La Main de Dieu. Avis film. Procès Sorrentino-Maradona. Critique imbécile. 6/10

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La main de dieu, « È stata la mano di Dio », n’est pas seulement ce but marqué de la main par Maradona et qui a permis aux Italiens de « voler » la coupe du monde aux Anglais, en 1986.

Ce littéralisme là, c’est ce qui est répété de site en site, par des critiques qui se contentent de la première explication venue. S’ils ne citent pas ce qui va suivre, c’est clairement qu’ils n’ont rien compris… passez votre chemin.

« È stata la mano di Dio » c’est aussi et surtout cette fatalité maléfique/bénéfique qui a fait que ces deux parents sont morts intoxiqués à l’oxyde de carbone, alors que lui s’en est sorti… un salut qu’il doit au dieu Maradona, excusez du peu ! Il n’était pas sur les lieux, car il s’était échappé au séjour familial pour suivre les exploits de l’équipe de Naples. La main de dieu est à double tranchant.

  • « Maradona m’a sauvé la vie. Cela faisait deux ans, je demandais à mon père de pouvoir suivre Naples au lieu de passer le week-end à la montagne, dans la maison familiale de Roccaraso ; mais il me répondait toujours que j’étais trop petit pour avoir cette liberté là. Cette fois-là, il m’a finalement donné la permission de partir : c’était le match « Empoli-Naples ». On sonna à la porte. Je pensais qu’il s’agissait de mon ami qui était venu me chercher. Au lieu de cela, on m’a prévenu qu’un accident s’était produit. […] papa et maman étaient morts dans leur sommeil. À cause d’un poêle mal réglé ils ont été empoisonnés par le monoxyde de carbone ». Sa mère est morte sur place et son père un peu plus tard à l’hôpital.

Procès Sorrentino-Maradona : il n’a pas eu lieu, mais Maradona s’est fâché vertement qu’on utilise sa notoriété sans son accord. « Un avocat de Diego Maradona a déclaré qu’il envisageait une action en justice contre le film à cause de son titre ».

Retour sur terre… ou presque. Pensez que sa vie victorieuse fait l’objet d’un traitement particulier de la part des instances de l’au-delà, est assez ordinaire chez les prétentieux qui ont réussi. On ne s’attendait pas à cela de la part de Sorrentino.

Les « prédestinés » adorent l’idée que leur trajectoire soit celle d’un élu, aidé par une bienveillante volonté divine. Les magnats issus de nulle part nous servent souvent ce récit mythologique de leur vie. Picsou vénérait son sous fétiche. Mais chacun y va de son repère sacré.

Paolo Sorrentino est au confluent de deux religions majeures, mais contrariées. Le communisme par son père néanmoins banquier et le catholicisme napolitain relativisée, par cette mère élevée par des bonnes sœurs. Elle n’hésite pas à faire des « blagues » cruelles, mais comme un enfant avec le sourire de l’innocence. C’est le père qui la remet dans le droit chemin. « Un communiste ne peut pas mentir » !

Paolo lui même s’avère plutôt du genre superstitieux versant croyance religieuse avec un arrière fond de dogmatisme socialo-communiste pour la politique. Sa défiance réelle et/ou surjouée vis à vis des « nantis », qui est tellement prégnante là bas, qu’il ne doit même pas s’en rendre compte. Mais ses inclinations ont évidentes, dont son indulgence pour les trafiquants et autres délinquants.

Au fur et à mesure des visites des films du maître, il apparaît de plus en plus clairement, qu’il veut nous infliger un couplet sur l’irrationnel et le religieux. Il peut y croire ou non. D’ailleurs, j’ai plutôt l’impression que ce sont des fioritures. En 2021 on pouvait espérer qu’il s’était sorti de ce piège là.

