans cet opus hispanique plus chaleureux que le transalpin, les images, l’habitat, la bonne chair, les frimousses, tout semble goûteux.

Là où Pasolini distillait un souffre exquis dans des amours « coupables », Trueba et ses scénaristes, instillent la franche bonne humeur, dans ses scènes licencieuses. C’est autrement plus crémeux.

Les manœuvres des séductrices méditéranéennes sont d’un réalisme foudroyant. Ces « tombeuses » en connaissent un rayon. J’image que bon nombre de spectateurs mâles succombent instantanément.

Mais dans ces deux films aussi opposés, le résultat concret est à peu près le même. L’occupant qui vient de nul part, finit par céder et/ou faire céder tout le monde, dans l’un comme dans l’autre. Mais le novice a plus en tête un mariage en bonne et due forme que la seule ivresse des liaisons passagères tous azimuts.

Et puis ce sont les 4 filles de Fernando Fernán Gómez qui font les démarches et s’arrangent pour que le pauvre déserteur Jorge Sanz tombe dans leur filet. Alors que le Stamp de Teorema figure un mâle nettement plus volontaire.

A bien y regarder, le fond historique espagnol est bien plus grave. En 1931, les enjeux et les prises de positions qui mènent à la guerre civile sont nettes et tranchées. Pourtant la politique est traitée ici avec légèreté, comme si la douceur de vivre primait. Ce qui est d’ailleurs une réalité. Les révolutionnaires de tout bord, qui oublient cet objectif là, font sombrer rapidement leur mouvement dans l’horreur. Tout est dit dans le titre volontairement paradoxal de « Belle Époque », en français dans le texte.

Les convictions sont franches, sauf pour un jeune du village, Gabino Diego, qui est près à renier toutes ses positions familiales réactionnaires, à se faire excommunier, pour avoir droit à une des filles de la maisonnée.

***

– La distribution est relevée (même en l’absence de la somptueuse Silvana Mangano (Teorema))

La tête de Fernando Fernán Gómez nous est bien connue. Cet écrivain, acteur, scénariste et metteur en scène est un touche à tout. Il a réussi dans de nombreux domaines. Sa filmographie est impressionnante. Il est très bon en anachorète déjanté, dans Maman a cent ans (Mamá cumple cien años) de Carlos Saura (1979).

Ici il n’est plus tout jeune. Il incarne le chef de famille permissif mais qui surveille quand même ses bombasses de fille. Il affiche ses doctrines de gauche et les met en pratique. On peut citer son hospitalité presque sans limite, sa pratique très ouverte du mariage, sa compréhension des LG(bt)… Il garde toujours un œil bienveillant. Sa « dispute » avec Michel Galabru, le nouvel amant de sa femme Chus Lampreave, ne manque pas de sel. Notre gendarme roule ici en Hispano.

Le jeune Jorge Sanz est ce jeune homme républicain qui est en déshérence et qui sera « protégé » par le vieux. Il s’est barré de l’armée pour des raisons politiques, mais il semble bien jeune pour qu’il y ait eu autre chose que des émotions, dont l’indignation, là derrière. Ce comédien n’est évidemment pas un nouveau Terence Stamp.

On a tendance à mettre Penélope Cruz en tête d’affiche et pourtant ici elle passe en dernier… cependant elle récolte la mise. Elle a toujours été un petit gabarit, mais ses qualités d’actrice en devenir et sa notoriété mondiale, la feront bien plus immense qu’elle ne l’est physiquement. J’ose dire qu’elle n’est même pas jolie… mais elle a du charme et sans doute ce qu’on appelle la beauté intérieure. En 1992 elle fait franchement petite fille, c’est d’ailleurs ce que son rôle lui demande de faire.

Ariadna Gil est une actrice de premier plan, dont on sent la détermination farouche ici. Elle joue brillamment une sorte d’archétype d’homosexuelle franchement « masculine » dans son comportement mais dont la féminité intrinsèque pourrait paraitre très désirable à n’importe quel homme. Cette « hyperbole » séduira le visiteur-déserteur, parce qu’il est travesti en femme à l’occasion d’une fête. Après cet exercice de double inversion, elle retourne à ses penchants naturels immédiatement après.

Maribel Verdú, Miriam Díaz Aroca sont moins connues chez nous. Elles contribuent à former ce beau bouquet multicolore de roses naissantes.

***

Le côté « monopole des bons sentiments » de ce film de la gauche raisonnable, a passablement vieilli.

Le film a été largement récompensé à l’époque (belle) : Oscar du meilleur film en langue étrangère et le plein des Prix Goya.

Le film ne mérite pas sans doute ses 8/10. Mais le bonheur de passer un bon moment avec toute cette faune sympathique, occulte les rares imperfections. Preuve de sa qualité intrinsèque, il n’a pas vieilli (30 ans pourtant!)

https://fr.wikipedia.org/wiki/Th%C3%A9or%C3%A8me_(film)

https://fr.wikipedia.org/wiki/Belle_%C3%89poque_(film)

https://fr.wikipedia.org/wiki/Maman_a_cent_ans

.

.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Fernando_Fern%C3%A1n_G%C3%B3mez

  • En haut de cette page, une actrice qui a la beauté du diable. A noter une étrange ressemblance avec le Saint Jean-Baptiste de Léonard de Vinci :

.

Envoi
User Review
0% (0 votes)

Laisser un commentaire