Ici c’est l’intervention de San Gennaro, le saint patron de Naples et du munaciello. Ce couple mystique ne semble avoir pas grand-chose à faire à part de régler les problèmes d’infertilité de la tante folle. Si au moins on y mettait vraiment de l’humour et de la dérision. Mais non chez Sorrentino, les Saints transforment les petites oboles en miracle, des personnages « choisis » lévitent comme dans le film Youth – film (2015) 8.5/10. Et bien pire encore dans Grande Bellezza. (2013) 5.5/10 où franchement il plonge, au point de s’y noyer, avec ce substitut voire ce succédané de mère Teresa. Le grand n’importe quoi, n’en déplaise à mes amies qui ont participé au film Youth et qui m’ont raconté leur rencontre avec leur « dieu » Sorrentino (au tournage de Grande Bellezza ?). Cette mère et fille de très bonne présentation, vouant un culte à Grande Bellezza. Un film qui pourtant m’a profondément déçu après le choc de Youth.

Avec ma troisième visite des opus de cet estimé grand réalisateur que Sorrentino, les choses sont devenues particulièrement claires.

Ce bougre d’homme a envie d’écrire sa saga, voire de construire sa légende. Il ne peut confier ce matériel à personne d’autre. Il est certes un peu jeune pour pour écrire son autobiographie. Mais ça ne sera pas le premier à anticiper, pour ne pas qu’on lui coupe l’herbe sous les pieds. Ainsi une chanteuse en herbe mais à la notoriété internationale avait écrit “ma vie” alors qu’elle n’avait que 17 ans.

Pour faire une œuvre, il faut avoir quelque chose à dire. Ce truisme est d’ailleurs exprimé parfaitement comme ça dans le film. C’est l’épisode où le réalisateur mature qui va le prendre sous son aile lui demande s’il a quelque chose à dire et ce qu’il veut communiquer.

Le tout jeune homme se torture pour enfin sortir ce cri du cœur en différé : “ils ne m’ont pas laissé voir mes parents morts à la morgue“.

Voilà donc sur quoi se baserait son œuvre. Si à la limite on peut partager un peu de sa révolte, il faut reconnaître que l’équipe médicale qui l’a dissuadé, avait sans doute ses raisons. Des morts à l’oxyde de carbone ce n’est pas très beau à voir.

On est donc dans l’entre-deux – Pas de quoi écrire La Comédie humaine. Et c’est bien ça qui me dérange, cet aveu qu’il n’a pas grand chose à dire finalement.

Nous sommes déjà bien assez envahi par tout ces personnages qui réclament la lumière et qui voudraient pour cela crier à l’univers tout entier, qu’on leur a marché une fois sur les pieds.

On en a vraiment goûté de ces aigreurs, ces reproches, ces rancunes, ces sentiments d’injustice plus ou moins justifiés, cs révoltes plus ou moins compréhensibles ; mais si discutables selon le point de vue qu’on adopte.

Trop c’est trop, mon cher Sorrentino.

Reste l’ambiance, les tableaux, la bonne impression de réalité… pas mal de choses où notre réalisateur s’illustre. Il est bon, il est même très bon, parfois.

Même si on peut lui reprocher un script un peu trop téléphoné. On lui conseille de prendre n’importe qui une première fois. Et donc on n’est pas étonné de voir qu’il se tape la rombière du dessus. Qui elle même participe de l’idée de la particularité de la première fois, dont il faut s’affranchir. Non, tu ne reviendras pas me voir une deuxième fois

Si l’on enlève le côté autobiographique, l’histoire à composantes multiples semble faite de bric de broc et n’intéresse pas tellement. Si on prend ça pour un tableau un peu trop élogieux qui flatte l’égo de notre metteur en scène, il demeure un malaise.

On pourrait choisir l’entre-deux, en ne gardant que les bons côtés des deux mondes. Mais on est aussi tenté par un entre-deux inversé qui n’aurait que les mauvais côtés du récit.

Bien que j’aime ce Naples, qu’on nous laisse deviner, mon cœur balance et mon esprit reste insatisfait. Tu peux mieux faire Sorrentino. Tu l’as prouvé avec ce merveilleux Youth. En fait tu es meilleur pour traduire la vieillesse que disserter sur les premiers pas de l’individu.

Sur la forme, il y a un peu trop d’emprunts à Fellini, cela contribue au style mais ça ne participe pas clairement au fond.

Le film n’est pas rentré dans ses frais.

https://fr.wikipedia.org/wiki/La_Main_de_Dieu

https://fr.wikipedia.org/wiki/Paolo_Sorrentino

https://it.wikipedia.org/wiki/%C3%88_stata_la_mano_di_Dio

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